Presse et Moldavie

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Kathimerini
Moldavie : comment réinsérer les victimes de la traite des êtres humains ?
Traduit par Didalia Papakonstantinou
Publié dans la presse : 8 janvier 2006

En Moldavie, des milliers de femmes sont toujours victimes d’exploitation sexuelle, tandis que les cas d’enfants victimes du trafic d’organes sont nombreux. Comment réinsérer les victimes du trafic qui sont libérées dans leur société d’origine ? L’exemple de l’ONG grecque IMEPO, qui mène un programme ambitieux à Chisinau et en Gagaouzie.

Par Stavros Tsimas

La Moldavie très pauvre république de l’ex-Union Soviétique est aujourd’hui un Etat indépendant coincé entre l’Ukraine et la Roumanie. Elle est connue pour trois choses : avoir connu les débuts de l’ascension vers le sommet de la pyramide soviétique de l’ancien secrétaire du parti communiste, Léonid Brejnev ; le magnifique vin rouge « Krikova », qui réjouissait autrefois le coeur des tsars mais aussi celui de Staline, et les splendides femmes, nées du mélange des populations russes et balkaniques.

Ce pays, peuplé d’un peu plus de quatre millions d’habitants où, entre les fleuves Dniestr et Prout, vivent harmonieusement plus de quarante peuples (Moldaves, Ukrainiens, Russes, Gagaouzes et autres) attire les marchands de chair humaine des quatre coins du monde. Ils débarquent là-bas pour emporter des femmes mais aussi des enfants auxquels ils enlèvent des organes à transplanter.

La Moldavie est classée en première place parmi les pays préférés des trafiquants - l’Ukraine figure en deuxième place. Les conditions pour le développement de ce commerce y sont idéales. La pauvreté et le manque absolu de perspective jettent les jeunes Moldaves dans les filets des trafiquants, qui leur promettent un travail en Turquie, en Grèce, à Chypre, en Roumanie, en Russie où ailleurs. Les salaires proposés sont plusieurs fois supérieurs à ceux pratiqués dans leur patrie, qui ne dépassent pas 50 dollars par mois.

Un programme de réinsertion sociale pour les victimes

Alexandros Zavos, président de l’Institut de politique de l’immigration (IMEPO), s’est trouvé récemment en Moldavie où l’IMEPO met en oeuvre un programme pour la réinsertion des victimes du trafic d’êtres humains. Ce programme appelé « Ithaque » est réalisé en coopération avec l’Organisation internationale des migrations (OIM) et avec le soutien économique du Service de coopération pour le développement internationale du ministère des Affaires étrangères de Grèce.

Pendant sa visite au coeur du problème, M. Zavos a eu l’occasion de s’informer des conditions dans lesquelles se développent les circuits de trafic. « Les femmes sont approchées par des collaborateurs locaux de bandes et même par des membres de leur famille ( !), qui leur promettent du travail dans des secteurs comme la garde d’enfants, la restauration et le commerce. Il existe aussi de faux bureaux de recherche de travail. Pour une jeune femme qui n’a aucun espoir d’améliorer sa vie dans son pays, la tentation est grande ».

De vains espoirs

On se demande bien sûr si les « candidates » victimes ne se doutent pas qu’elles aboutiront à la prostitution. « Certaines le savent, puisque dans leur pays il y a des campagnes d’information menées par les médias et par les organisations internationales. Pourtant, leur vie est tellement difficile qu’elles nourrissent le vain espoir que, peut-être, elles auront plus de chance, et qu’il ne leur arrivera pas ce dont parlent les gens qui connaissent la triste réalité », explique Alexandros Zavos.

Les jeunes Moldaves quittent leur pays légalement, puisque les trafiquants s’occupent des visas et de déplacements sûrs et confortables. Le cauchemar commence dès qu’elles arrivent à destination. « Après un certain temps, on les prive de leur passeport et les enferme dans des appartements sous prétexte de vouloir les protéger. On les oblige à se prostituer et, si elles osent réagir, on les menace et les bat. Souvent, elles sont revendues à d’autres souteneurs. Leur personnalité est complètement mise en pièces ».

Certaines ne résistent pas et se suicident en se jetant par les balcons des appartements où elles sont emprisonnées. Les plus audacieuses et les plus chanceuses réussissent à s’évader, et font appel aux autorités, qui les renvoient dans leur patrie. Selon des données de l’OIM, entre 2000 et 2005, ont été arrêtés et renvoyés en Moldavie 1650 femmes et enfants. Plus précisément 356 ont été arrêtés en Macédoine-FYROM, 279 en Turquie, 266 en Bosnie-Herzégovine, 210 au Kosovo et en Serbie Monténégro, 109 en Russie, 106 en Albanie, 39 en Italie, 35 aux Émirats Arabes Unis et 6 en Grèce.

Un supplice sans fin

Cependant, le calvaire des femmes qui échappent aux griffes des trafiquants est loin d’être terminé après le retour aupays. « Beaucoup de femmes présentent des problèmes psychologiques, des tendances au suicide, une agressivité accrue et la phobie d’être kidnappées si elles sortent de leur maison », remarque Alexandros Zavos. Les organisations internationales humanitaires et non gouvernementales, en coopération avec les autorités de l’État Moldave essayent d’aider les victimes du trafic à se réintégrer dans la société. Cette tache n’est cependant pas facile, puisque les blessures psychologiques des femmes abusées sont profondes, alors que personne ne doit apprendre ce qu’elles ont enduré pendant leur séjour dans le pays où elles sont supposées avoir travaillé.

Les étapes du programme « Ithaque »

« Le programme Ithaque comprend trois étapes : le soutien psychologique, l’enseignement de l’artisanat et des activités de l’entreprise, et la recherche de travail », explique le président de l’IMEPO. Cette opération est très délicate et exige beaucoup de discrétion, car une involontaire révélation du problème risque de provoquer l’expulsion de la victime par sa famille et son isolement social. Un tel incident n’apporterait que des résultats négatifs. D’habitude, lors de leur participation aux programmes, les victimes du trafic d’êtres humains sont regroupées avec d’autres individus ayant besoin de soutien, tels que des immigrés et des sans abris. Le secret de leur vrai problème n’est connu que par certains cadres du programme. « Il y a des cas où même l’époux de la victime ne connaît pas son drame », dit Alexandros Zavos.

Après leur retour en Moldavie, un grand nombre de victimes du trafic trouvent refuge dans le centre de rétablissement et de réinsertion de Chisinau, la capitale de la Moldavie, créé par l’Organisation internationale pour les réfugiés. Dans ce centre, elles sont soumises à des examens gynécologiques pour le dépistage des maladies sexuellement transmissibles et un soutien psychologique leur est offert. Le programme comprend une thérapie de groupe, une assistance à l’orientation professionnelle et, pendant un certain temps, le logement et la nourriture.

Dans un petit village de Gagaouzie, région méridionale de Moldavie, avec des maisons en brique et des rues en terre battue, les trafiquants ont fait un « bon » travail. On compte trente-cinq victimes du trafic qui participent au programme. « Ni les gens du village ni les participants au programme ne connaissent les raison de la participation des autres inscrits », explique Alexandros Zavos.

À la fin de l’étape de soutien psychologique et de formation, les victimes reçoivent une aide financière pour l’achat d’équipement leur permettant de créer de petites structures avicoles, apicoles, d’élevage d’animaux etc. Une aide à la création de ces structures leur est également assurée.

À cause de la pauvreté

Le président de l’IMEPO décrit le cas caractéristique d’une jeune Moldave de Gagaouzie, kidnappée lors d’une excursion scolaire dans un pays voisin. « Là-bas, dans une boite de nuit on l’a convaincue qu’en restant pour travailler comme serveuse, elle gagnerait beaucoup d’argent. La gamine y a cru et, finalement, elle est tombé entre les griffes de trafiquants qui l’ont obligé à se prostituer. Quelques années plus tard, elle a réussi à s’évader et aujourd’hui, à vingt ans, elle commence une nouvelle vie comme coiffeuse dans son village grâce au programme Ithaque ».

Bien que la Moldavie soit mondialement connue comme le « paradis » des trafiquants et que le gouvernement le reconnaisse, il n’a pas encore placé la lutte contre ce problème parmi ses priorités. Même s’il figurait au premier rang de ses priorités, ce problème ne serait pas facile à résoudre. Tant que la pauvreté, la clochardisation, la désorganisation de la société et l’absence absolue de perspective pour ses habitants règneront dans ce petit pays des Carpathes, cet horrible commerce fera des affaires en or.

« Je ne vois pas de main tendue »

De très jeunes filles, presque des enfants, dont l’âme et le corps ont été écrasés sur le hideux marché de la chair humaine, décrivent leur drame à travers des poèmes. Quelques uns de ces poèmes sont intégrés au calendrier que l’IMEPO s’apprête à publier dans les prochains jours.

-  E., 16 ans, était élève. Lors qu’elle attendait à la station d’autobus on l’a tiré dans une voiture, l’a droguée et l’a enfermée. Pendant deux mois on a abusé sexuellement d’elle, jusqu’au jour où l’un des proxénètes a oublié de fermer la porte à clé. Après s’être évadée et être retournée à l’école, ses camarades de classe se moquaient d’elle. Aujourd’hui, elle travaille dans un magasin. Elle écrit dans son poème :

Je vis dans un cauchemar
Mon coeur n’est qu’une douleur
Je suis une rose entourée d’épines
frappée par l’eau glacée de la pluie.
Je ne connais ni chaleur ni affection
il n’y a pas de futur devant moi
la vie est dure et injuste
et je ne vois pas de main tendue/ toute ma vie est une larme.

-  T., 16 ans, a été abusée par son père à l’âge de douze ans. Partie de la maison, elle est tombée victime du trafic d’être humains dans plusieurs pays européens. Elle a essayé, mais n’a pas réussi à s’évader. Elle est devenue alcoolique, mais elle est rentrée à la maison avec l’aide d’Interpol. Maintenant, elle habite avec sa mère à Moscou. Elle dit dans son poème :

Ma vie est suspendue sur un fil
au-dessus d’un puits sans fond.
J’ai besoin de plus d’air et d’espoir
je vis dans la pauvreté
je ne sais pas ce qui se passe
ma vie est terminée.
Mes pensées voyagent loin en haut
et se perdent dans le ciel.
Je sais, je ne ressentirais plus d’amour
et la vie coulera ainsi simplement comme de l’eau.
Je ne sais pas ce que je dois faire
pour voir une lumière claire, éblouissante.
Et je continue à chercher la vérité.
Autant que je puis, mais comment ?

-  N., 16 ans. Sa mère l’a abandonnée et elle a été élevée par sa grand-mère. Un voisin l’a vendue à une proxénète. Pendant un an, elle a été victime du trafic à Moscou. Un homme l’a aidée à s’évader. Elle a porté plainte contre la proxénète, qui a été condamné à 15 ans de prison. Aujourd’hui N. travaille dans une usine.

J’étais un enfant naïf
qui croyait aux fées.
Et maintenant je vois que j’étais aveugle
et mon destin était sombre.
J’ai fini dans des saunas et des clubs
un jouet entre les mains de fripouilles.
Je suis vivante et je souffre encore
je sens les années qui me pèsent.
Je m’en souviens comme d’une torture.
Des corps que m’ont touché.
Quand je sors de mes cauchemars.
Je me sens hantée.
J’essaye de penser à des visages amicaux.
De gens qui m’ont sauvée de l’enfer.
Mon âme est amère et vide.
Et tous cela pour moi c’est trop.

Une série d’enlèvements d’enfants

Les trafiquants préfèrent les femmes, parce que les profits de l’exploitation sexuelle sont grands, néanmoins, ils ne laissent pas les petits enfants en dehors de leur champ d’activités. La plupart des enfants victimes sont destinées à la mendicité devant les feux rouge, d’autres au travail illégal et certains à l’extraction d’organes.

Six cas au moins d’enfants kidnappés et soumis à l’extraction de rein ou d’un autre organe dans un pays étranger ont été révélés en Moldavie. Cependant, les membres des organisations humanitaires internationales agissant dans ce pays estiment que les cas sont beaucoup plus nombreux.

 

BIRN
Transnistrie : fiasco des efforts de médiation internationale
Traduit par Stéphane Surprenant
Mise en ligne : lundi 26 décembre 2005

Alors que les dernières négociations sur l’avenir de la Transnistrie s’achèvent dans une impasse, toute solution apparaît plus éloignée que jamais. Sans accord entre les médiateurs internationaux sur une stratégie commune, les chefs séparatistes de Tiraspol peuvent dormir sur leurs deux oreilles - du moins dans un avenir immédiat.

Par Marian Chiriac   Le dernier round de discussions sous médiation internationale concernant des élections libres dans la région moldave séparatiste de Transnistrie s’est terminé le 16 décembre sans progrès apparent.

Cet échec constitue une déception pour l’Union Européenne et pour les États-Unis qui, pour la première fois, se joignaient aux négociateurs d’Ukraine, de Russie et de Moldavie, sous la tutelle de l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE).

« Les pourparlers ont été très difficiles et les résultats auraient dû être bien meilleurs », a déclaré William Hill, chef de la mission de l’OSCE en Moldavie. « Le point clé à l’agenda était la mise sur pied d’une commission d’enquête sur l’organisation d’élections en Transnistrie. Aucun accord concret n’a été réalisé sur ce point », a-t-il expliqué.

Les négociations, achevées après plus de 15 mois, portaient sur le plan ukrainien sur la tenue d’élections libres et transparentes en Transnistrie, une région majoritairement russophone séparée de la Moldavie depuis 1992, peu de temps après que celle-ci ne fasse sécession de l’Union Soviétique.

Un court mais sanglant conflit a suivi, coûtant la vie à plus de 700 personnes avant que les troupes russes n’interviennent pour mettre fin aux combats.

Environ 1600 soldats et 20 000 tonnes d’armement, c’est-à-dire les restes de la 14ème armée soviétique, sont restés en Transnistrie - qui entretient des liens étroits avec Moscou - à titre de forces de sécurité.

Avec une population de 600 000 habitants et des revenus annuels moyens d’à peu près 660 dollars US, cette région est l’une des plus pauvres d’Europe.

William Hill a ajouté que les participants vont rédiger un mandat sur l’envoi d’une équipe en Transnistrie qui sera présente lors de nouveaux pourparlers en janvier. Pareillle entente est « toujours mieux que rien » à ses yeux. Mais, reconnaissant franchement qu’un large fossé sépare les médiateurs sur l’avenir de la Transnistrie, il a poursuivi en disant qu’il « existe différentes notions de ce que sont des élections démocratiques ».

Un des fondements du problème en Transdniestrie, une mince bande de terre dans l’est de la Moldavie, est le soutien logistique significatif de la Russie à la cause séparatiste.

Sous la protection militaire russe, la région s’est dotée de plusieurs attributs propres à un État indépendant, comme un drapeau, des armoiries (arborant le marteau et la faucille hérités de l’ère soviétique), un président, un parlement, une police et un système juridique.

Élections libres concept incertain

Le seul attribut manquant est la reconnaissance internationale, ce qui a incité les autorités de la ville principale de Tiraspol à tenir leurs propres élections parlementaires plus tôt en décembre.

Le scrutin a donné 23 des 43 sièges de l’assemblée locale au Mouvement du Renouveau, proche des milieux d’affaires, tandis que les 20 autres allaient au Mouvement République, qui représente les dirigeants traditionnels de Transdniestrie.

La Moldavie et les pays occidentaux ont critiqué le scrutin et, après avoir échoué à obtenir un accord en vue d’envoyer des observateurs sur le terrain, ont refusé d’en reconnaître les résultats.

La Moldavie, un ancien allié de Moscou qui aspire aujourd’hui à rejoindre l’UE, blâme maintenant ouvertement la Russie pour le blocage des négociations. Pour compliquer encore les choses, le gouvernement moldave de Chisinau s’oppose au plan de paix ukrainien, qui ferait de la Moldavie un État fédéral et placerait les « soldats de maintien de la paix » russes sous supervision internationale.

La Moldavie exige que la priorité soit le retrait des troupes russes. Rejetant le fédéralisme, elle s’est plutôt dite prête à accorder aux séparatistes de Tiraspol une autonomie légale et à permettre à la région de conserver ses propres symboles comme le drapeau et l’hymne, de même que sa propre constitution.

Selon une autre proposition moldave, la Transnistrie aurait le droit de faire sécession seulement si la Moldavie se joignait à un autre État. En effet, la Moldavie faisait partie de la Roumanie voisine avant la Seconde Guerre Mondiale.

La région rebelle ne subit toutefois aucune véritable pression immédiate, en dépit du barrage de critiques de la Moldavie et d’autres États.

La Moldavie et l’Ukraine accusent les autorités locales de Tiraspol d’être impliquées dans la contrebande. Ces deux pays soutiennent également - à l’instar de beaucoup d’ONG d’ailleurs - que le gouvernement de Transnistrie est essentiellement autoritaire et présente un mauvais bilan dans le domaine des droits humains. Certaines ONG affirment que le droit d’assemblée et le droit d’association ne sont pas complètement respectés.

La plupart des experts moldaves n’entrevoient aucune lumière au bout du tunnel, à moins d’un changement marqué dans l’attitude de la Moldavie et de la communauté internationale.

La Moldavie doit devenir attractive

« La Moldavie doit devenir plus attirante pour les gens de Transnistrie », estime Nicu Popescu, expert moldave au Centre d’Études des Politiques européennes (CEPS) à Bruxelles. « La Moldavie devrait se concentrer sur les réformes politiques et économiques, renforcer sa démocratie et se rapprocher de l’UE économiquement et politiquement », a-t-il poursuivi. « Cela créerait une situation où un nombre croissant de personnes dans la région séparatiste voudraient bénéficier des avantages de la citoyenneté moldave ».

Nicu Popescu estime que la communauté internationale doit appuyer une plus grande ouverture ainsi que le pluralisme en Transnistrie, « et contribuer à réduire les avantages du statu quo pour les protagonistes corrompus qui ont profité de l’indépendance de fait de la région ».

Rendre plus difficile de profiter de la situation qui prévaut en ce moment « et appuyer les efforts moldaves pour se rapprocher de l’UE reviendrait à construire une base solide pour des négociations réelles concernant le type d’autonomie que la Transnistrie pourrait avoir à l’avenir », conclut Popescu.

Vladimir Socor, analyste expérimenté lié à la Fondation Jamestown basée aux États-Unis, a expliqué que la stratégie, en attendant, devait être de poursuivre le dialogue entre Chisinau et Tiraspol sous étroite supervision internationale.

« Les premiers pas indispensables vers une solution sont un retrait des troupes russes, la démobilisation des forces militaires et de sécurité de Tiraspol et la construction de la démocratie en Transnistrie », continue Vladimir Socor.

Comme la plupart des Moldaves, il souhaite que des élections supervisées par la communauté internationale ne soient organisées qu’à l’intérieur du cadre moldave. Il est farouchement opposé aux plans de l’OSCE et de l’Ukraine sur la tenue d’un scrutin séparé sous supervision internationale en Transnistrie. « Des élections séparées [...] seraient travesties et [résulteraient] en une reconnaissance des autorités mises en place par la Russie », plaide-t-il.

Sans accord entre les divers médiateurs internationaux sur une stratégie commune concernant la Transnistrie, les chefs séparatistes de Tiraspol peuvent dormir sur leurs deux oreilles - du moins dans un avenir immédiat.

 

MOLDAVA AZI
« Révolution » paradoxale en Moldavie
TRADUIT PAR LAURE HINCKEL
Mise en ligne : lundi 21 mars 2005

La démocratie et l’idée de l’Europe, ont-elles gagnées en République de Moldavie après les élections du 6 mars ? C’est la question-clé posée par tous les observateurs et par la presse internationale en ce qui concerne le scrutin récemment développé.

Par Vitalie Ciobanu

Pour être plus révélatrice, l’interrogation devrait être reformulée d’une autre manière : « peut-on considérer la victoire des communistes comme une option de l’électorat majoritaire bessarabien pour la démocratie et l’intégration européenne » ? Les opinions sont divisées en fonction de la géographie de ceux qui les exposent, ou bien, s’il s’agit des personnes de la République de Moldavie, elles varient en fonction de leurs intérêts et de leur optique. Les optimistes affirment que c’est exactement le changement radical des azimuts politiques par le président Voronin qui a assuré un nouveau succès électoral au PCRM, même si c’est un succès plus modeste qu’il y a quatre ans. Je vais dire franchement : je n’en crois pas cette théorie. Les rencontres avec Iouchtchenko et Saakachvili entreprises sur les derniers cent mètres de la campagne électorale ont été des numéros d’illusionnisme politique, destinés au consommateur occidental, une « préparation psychologique » de celui-ci pour obtenir un verdict positif en ce qui concerne le caractère « libre » et « correct » du scrutin, un but qui a été atteint par le PCRM. 
L’électorat pro-communiste est constitué en majorité de personnes âgées, de retraités villageois qui ont apprécié l’attitude plus attentive manifestée par le gouvernement actuel envers eux - l’augmentation de pensions et de salaires et l’élimination des arriérés d’avant 2001 - c’est pourquoi les « rendez-vous oranges » du président communiste n’ont pas eu une grande influence sur les électeurs. Par contre, elles ont comptés aux yeux de l’Occident, qui espérait faire de la Moldavie le maillon d’une boucle anti-russe à la Mer Noire. Ce qui a vraiment influencé l’électorat c’est l’embargo médiatique quasi-total contre l’Opposition, institué par les communistes. Ainsi, à l’abri des pensions augmentées et de la dure censure à la télévision d’Etat, les communistes ont pu se permettre une torsion géopolitique spectaculaire, en abandonnant la direction pro-russe, mais les moldaves qui les ont élu n’ont pas observé ça ! C’est une performance : ne perdre que 4%, c’est-à-dire baisser de 50,2% obtenus en 2001 vers 46,1% en 2005, après quatre années de gouvernement, avec de nombreux abus administratifs, des protestations de l’opposition, des tentes installées devant la présidence, la grève de la faim des journalistes épurés politiquement de la Compagnie « Teleradio-Moldova », enfin après quatre années de blocage des réformes et des évolutions démocratiques en République de Moldavie.

Les votes de russophones déçus de la « trahison » de Voronin ont migré vers le bloc « Patria-Rodina » d’extrême gauche, pour revenir par redistribution, au parti de gouvernement, comme aussi les suffrages des autres perdants électoraux. Malheureusement, le résultat positif, 29,41%, plus qu’attendu, du bloc « Moldova Democrata », formation d’orientation déclarée pro-européenne, est souillé par des suspections répandues aujourd’hui même par la presse internationale. Le BMD a été aidé aux élections, directement ou non, par les plaidoiries de Moscou, qui a utilisé contre la Moldavie l’arme du chantage économique, ainsi que la propagande anti-Voronin de son chien de garde : le régime transnistrien. Une autre déception a fourni à ses électeurs le Parti Populaire Chrétien Démocrate. Le chagrin de Iurie Rosca au vue des 14% que lui a « offert » l’exit-poll ne comptait plus face aux 9,07% obtenus par le PPCD après le dénombrement des votes ; si le dénombrement a été correct bien sûr. Ni même 1% en plus par rapport aux 8,18% gagnés en 2001 ! Avec un tel rythme de croissance, on peut dire que le PPCD va conquérir la majorité dans le parlement d’ici quelques décennies et on ne croit pas que ses supporters auront autant de patience. Il est clair que ce parti doit revoir la modalité de faire de la politique et, spécialement, la modalité de traiter les potentiels alliés. Toutes les trois formations qualifiées dans le parlement sont mécontentes des résultats obtenus, et l’Opposition exclue la collaboration avec le PCRM. 

Dans ces conditions où les communistes manquent de 5 mandats pour réélire Vladimir Voronin au poste de président, la solution limite sera l’organisation des élections anticipées. Mais va-t-on arriver jusque là ? Probablement, non. Dans le BMD on pourra trouver plusieurs personnes qui préféreront l’actuel chef d’Etat. Le vote étant secret, la seule modalité de prévenir les désertassions sera le boycottage des sessions du parlement, mais ce n’est pas du tout sûr que les deux formations d’opposition auront le courage de le faire. En effet, les élections anticipées ne pourront pas modifier substantiellement les options de l’électorat. Par contre, celles-ci impliquent des risques majeurs, vus à travers le prisme de l’intérêt national, parce qu’elles vont permettre à la Russie d’intensifier son influence, y compris par la propulsion dans le parlement des ultra-chauvins de « Patria-Rodina ».
En même temps, un scrutin répété pourrait aggraver le déficit de crédibilité des leaders du BMD. Les séparatistes transnistriens n’ont pas permis l’organisation des sections de vote à l’est de Dniestr, mais ils ont fait une forte agitation parmi les habitants de cette zone en faveur de « Moldova Democrata », en leur offrant même des autobus gratuits pour se déplacer aux sections de vote supplémentaires ouvertes sur la rive droite de Dniestr par les autorités de Chisinau. Une complicité du BMD avec un régime anticonstitutionnel, celui de Tiraspol, au nom des valeurs démocratiques et de l’intégration européenne ?! Les libéraux de Untila et les socio-libéraux de Serebrian, dont l’adhésion pro-occidentale ne peut pas être mise en doute, ont en ce moment-là un problème beaucoup plus gênant que celui de la « troïka » Urechean-Braghis-Diakov : après être arrivés au parlement sur les listes du BMD, ils devront se demander s’ils sont prêts à participer à ce jeux douteux, avec des apparences démocratiques, déroulé dans l’intérêt de Moscou ?

Cette effervescence ne signifie rien si on ne clarifie pas une inconnue de principe : est-ce que Monsieur Voronin, va-t-il se rabattre ou non du côté proeuropéen, assumé les derniers mois ? La réponse correcte est la suivante : « On n’a aucune garantie qu’il lui reste fidèle ». Il faut renforcer les institutions démocratiques, la société civile et la presse indépendante, pour que le destin de la Bessarabie ne dépende plus des caprices changeants d’une seule personne. Un président marqué de convictions démocratiques devrait être pris dans un étau des engagements, pour ne pas avoir la possibilité de retour. Si une telle stratégie donne des fruits - car, à ce moment-là Voronin semble être le seul politicien influent à Chisinau, capable de s’opposer aux plans de Moscou - on pourrait dire que, paradoxalement, c’est justement l’électorat par excellence apolitique et paternaliste des communistes, qui a réalisé le changement en Bessarabie, sans faire flotter du moins un mouchoir orange. L’intérêt accru du monde démocratique des mass media internationales envers la République de Moldavie - c’est pour l’instant le seul gain réel du scrutin du 6 mars - offre des espoirs à cet égard.

 

Moldavie : les sécessionnistes de Transnistrie comptent toujours sur la Russie
DE NOS ENVOYÉS SPÉCIAUX À TIRASPOL
Mise en ligne : dimanche 6 mars 2005

La survie de la République sécessionniste de Transnistrie est menacée par le virage anti-russe des autorités moldaves. Depuis la victoire de Victor Iouchtchenko, l’Ukraine a également commencé à fermer ses frontières. Le ministre des Affaires étrangères de Transnistrie ne croit pourtant pas au risque d’un blocus. Il reconnaît que la Transnistrie est un carrefour des trafics et qu’elle n’est pas une démocratie. Entretien.

Propos recueillis par Jean-Arnault Dérens et Antoine Ageron

Valeri Letskai arbore un ventre imposant. Il reçoit dans un bureau au cinquième étage du siège du Soviet suprême de Tiraspol, la capitale de la « République moldave de Transnistrie », qui a proclamée son indépendance en se séparant de la Moldavie après le sanglant conflit de 1992.

Depuis, les positions militaires sont gelées par la présence des soldats de la XIVe Armée russe et de « Forces de paix » mixtes.

L’entité sécessionniste, qui s’étend entre la rive gauche du Dniestr et la frontière ukrainienne, compte environ 600 000 habitants, principalement russes, ukrainiens et moldaves.

Derrière le bureau de Valeri Letskai, une photo du ministre en tenue de judoka voisine avec l’emblème de la République, toujours frappé de la faucille et du marteau. Le bureau est abondamment décoré : on peut y avoir un drapeau russe, une Tour Eiffel en réduction et plusieurs images de Boudha. Sur la télévision est posée une maquette en plastique de navire corsaire.

Sur l’esplanade du Soviet suprême, une immense statue de Lénine continue de pointer le doigt dans la direction de l’avenir radieux.

À la veille des élections parlementaires en Moldavie, un groupe d’étudiants traverse le centre de Tiraspol en brandissant des drapeaux de Transnistrie, et en vilipendant le Président moldave, aux cris de « Voronine fasciste ! ».

Courrier des Balkans (CdB) : Comment définiriez-vous la nature politique de la République de Transnitrie ?

Valeri Letskai (VL) : Nous n’avons pas d’idéologie particulière. Dans notre Parlement, il n’y a qu’un seul communiste. L’économie est le facteur essentiel. Les chefs d’entreprises sont les vrais dirigeants de la République. Ils ont mené à bien les privatisations, à leur manière, car nous n’avons pas suivi les mêmes modèles qu’ailleurs, en Russie ou en Europe centrale. Chaque usine a sa propre règle, et la seule idée, c’est l’argent.

CdB : La Transnistrie est-elle une démocratie ?

VL : Bien sûr que non ! Il n’y a pas de démocratie en temps de crise. Disons que nous avons aussi une forme très particulière de démocratie. On pourrait comparer la Transnistrie à ce qu’était la Corée du Sud il y a vingt ans : un Président puissant, une armée puissante et des chefs d’entreprise très puissants. Mais la Transnistrie n’est pas une dictature. Igor Smirnov, notre Président, n’est pas Saddam Hussein ! Il y a un partage du pouvoir, mais lui aussi est très particulier et n’obéit pas tout à fait à ce que l’on connaît dans les autres pays. Il y a cinq ou six groupes d’influences différents.

CdB : Tiraspol dispose maintenant d’un des plus grands stades d’Europe de l’Est...

VL : Nous en sommes très fiers ! Ce stade a été réalisé par la Compagnie Sheriff, une entreprise privée très riche, mais qui n’a rien à voir avec l’État. Cette compagnie a encore beaucoup de projets. Elle veut notamment réaliser un ôotel cinq étoiles. Sheraton et Hilton ont proposé de construire l’hôtel en un an, en réservant 50% des bénéfices à Sheriff, mais la compagnie a refusé cet accord qui n’était pas assez avantageux.

« Bien sûr qu’il y a de la contrebande ! »

CdB : La Transnistrie est souvent accusée par les pays européens de permettre et de favoriser différents trafics, de cigarettes, de drogue, d’armes ou d’êtres humains. Que répondez-vous ?

VL : Les public relations sont les public relations... L’Europe peut bien dire ce qu’elle veut. L’Union européenne a souvent tendance à croire que la Transnistrie se trouve sur la lune. Il faut comprendre que nous sommes enclavés. Qu’avons-nous à vendre ? Nous n’avons pas de tabac, pas de produits exportables... Bien sûr, beaucoup de marchandises en provenance du port d’Odessa transitent par la Transnitrie. Cependant ; Odessa ne se trouve pas sur notre territoire, mais sur celui de l’Ukraine. S’il y a des trafics, il y a trois acteurs : l’Ukraine, la Transnitrie et la Moldavie. Pourquoi accuser seulement la Transnistrie ?

CdB : Il y a donc bien de la contrebande ?

VL : Bien sûr que oui !

CdB : Que font les autorités de Transnistrie pour s’opposer à cela ?

VL : La République moldave de Transnistrie, l’Ukraine et la Moldavie se battent contre la contrebande, mais sans grand succès ! rire Le Président Igor Smirnov n’est pas l’organisateur et le chef des trafics.

CdB : Qu’en est-il des trafics d’armes ?

VL : Nous avons une usine qui produit des armes de poing. Pour les besoins de notre propre défense. Nous ne vendons d’armes à personne. Si des armes produites chez nous avaient effectivement été trouvées en Tchétchénie, les Russes nous auraient déjà tués ! Si nous vendions nos armes à Ben Laden ou aux Palestiniens, les USA nous auraient tués ! La CIA est à Tiraspol, elle travaille et ne dort pas. Et elle n’a rien trouvé... Il y a deux ans, nous avons officiellement demandé à l’OSCE d’effectuer une inspection militaire de nos usines. Nous attendons toujours que l’on nous réponde. L’an dernier, les Moldaves avaient même prétendu que nous possédions des éléments permettant de fabriquer une bombe atomique. Il y a eu une inspection de cette agence des Nations Unies, je ne sais plus comment elle s’appelle... Elle n’a rien trouvé. L’absence de faits avérés prouve bien que tout ceci n’est que de la propagande dirigée à notre encontre.

L’Ukraine peut-elle faire le blocus de la Transnistrie ?

CdB : Ne craigniez-vous pas que les changements politiques intervenus en Ukraine ne mettent la Transnistrie en situation délicate ?

VL : Soyez clairs : est-ce que nous allons subir un blocus ? Dans le passé, la Moldavie a dépensé toutes ses ressources militaires, politiques et économiques pour nous réduire, mais sans succès. Maintenant, la Moldavie compte sur le soutien de l’Ukraine et de l’Union européenne. Mais ici, le seul acteur important, c’est la Russie. Voronin le sait bien, il n’a pas d’illusions à ce sujet. La Russie a été présente, est présente et sera toujours présente ici. Cependant, Voronin nourrit des illusions à propos de l’Europe et de l’Ukraine. Jusqu’à présent, l’Ukraine n’avait pas de politique autonome. Sous Koutchma, l’Ukraine suivait la Russie. Maintenant, elle veut avoir une politique autonome, mais ces prétentions ukrainiennes reposent aussi sur une illusion. La Russie et les USA ne veulent pas de blocus, il n’y aura donc pas de blocus.

CdB : Pourtant, depuis le 1er février, l’Ukraine ne reconnaît plus les passeports de Transnistrie et elle pourrait fermer sa frontière...

VL : Nous tirons des leçons de l’expériences des embargos contre la Yougoslavie et l’Abkhazie [1]. En cas d’embargo, la situation économique est très difficile. J’ai parlé à des représentants bulgares et roumains, qui m’ont dit combien leurs pays avaient souffert du blocus contre la Yougoslavie. En cas de blocus contre nous, la même chose arriverait à l’Ukraine, et personne ne la dédommagera, sûrement pas l’Union européenne. L’exemple de l’Abkhazie montre aussi que les populations fuient en cas de blocus. Personne ne veut mourir pour des frontières. Que ferait l’Ukraine avec 200 000 réfugiés de Transnistrie ? Le blocus est peu probable. Une nouvelle guerre est également peu probable. Nous avons dit à l’OTAN et à l’Europe que nous serions prêts à faire à nouveau la guerre s’il le fallait, mais l’Europe n’est pas prête à prendre le risque d’une guerre contre une région russe, pour les beaux yeux de Voronin. Notre armée peut mobiliser 40 000 hommes, et en 1992, nous avons reçu le soutien de 10 000 volontaires cosaques de Russie. Une guerre ici ? Mais la Transnistrie serait un second Irak !

CdB : Quelle solution peut-on alors envisager pour résoudre la crise ?

VL : Mais nous avons la solution ! Notre République est la solution ! Nous sommes favorables au plan de fédéralisation de la Moldavie proposé il y a deux ans. Nous tirons les leçons de toutes les expériences européennes, notamment celle de l’Irlande du Nord, avec la dévolution des pouvoirs. Des spécialistes britanniques sont venus nous conseiller et nous former. Le statut de l’Irlande du Nord nous irait très bien, en laissant quelques compétences au pouvoir central de Kichinev [2], mais en ayant une très large autonomie, notamment notre propre police. Il y a dix ans, l’Europe n’avait pas d’expériences de résolution des conflits. Elle ne connaissait que la force. Depuis, il y a eu plusieurs expériences, notamment celle des accords de Dayton en Bosnie-Herzégovine. La Transnistrie appartient à l’espace de la Communauté des États indépendants (CEI), mais notre conflit est un conflit européen, pas un conflit caucasien ou asiatique.

CdB : Qu’est-ce que cela veut dire ?

VL : J’ai très souvent été en Abkhazie, j’ai vu les différences. Là-bas, ils ont pratiqué le nettoyage ethnique, pas nous. Quand je dis aux Abkhazes que les Moldaves sont nos voisins et qu’ils peuvent vivre en paix en Transnistrie, ils sont surpris. Dans notre république vivent des Russes, des Ukrainiens, des Moldaves, des Gagaouzes, des Bulgares... Si l’on veut appliquer une méthodologie asiatique pour résoudre ce conflit européen, on ferait une grave erreur. Le type de résolution du conflit qui sera choisi en Transnistrie sera très important, car il déterminera aussi la résolution du conflit au Karabagh [3] et dans d’autres régions.

Le contrôle de la Mer Noire

CdB : Pourrait-on envisager un retrait des troupes russes de Transnistrie ?

VL : On parle de politique, pas de football ! D’abord, l’Armée russe n’est pas ici. Un immense drapeau russe flotte à Tiraspol, mais l’Armée russe n’est pas là. Il y a 1000 soldats russes, très faiblement armés. En cas de conflit, c’est nous, avec nos 40 000 hommes, qui devrions les protéger ! Ils n’ont pas de blindés, pas d’aviation. Parler de la présence de l’armée russe n’est qu’un slogan politique. À Hong Kong aussi, il y avait un immense drapeau bitannique et seulement quelques soldats, qui n’étaient pas là pour se battre contre la Chine. Il s’agit de symboles. Les Empires mettent longtemps à mourir. D’ailleurs, la plupart des soldats russes sont des citoyens de la Fédération de Russie, mais ils sont originaires de notre région.

CdB : La Transnistrie n’est-elle pas un protectorat de la Russie ?

VL : Mais non ! C’est la Moldavie de Voronin qui est un protectorat de la Russie ! La Moldavie n’a rien. Pour son pétrole, son gaz, son énergie, elle dépend entièrement de la Russie. Il faut situer le problème de la Transnistrie dans son contexte géopolitique global. Si l’on ne regarde que Tiraspol, on ne comprend rien. L’enjeu est celui du système de sécurité de la Mer Noire. Nous faisions partie du système de défense de l’Union soviétique. Depuis l’aéroport de Tiraspol, nos avions pouvaient arriver à Istanbul. Pour l’instant, il n’y a pas encore d’autres systèmes de sécurité proposé pour la Mer Noire. Les USA l’ont bien compris, pas l’Union européenne, qui cherche à tout prix à atteindre la Mer Noire par le Danube. Ce conflit n’est pas une poursuite de la guerre froide. L’enjeu du contrôle de la Mer noire est antérieur à la naissance de l’Union soviétique. Les USA vont avoir deux bases militaires en Roumanie, sur le delta du Danube et à Constanta. Mais Vladimir Poutine n’est pas Gorbatchev : il ne montre pas ses cartes, et il n’a pas encore sorti ses cartes maîtresses. Nous sommes une des cartes de Poutine, comme l’Abkhazie.


[1] République sécessionniste du Nord de la Géorgie. Le régime abkhaze jouit du soutien de la Russie.

[2] Nom russe de Chisinau, la capitale de la Moldavie.

[3] République sécessionniste arménienne établie en Azerbaïdjan

 

Moldavie : un défi sur les nouvelles frontières de l’Union européenne
TRADUIT PAR PIERRE DÉRENS

Publié dans la presse : 4 novembre 2004
Mise en ligne : dimanche 7 novembre 2004

La Moldavie sera bientôt un voisin direct de l’Union européenne. Avec l’entrée attendue de la Roumanie en 2007, l’UE partagera une longue frontière avec le plus pauvre pays de l’Europe. La Russie et l’Europe ont donc intérêt à résoudre le problème qui frappe à leurs portes.

Par Nicholas Whyte

La région séparatiste de Transnistrie, officiellement non reconnue, échappe depuis 1992 au contrôle de Chisinau, la capitale de Moldavie, et elle représente un fief de la mafia, ne survivant que par les profits criminels et certains soutiens russes et ukrainiens, le tout sous l’aile de la 14ème armée russe.

Cette région est avant tout un centre de blanchiment d’argent et de production et d’exportation illégale d’armes. Ces dernières ne sont pas numérotées et n’ont pas de numéros de série, ce qui ne permet pas de les identifier et les rend idéales pour le crime organisé.

Pour le moment, de telles activités se poursuivent sans problème en Transnistrie : les lois internationales ne sont pas reconnue par les autorités, et les organisations internationales, gouvernementales ou non gouvernementales sont incapables d’agir normalement à l’intérieur des frontières de la république sécessioniste.

En conséquence, il est difficile de former les responsables, de mettre au point des campagnes d’information ou de développer des programmes pour protéger la population de l’emprise des trafiquants, puisque les autorités n’ont pas de reconnaissance internationale et sont imperméables aux pressions internationales.

En Moldavie, la guerre civile a été relativement douce, d’après les standards post-soviétiques, par rapport à ce qui s’est passé en Géorgie, ou durant la guerre entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan sur le Nagorny Karabakh, ou encore ces dix dernières années en Tchétchénie. Mais il n’est pas plus facile pour autant de trouver une solution durable.

Les projets russes de résolutions de la crise

Une tentative russe de sortir de l’imbroglio, le mémorandum Kosak de novembre 2003, avait deux aspects : la formation d’un État moldave réunifié, et une présence militaire russe maintenue en Transnistrie.

Les responsables russes ont admis après coup que leur négociateur, Dimitry Kosak, proche conseiller du Président Poutine, n’était pas parvenu à obtenir, ni de Washington, ni de l’UE, ni de l’OSCE, les garanties nécessaires pour que la négociation fonctionne.

Cependant, la stratégie de bon voisinage des nouveaux États européens, qui a pour but d’améliorer la stabilité et la sécurité aux frontières de l’UE agrandie, a soulevé quelques espoirs en Moldavie.

Nouvelles tensions

La Commission européenne va publier sous peu un plan d’action pour le pays, avec des conditions claires permettant que se développe la démocratie, et que s’imposent les droits de l’homme. Après une première phase, durant laquelle Chisinau a obtenu, sur ces points, un bilan de santé relativement positif, les élections locales de 2003 et les révélations des journalistes et des médias sont sources d’inquiétude.

Le régime de sanctions sur les visas imposé contre la Transnistrie au début de l’année 2003 a créé beaucoup de frustrations et s’est soldé par un échec. En retour, Tiraspol a multiplié les mesures de harassement contre les écoles en langue moldave de Transnistrie.

Des heurts se sont aussi produits dans la ville divisée de Tighina/Bendery à l’automne 2004, lorsque la police de Transnistrie a pris le contrôle d’une gare stratégique de chemin de fer.

L’UE a grand intérêt à contribuer à ce que disparaissent de Moldavie les problèmes causés par la pauvreté et le crime endémique qui, tous deux, menacent de créer des problèmes encore plus sérieux après l’entrée de la Roumanie dans l’UE, normalement dans moins de trois ans.

On estime en effet que les armes de Tiraspol arment les rebelles du Caucase, et il n’est pas conciliable avec les intérêts à long terme de la Russie de permettre que cette situation se prolonge. Pour l’instant, les acteurs internationaux ne souhaitent pas investir en Moldavie. Le souvenir pénible du projet Kozak demeure prégnant.

Il faudrait des efforts communs l’UE et de la Russie pour permettre une solution dans le cadre de la stratégie européenne de bon voisinage et de l’engagement pris par la Russie en 1999 de retirer ses troupes et son matériel de Transnistrie.

Le nouveau Commissaire européen aux Relations étrangères, Benita Ferrero-Waldner, a eu quelque expérience dans ce domaine, quand elle était Présidente de l’OSCE en 2000. Bruxelles et Moscou trouveront peut-être le temps et l’énergie de résoudre ce problème, qui demeure relativement mineur à leurs yeux.

 

La querelle scolaire ravive les tensions entre la Moldavie et la Transnistrie
TRADUIT PAR JACQUELINE DÉRENS

Publié dans la presse : 27 août 2004
Mise en ligne : samedi 4 septembre 2004

La querelle scolaire relance la tension entre la Moldavie et la région dissidente russophone de Transnistrie, dont les autorités voulaient interdire aux écoles moldaves d’utiliser l’alphabet latin. Cette nouvelle crise dans le pays le plus pauvre d’Europe, rappelle l’enjeu de sécurité qu’il représente pour les frontières de l’Union européenne.

Par Marian Chiriac

Alors que le bateau remonte le courant du Dniestr, les oiseaux trempent leurs ailes dans l’eau. Le puissant fleuve trace son cours entre des collines verdoyantes et des arbres majestueux. Les villages de Molovata sur les rives du fleuve, dans l’enclave séparatiste de Transnistrie, une région russophone à l’est de la Moldavie, semble loin de toute civilisation urbaine, semblable à ce qu’elle pouvait être, il y a un siècle. En dépit de sa beauté, la terre est peu fertile et n’apporte que la nourriture nécessaire pour que les paysans ne meurent pas de faim.

« Je travaille juste assez pour que mes garçons emportent des sandwiches à l’école. Mon mari et mon fils aîné sont partis travailler en Russie. Ils nous envoient de l’argent de temps en temps », raconte une paysanne dont le visage buriné et les pommettes saillantes font penser à la malnutrition. « Pendant les vacances d’été, j’ai envoyé mes enfants dans un camp de vacances pour économiser ».

Cette femme ne semble pas beaucoup se plaindre. Elle partage le sort de la plupart des gens en Transnistrie et en Moldavie. Le revenu mensuel moyen, dans ce pays le plus pauvre d’Europe, ne dépasse pas 30 dollars américains et les emplois sont rares.

Mais le pire est encore à venir. Au début du mois d’août, les autorités pro-russes de Transnistrie ont coupé l’eau et l’électricité aux villages et villes moldaves de la rive gauche du fleuve.

Alphabet latin ou cyrillique ?

Cet incident fait suite à la décision prise auparavant par les autorités de Tiraspol, capitale de la « république » russophone dissidente, de fermer six écoles qui assurent un enseignement en langue moldave, au prétexte qu’elles n’étaient pas enregistrées auprès du ministère de l’Éducation de Transnistrie.

La langue moldave est presque identique au roumain. La seule différence historique tient à ce que, pendant les 70 ans de gouvernement soviétique en Moldavie, on a obligé la population à utiliser l’alphabet cyrillique au lieu de l’alphabet latin.

Aujourd’hui la Moldavie a restauré l’alphabet latin, mais l’alphabet cyrillique reste en usage pour la transcription officielle du moldave dans les régions russophones de la Transnistrie, excepté dans quelques écoles rebelles, situées principalement dans les zones moldaves, où les parents s’attendent à ce que leurs enfants étudient en moldave, c’est-à-dire en roumain.

Les attaques contre les écoles ont provoqué la colère en Moldavie, y compris celle du gouvernement dirigé par les communistes qui, d’habitude, évitent de contrarier Moscou. La semaine dernière, le Président moldave Vladimir Voronin a qualifié les séparatistes de Transnistrie de « fascistes ».

La très diplomatique OSCE a parlé aussi en termes très forts, son porte-parole en Moldavie accusant les autorités de Transnistrie de violation des droits de l’homme. Le Conseil de l’Europe et Amnesty International ont également condamné cette décision.

Les deux gouvernements ont promptement commencé à prendre des mesures de représailles. La Moldavie s’est retirée des discussions pour un règlement politique et cherche à imposer des sanctions économiques. La Transnistrie a bloqué une voie de chemin de fer, empêchant plusieurs trains d’entrer en Moldavie.

Après plusieurs jours de tension, un accord a été conclu entre le Premier ministre de Moldavie, Vasile Tarlev, et le dirigeant de Transnistrie, Igor Smirnov, grâce à la médiation par téléphone du Président ukrainien, Leonid Kuchma.

Après des jours de querelle avec le gouvernement moldave, Tiraspol a annoncé un compromis et a procédé à l’enregistrement d’une école moldave pour un an, signe de la fin du conflit. Les craintes s’éloignent de voir le retour aux événements de 1992, qui avaient coûté la vie à 300 personnes, des deux côtés des belligérants.

La Moldavie a signé un accord de paix avec les rebelles de Transnistrie à la fin de 1992, avec des médiateurs d’Ukraine, de l’OSCE et de Russie, le protecteur autoproclamé de la population majoritairement russophone de Transnistrie et la véritable force se trouvant derrière les aspirations séparatistes des dirigeants.

1500 soldats russes et des milliers de tonnes d’équipement militaire restent déployés dans la région, un signal musclé pour que la Moldavie n’oublie pas que la Transnistrie a un ami puissant.

Un enjeu pour les frontières de l’Union européenne

Une solution durable reste à trouver. La position de l’Europe est très nuancée. Tout en s’inquiétant de la pauvreté et de la corruption en Moldavie, elle craint que la Transnistrie ne devienne un foyer d’instabilité grave. La frontière non reconnue entre la Moldavie et sa région orientale séparatiste pourrait devenir une puissante attraction pour les trafiquants et contrebandiers.

« Les frontières poreuses de cette république autoproclamée sont des portes vers l’Europe pour les trafiquants d’êtres humains, de drogue et d’armes. La contrebande, le blanchiment d’argent, le crime organisé trouvent un îlot de sécurité en Transnistrie. C’est un problème régional qui affecte la Moldavie, la Roumanie, l’Ukraine et bientôt l’Union européenne élargie », reconnaît l’analyste politique moldave Nicu Popesco.

Il semble normal d’entendre des remarques acerbes dénonçant la Transnistrie comme un refuge pour le crime organisé venant de Moldavie, et les autorités internationales emboîtent le pas en s’inquiétant de ce qui se passe en Transnistrie.

Dans un rapport récent, l’International Crisis Group soupçonne que cinq ou six usines d’armement installées en Transnistrie fabriquent des armes légères, des mortiers et des lanceurs de missiles qui sont vendus dans les diverses zones de conflit. « La Moldavie et l’Ukraine ont mis en place des programmes anti-corruption dans les douanes, les postes-frontières et les services des taxes pour enrayer la contrebande venant et passant par la Transnistrie », note ce rapport.

Pour bien des gens en Moldavie, le récent conflit avec la Transnistrie est venu leur rappeler que la paix et une éventuelle progression vers un prospérité de style occidental restent des objectifs lointains.

La Moldavie ne peut pas espérer résoudre seule le conflit avec la Transnistrie, et comme la bienveillance de la Russie penche vers les rebelles, son espoir est de voir une implication plus importante de l’Occident dans cette crise. Reste à savoir si cette implication va se matérialiser, alors que la Moldavie elle-même reste sous direction communiste pro-russe.

Les Moldaves ont toutefois bon espoir. Pour Nicu Popesco, « l’engagement de l’UE et des USA pour résoudre la crise de Transnistrie devrait montrer à la Russie que son soutien aux régimes totalitaires ne peut pas continuer sans affecter le climat des relations entre Moscou et les démocraties occidentales. Il faut clairement dire que la coopération de la Russie avec l’OTAN, les questions de sécurité de l’UE et des USA ne peuvent pas avancer si la Russie va à l’encontre des principes affirmés du partenariat stratégique de la Russie avec l’occident. La Transnistrie serait un bon test ».

 

lundi 8 décembre 2003, 20h35

Des ogives de missiles transformées en "bombes sales" auraient disparu en Transnistrie

CHISINAU (AP) - Plusieurs dizaines de missiles dotés d'ogives pouvant disséminer des matières radioactives ont semble-t-il disparu après avoir été stockés pendant des années en Transnistrie, région séparatiste de la Moldavie, a souligné un expert lundi.

Oazu Nantoi, un analyste de l'Institut pour les études politiques à Chisinau, la capitale moldave, a déclaré avoir vu des documents de l'armée russe montrant que les ogives, reconverties en "bombes sales", étaient stockées dans un dépôt près de l'aéroport militaire de Tiraspol en Transnistrie. Il a souligné que 24 étaient prêtes à l'emploi tandis que 14 avaient été démantelées.

Le risque que des terroristes mettent la main sur une "bombe sale" de ce type est devenu un motif de préoccupation majeur pour l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA). Des milliers de soldats russes sont déployés en Transnistrie depuis que cette région a mené une guerre pour faire sécession de la Moldavie il y a 12 ans, qui a fait 1.500 morts.

L'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et d'autres instances ont déjà exprimé leur préoccupation suite à des informations présentant la région comme un centre du trafic d'armes.

M. Nantoi a précisé avoir appris dès 1998 que des fusées Alazan normalement utilisées en Union soviétique pour des expériences météorologiques avaient été équipées d'ogives modifées pour emporter des matières radioactives. Depuis, il semble que les fusées et les ogives aient disparu de la région et "je n'ai pas pu découvrir ce qu'elles sont devenues", a-t-il déclaré à l'Associated Press.

"Nous avons tenté de travailler avec les autorités moldaves, mais il n'y a pas eu un enquête claire, parce que ce territoire n'est pas contrôlé par la Moldavie", a-t-il souligné.

Un porte-parole de l'OSCE, Claus Neukirch, a déclaré que les experts militaires de l'organisation enquêtaient sur cette affaire. La Moldavie est une ancienne république soviétique et des milliers de tonnes d'armes et de munitions hérités de l'URSS sont toujours stockés en Transnistrie. AP

 

ADEVARUL
La Moldavie : une seconde Géorgie ?
TRADUIT PAR VINCENT JOOS

Publié dans la presse : 27 novembre 2003
Mise en ligne : lundi 1er décembre 2003

La Roumanie est préoccupée par les conséquences de la crise géorgienne. Une issue politique provisoire a été trouvée dans la république caucasienne, ce qui n’empêche pas les journaux roumains d’accorder une oreille encore plus attentive que d’habitude à ce qui se passe à leur frontière orientale directe et dans tout l’espace de l’ex-empire soviétique.

Par Bogdan Chirieac

A l’est de la Roumanie, la situation frontalière est de nouveau tendue. Le Président Voronine n’a plus voulu signer le traité de démembrement de la République moldave en présence du Président Poutine. Le document de « fédéralisation », comme on le nomme diplomatiquement, reconnaissait comme sujets de droit international, les territoires de Transnistrie et Gagaouzie, laissant ainsi très peu de marge de manœuvre à ce qui restait de la République moldave. L’armée russe aurait aussi acquis le droit de rester dans la région jusqu’en 2030. Ce traité résoudrait quelques problèmes importants de la Russie dans l’espace européen du sud-ouest. Ainsi la Transnistrie devenait de jure et de facto une enclave russe entre la République moldave et l’Ukraine, à l’exemple de Kaliningrad, tampon russe entre la Lituanie et la Pologne. La Gagaouzie, pseudo-État formé après 1990, de la taille d’un département en Roumanie, peuplé de quelques milliers d’habitants d’origine bulgare mais turcisés, restait, elle aussi, une sorte d’enclave supplémentaire. Moscou résoudrait ainsi un problème stratégique qui le préoccupait déjà au moment de la désintégration de l’Union soviétique. Il était inconcevable pour la Russie de ne pas avoir d’entrée dans l’espace européen du sud. La redoutable diplomatie russe a le don de penser les choses dans la perspective des décennies à venir. Or, le problème n’est plus de savoir « si » l’espace européen sera unifié, mais plutôt de savoir « quand » il le sera. A terme, des pays tels que la Serbie, la Bosnie, la Macédoine ou l’Albanie pourront indiscutablement être intégrés à l’Union européenne. En vertu de données géographiques et historiques infalsifiables, l’intégration dans l’espace européen de la Moldavie, indépendante ou réunifiée, est également une question de temps. Moscou a profité du fait que Washington soit très occupé au Moyen-Orient pour essayer de renforcer ses positions aux frontières de l’ancien empire soviétique. Ainsi, comme le veut la tradition de sa famille politique, le Parti communiste moldave, dirigé par le Président Voronine, n’a éprouvé aucun remord en essayant de démembrer son propre pays, tant il est soumis aux intérêts d’un autre pouvoir.

Tout paraissait se passer sans problèmes, jusqu’au jour où la Géorgie a tremblé. A cet égard, Moscou a surestimé Chevardnadze. Les mouvements d’opposition ont tout fait sauter. Bien entendu, la situation a été stabilisée par Igor Ivanov, arrivé à Tbilissi 72 heures avant l’Américain Colin Powell. Un État d’importance stratégique comme la Géorgie n’accomplira pas de destinée hasardeuse. C’est ici que les chemins du pétrole du Caucase et du Moyen-Orient se croisent. Cet espace peu contrôlé est une cachette idéale pour les terroristes. Les Russes et les Américains s’affronteront donc de nouveau en Géorgie. Vu les événements qui ont eu lieu dans le Caucase, Voronine a dû probablement prendre peur, confronté à son tour à une manifestation à Chisinau. Surtout qu’il n’est pas Chevardnadze, ancien ministre des Affaires étrangères soviétique, auquel Berlin a tout de suite offert l’asile politique étant donné son rôle important dans la réunification des deux Allemagnes au temps de Gorbatchev.

Mais Voronine, réellement effrayé, n’aurait jamais cédé s’il n’avait pas eu, semble-t-il, écho du mécontentement des États-Unis concernant l’accord de fédéralisation de la Moldavie. Dès l’été dernier, Richard Armitage, adjoint de Colin Powell, déclarait officiellement la même chose à Chisinau. Après l’épisode géorgien, les États-Unis ont probablement exprimé leur mécontentement d’un ton plus soutenu. De toute façon, Voronine part non pas pour Moscou mais pour Rome, où il va discuter avec Berlusconi, allié fidèle des États-Unis en Europe, de ce qui se passera en République moldave.

La suspension de la signature du pacte de fédéralisation de la Moldavie attirera des problèmes supplémentaires dans le plus pauvre pays d’Europe. Voronine est personnellement dans une situation difficile. Après l’affront fait à Poutine, qui a annulé sa visite, le Président de la Moldavie ne peut plus compter sur le Kremlin. Les russophones de Moldavie, environ un tiers de la population, sont également mécontents. Les Roumains de Moldavie enviaient de toute façon leurs frères d’outre-Prut et leur manière d’utiliser les passeports pour travailler en Occident. Chaque jour, ils sont plus conscients que la lumière ne vient pas seulement de l’Orient.

Or Voronine, avec sa politique pro-russe, ne les représente plus depuis longtemps. La République moldave risque de connaître une catastrophe politique, économique et sécuritaire. Les communistes sont désormais déboussolés. S’ils avaient signé, ils seraient entrés automatiquement sous la protection de Moscou. Or comme ce n’est pas le cas, ils ont un adversaire redoutable. Politiquement les choses se compliquent, aussi en raison des manifestations conduites par Iurie Rosca sur fond de situation interne déjà tendue.

Économiquement, la Moldavie est asservie aux intérêts des Russes. Du point de vue militaire, Chisinau ne contrôle sous aucune forme le territoire de Transnistrie ; le trafic des armes, des drogues, des êtres humains peut s’y dérouler sans entrave. Après l’affront fait aux Russes, une reprise du conflit en Transnistrie est possible à tout moment. Bien sûr que sur des gens comme Voronine, simple activiste du Parti communiste reçu par Bush à la Maison Blanche en décembre dernier, l’Amérique, seule superpuissance au monde, peut facilement exercer son influence. Mais pour trouver une solution à la grave situation de cette région, cette influence doit être doublée d’un appui économique et d’une aide pour la sécurité. La question est de savoir si l’Amérique a, au moins après l’épisode en Géorgie, un plan clair de démocratisation et de renforcement de cette région. Parce que ni Voronine, ni Smirnov, ni Rosca n’ont une réelle importance en République moldave. Seul compte le jeu des intérêts russo-américains dans cet espace situé à la lisière de l’ancien empire soviétique. Si l’ouest ne propose pas d’appui à la Moldavie, à tous les niveaux, même avec Voronine à la tête du pays, un nouveau problème de sécurité peut surgir à la frontière de l’est de l’Europe. La Russie ne se tiendra pas à l’écart ni politiquement, ni économiquement, ni militairement.

 

COTIDIANUL
Moldavie : « l’effet Géorgie » est-il contagieux ?
TRADUIT PAR OANA RUSU

Publié dans la presse : 27 novembre 2003
Mise en ligne : lundi 1er décembre 2003

La chute du régime d’Edouard Chevarnadze, en Géorgie, inquiète bien des dirigeants plus ou moins autocrates de la Communauté des États indépendants, de Tashkent à Chisinau. En Moldavie, les manifestations contre la « fédéralisation » du pays se sont justement radicalisées, tandis que le dirigeant communiste moldave est convoqué à Moscou par un Vladimir Poutine inquiet des soubresauts aux confins de l’ancien empire.

Par Adrian Cochino

Pour la plupart des dirigeants d’États-membres de la CEI, le changement de pouvoir à Tbilissi pourrait constituer un précédent fâcheux – à savoir l’utilisation de manifestations de masse destinée à contrer les efforts autocratiques des dirigeants qui essaient d’influer sur le résultat de scrutins pouvant modifier l’ordre en place. Les ministres des Affaires étrangères des États de la CEI se sont réunis en urgence à Kiev et font fait part de leur préoccupation quant aux récents événements de Tbilissi. « La stabilité de la Géorgie ainsi que celle de toute la région sont en danger » ont-ils dit. « L’effet Géorgie », qui d’après les analystes politiques, a été ressenti jusqu’en Moldavie, a été illustré au mieux par une affirmation du président ouzbek, Islam Karimov. « L’évolution des événements à Tbilissi est une source d’inquiétude majeure », a-t-il déclaré lors d’une interview accordée à la télévision nationale le 24 novembre. L’Ukraine, de même que l’Arménie et l’Azerbaïdjan – États voisins de la Géorgie où ont eu lieu des élections présidentielles contestées par les organisations démocratiques internationales – pourraient être profondément touchés par ces événements.

A Bakou et en Arménie, l’opposition n’a pas tardé à saluer la victoire remportée contre Chevardnadze. A Chisinau, les actions de protestation de l’opposition contre la tentative de transformation du pays en État fédéral et contre la présence militaire russe en Transnistrie se sont radicalisées. Et ceci en dépit du fait que le dirigeant moldave a reporté la signature du mémorandum Kazov au moins après la réunion de Maastricht, au début du mois de décembre. Après l’intervention musclée de la Police hier matin, qui selon les déclarations des protestataires, infirmées ultérieurement par la Police de Chisinau, a battu plusieurs manifestants et détruit leur amplificateur de son, les leaders de l’opposition ont fait savoir que les manifestations dureront jusqu’à ce que le président Voronine et le gouvernement communistes en place quittent le pouvoir.

Iurie Rosca, le leader du PPCD a déclaré : « Cette action se poursuivra jusqu’à ce que le gouvernement communiste s’en aille. L’histoire de l’année 2002 ne se répétera pas. 2003 doit s’achever avec le départ du criminel Voronine et de la majorité communiste à la tête du pays. Nous resterons sur place et nous protesterons pacifiquement. Nous rassemblerons toute la Moldavie et nous montrerons à tous nos amis occidentaux ce qui arrive dans ce pays. Cette fois-ci Voronine a fait un faux pas. Il a essuyé un échec politique énorme et il s’est certainement fait taper sur les doigts par ses supérieurs du Kremlin. A présent, il cherche à se venger contre ceux qui ont provoqué cet échec. Voronine doit penser à ce qui est arrivé à Ceausescu, au sort de Chevardnadze et d’autres dictateurs ».

Des sources du ministère des Affaires étrangères à Chisinau, qui ont demandé à garder l’anonymat, ont affirmé que : « n’ayant pas pu se rendre sur place, le président russe Vladimir Poutine a convoqué à Moscou le président Voronine et le dirigeant transnistrien Igor Smirnov. Les deux devraient s’y rendre dans quelques jours. Smirnov a déjà accepté l’invitation mais Voronine hésite encore à le faire ». A travers cette réunion, le Kremlin tente de regagner du terrain suite aux événements de Géorgie, les régions séparatistes étant son cheval de Troie en Moldavie comme en Géorgie. Dans le même esprit, Edouard Kokoev, leader de la république séparatiste d’Ossétie du Sud et Aslan Abasidze, dirigeant de la région séparatiste d’Adjarie, ont été appelés à Moscou pour des entrevues avec Vladimir Poutine, affirment les agences internationales de presse.

A la fin de ces consultations, il a été annoncé la signature d’un traité pour le renforcement de la coopération bilatérale. De surcroît, le président de l’Ossétie du Sud a fait savoir que sa république avait des raisons politiques et idéologiques pour intégrer la Fédération russe et que les autorités de Moscou avaient déjà reçu de sa part une proposition en ce sens.

 

Déclaration sur la Moldavie

PERMANENT COUNCIL No. 439, 6 March 2003

Comme elle a souvent eu l’occasion de le rappeler dans cette enceinte, l’Union Européenne reste très préoccupée par les conflits non réglés dans l’espace de l’OSCE, en particulier celui concernant la région de Transnistrie (Moldavie). Elle a ainsi toujours apporté son entier soutien aux efforts de l’OSCE et des autres médiateurs dans le but d’apporter une solution à ce conflit, dans le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Moldavie.

L’Union Européenne avait déjà laissé entendre qu’elle s’apprêtait à prendre des mesures afin d’inciter les autorités de Tiraspol à se démarquer de l’attitude non coopérative qu’elles avaient adoptée jusqu’à présent dans ces négociations. Tel est désormais le cas.

Je voudrais vous annoncer que l’Union Européenne a pris formellement la décision d’imposer une interdiction de voyage à l’encontre d’un certain nombre de dirigeants de la région sécessionniste considérés comme responsables de cette attitude obstructionniste. Les Etats-Unis s’étant joints à cette décision, la déclaration commune qui en a résulté vous a été distribuée par le canal habituel.

Comme les débats dans cette enceinte l’ont maintes fois prouvé, nous ne sommes pas les seuls à être préoccupés par la situation transnistrienne. Nous appelons donc tous les Etats concernés à adopter des mesures similaires, afin que notre message de fermeté vis à vis des dirigeants de Tiraspol soit encore renforcé.

L'Union se réserve le droit de revenir sur des questions liées à la Moldavie à une prochaine réunion du Conseil Permanent.

Les pays adhérents Chypre, la République tchèque, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, Malte, la Pologne, la République slovaque et la Slovénie, et les pays associes la Bulgarie, la Roumanie et la Turquie se joignent à cette déclaration.

 

2003 : L'OSCE a appelé l'Union Européenne à intervenir en Moldavie, avec l'accord de Wladimir Poutine pour la Russie.

Sources : http://europa.eu.int/comm/index_fr.htm ;   http://www.osce.org/docs/indexf.htm 

 

Mission de l'OSCE en Moldavie : rappel de l'extrait du rapport d'activité en 1999

En 1999, la Mission de l'OSCE en Moldavie a joué un rôle actif en qualité de médiateur dans le dialogue entre la République de Moldavie et la Transnistrie qui cherchent à apporter un règlement politique à leur conflit. La Mission a pris part à un certain nombre de réunions de haut niveau, notamment en janvier et en juillet aux rencontres entre le Président Lucinschi et le dirigeant transnistrien Smirnov. Le Représentant du Président en exercice et des membres de la Mission ont également assisté au sommet organisé à Kiev par le Président ukrainien Kouchma, qui réunissait notamment le Premier Ministre russe Stepachine, le Président Lucinschi et le dirigeant transnistrien I. Smirnov.

Avec les médiateurs russe et ukrainien, des membres de la Mission ont assisté aux négociations entre les deux parties au niveau des experts et participé activement, à la demande des parties, à l'analyse et à la mise au point des documents faisant l'objet des négociations. Avec les autres médiateurs, la Mission a établi un projet d'accord sur le règlement progressif de la question des relations entre la République de Moldavie et la Transnistrie, qui a servi de base aux négociations politiques ultérieures entre les parties. Toujours à la demande des parties, la Mission a accueilli en mars un expert en droit constitutionnel suisse connu qui a rendu visite aux deux parties. En automne, la Mission a organisé une conférence sur les modèles pouvant aider à résoudre la question du statut spécial de la Transnistrie, conférence qui rassemblait des représentants des deux parties, les médiateurs et des experts en droit constitutionnel occidentaux.

Des membres de la Mission ont participé activement au travail de la Commission mixte de contrôle (CMC), organe chargé d'appliquer l'accord de cessez-le-feu de juillet 1992 et de superviser les forces communes de maintien de la paix dans la zone de sécurité. La Mission a aidé à mettre en oeuvre un certain nombre de mesures de confiance prévues dans l'Accord d'Odessa de mars 1998. Les membres de la Mission ont observé le retrait de troupes et d'équipements de la zone de sécurité ainsi que le retrait de Moldavie de biens appartenant au groupe opérationnel des forces russes. Les membres de la Mission ont pris part aux inspections des forces communes de maintien de la paix et participé deux fois aux inspections aériennes de la zone de sécurité. En mars-avril 1999, au moment de très fortes divergences de vues quant aux effets de la réforme administrative dans certaines communautés de la zone de sécurité, les membres de la Mission ont également assumé avec succès la fonction de médiateur. A la fin de l'été, la Mission a présenté à la CMC, à la demande des parties, une proposition d'ensemble concernant les mesures de transparence militaire et de confiance dans la zone de sécurité.

Les membres de la Mission ont suivi de près la question du retrait des armements et équipements russes de Moldavie et sont restés en contact suivi avec le commandement du groupe opérationnel des forces russes, établi à Tiraspol. La Mission a fait rapport en juillet 1999 à une réunion sur la transparence militaire en Moldavie tenue à Vienne et a participé activement, en cherchant à obtenir l'accord de toutes les parties, à la préparation de la visite d'un groupe d'experts chargé d'évaluer les dépôts où les armements et équipements russes sont stockés à Colbasna et à Tiraspol.

La Mission a facilité les contacts entre les parties et les représentants du programme TACIS de l'Union européenne (UE), qui ont abouti à un accord sur un projet, financé par l'UE, concernant la réparation et à la réouverture du pont de Gura-Bicului, ouvrant ainsi à la circulation l'artère principale reliant Chisinau à Odessa. Le projet a été annoncé à une conférence de presse commune OSCE-UE en avril 1999.

La Mission a observé et encouragé l'intensification des contacts entre parlementaires des deux parties. En février 1999, Mme Helle Degn, Présidente de l'Assemblée parlementaire de l'OSCE, a séjourné en Moldavie, stimulant la reprise du dialogue entre les parlementaires des deux parties, qui ont par la suite discuté de la question transnistrienne à une conférence multilatérale tenue à Odessa et assisté en juillet à la session de l'Assemblée parlementaire de l'OSCE tenue à Saint-Pétersbourg.

La Mission est restée en contact avec les représentants compétents de la Moldavie et s'est intéressée à une variété d'autres questions, et en particulier à divers aspects de la dimension humaine. Les membres de la Mission ont suivi les élections locales du 23 mai en Moldavie et apporté leur concours aux représentants en visite du Conseil de l'Europe et de l'International Foundation for Electoral Systems. A la demande du Ministère moldave des affaires étrangères, la Mission, renforcée par des experts du BIDDH, a évalué les élections du 22 août au poste de Bashkan et à l'Assemblée du peuple dans la région autonome de Gagaouzie.

La Mission a proposé aux deux parties de prendre des mesures pour constituer une commission d'historiens commune qui pourrait rédiger, à l'intention des écoles des deux parties, des textes traitant de l'histoire locale récente, et notamment du conflit, qui pourraient être agréés de part et d'autre. A titre de première mesure dans ce sens, la Mission a organisé une conférence d'historiens des deux bords et d'experts de la commission historique germano-polonaise.

La Mission a surveillé de près les questions relatives à la liberté de la presse, et en particulier, au maintien par les autorités transnistriennes de l'interdiction du journal indépendant Novaia Gazeta. En juin, la Mission a accueilli un membre du bureau du Représentant de l'OSCE pour la liberté des médias, qui a abordé ces questions parmi d'autres, avec les autorités de Tiraspol.

La Mission a suivi de près l'affaire du groupe Ilascu, dont plusieurs membres, condamnés pour meurtre ou terrorisme, purgent leur peine dans la prison de Tiraspol. Les membres de la Mission ont été autorisés à rendre visite en prison à l'un des membres du groupe et ont présenté, pour des raisons humanitaires, plusieurs observations aux autorités transnistriennes, leur demandant instamment de consentir à ce que des ONG humanitaires rendent régulièrement visite aux prisonniers.

La Mission a reçu de citoyens moldaves vivant sur les deux rives du Dniestr un très grand nombre de pétitions et de plaintes portant sur des sujets très variés, et y a répondu. En janvier 1999, le bureau extérieur de la Mission à Tiraspol a été installé dans de nouveaux locaux, plus proches du centre de la ville, ce qui facilite à la Mission les contacts avec la population de la région transnistrienne de Moldavie.

Source : http://www.osce.org/docs/ 

Presse indépendante :


La Moldavie accuse Bucarest de déstabiliser la Bessarabie
TRADUIT PAR OANA RUSU

Publié dans la presse : 13 octobre 2003
Mise en ligne : mercredi 15 octobre 2003

Le gouvernement de Chisinau a accusé Bucarest d’envenimer la situation dans la région moldave de Bessarabie en encourageant les manifestations anti-russes, une accusation rejetée par les autorités roumaines.

Par George Coman

A la fin de la semaine dernière, les autorités moldaves ont accusé la Roumanie devant le Conseil de l’Europe de « mettre en danger de l’existence de l’État moldave et de déstabiliser la situation » en Bessarabie [1]. Face à cette nouvelle attaque scandaleuse lancée par [le président moldave Vladimir] Voronin [2], la réponse du ministère des Affaires étrangères roumain ne s’est pas fait attendre. Il a qualifié ces accusations d’anachroniques, sans fondement et allant à l’encontre de l’esprit européen marquant à présent les relations bilatérales de la Roumanie.

Par cette réaction ferme, le ministère roumain souhaitait sanctionner la mauvaise volonté du gouvernement russophile de Chisinau qui a changé brusquement de discours politique, ce qui, a-t-il été précisé, « est l’expression des problèmes complexes de nature identitaire et politique » auquel il est confronté et qu’il a du mal à gérer. Ce type d’action n’est cependant pas une première, car le gouvernement communiste de Chisinau a été l’auteur de plusieurs attaques et campagnes de désinformation ces dernières années, ayant pour but de détériorer les relations entre la Moldavie et la Roumanie. Chisinau avait entre autres affirmé l’année dernière que Bucarest appuyait les manifestations anti-communistes et anti-russes en Bessarabie, et en 2001, le ministre [moldave] de la Justice, Ion Morei, a accusé la Roumanie d’expansionnisme et d’interférence dans les affaires internes moldaves.

D’après Mediafax, Alexei Tulbure, représentant de la république moldave auprès du Conseil de l’Europe, a demandé au Conseil européen des ministres de jouer un rôle de médiateur entre Chisinau et Bucarest, afin de les aider à « dépasser les divergences existantes ».

Dans un communiqué du ministère des Affaires étrangères moldave, publié samedi dernier, il est mentionné également qu’Alexei Tulbure a demandé cette médiation parce que les problèmes entre les deux pays ne peuvent pas être résolus dans le cadre du dialogue bilatéral. Lors de sa prise de parole au Conseil de l’Europe, le représentant moldave a affirmé que la persistance de ces problèmes met en danger l’existence même de l’État moldave, déstabilise la situation à l’intérieur de la république, influence négativement les perspectives d’intégration européenne du pays et freine les efforts pour mettre fin définitivement au conflit de Transnistrie.

C’est pour la première fois que la Moldavie demande au Conseil de l’Europe d’intervenir pour l’aider à « dépasser les divergences existantes » dans ses relations avec un autre État.

L’esprit roumanophile des habitants de Bessarabie dérange Chisinau

Le représentant de la Moldova au Conseil de l’Europe a énuméré les principaux points d’achoppement dans les relations bilatérales avec la Roumanie : le refus de la Roumanie de signer le Traité de base avec Chisinau, l’existence d’un fonds mis à disposition du gouvernement roumain (pour les relations avec la république moldave, NdT) que ce dernier gère sans consulter son correspondant moldave, et le discours des autorités roumaines ». Dans ce dernier cas, Alexei Tulbure a précisé que les syntagmes « deux États roumains » et « les Roumains de l’autre côté du Prut », que les autorités roumaines ont l’habitude d’employer, dérangent le gouvernement de Chisinau.

Rappelons que le Premier ministre Adrian Nastase a récemment déclaré que dans le contexte actuel, la Roumanie n’avait nullement l’intention de signer un traité de base avec la Moldova ; ce type de document étant de surcroît anachronique.

Des accusations « sans aucun fondement »

[Le 12 octobre dernier], le ministère des Affaires étrangères roumain a sanctionné durement l’initiative de Chisinau, qualifiant les accusations avancées par Alexei Tulbure devant le Conseil de l’Europe d’« affirmations absolument infondées ». Les autorités roumaines trouvent également « qu’elles vont à l’encontre de l’esprit européen dont la Roumanie souhaite voir s’imprégner ses relations bilatérales ».

Parler des points de désaccord dans le cadre du dialogue bilatéral qui « menacent l’existence de l’État moldave » contrevient à la position de l’État roumain, qui a clairement reconnu l’existence de la Moldavie. Le ministère roumain pense que ce brusque changement de discours « est l’expression des problèmes complexes de nature identitaire et politique » auquel il est confronté et qu’il a du mal à gérer. Le porte-parole s’est montré surpris du fait que le représentant moldave ait choisi de soulever au sein d’une organisation internationale des points dont il n’avait jamais été question dans le cadre du dialogue bilatéral. « Dans ce contexte, la demande de médiation est une tentative d’éviter les voies normales de résolution des problèmes », précise le communiqué de la diplomatie roumaine.

Le président de la principale formation pro-roumaine de Bessarabie (Parti populaire chrétien-démocrate, PPCD), Iurie Rosca, s’est exprimé à son tour sur les affirmations de Chisinau : « Ces déclarations obéissent à une stratégie de guerre froide que mènent les autorités de Chisinau contre la Roumanie, guerre inspirée aux leaders communistes par Moscou, qui pense ainsi mieux garder son emprise sur la Moldova en envenimant les rapports bilatéraux de notre pays avec la Roumanie ». « Cette nouvelle attaque infondée est un geste regrettable », a rajouté le président du PPCD.


[1] Les terres situées entre la rivière Prut et le Dniestr constituent la région de Bessarabie qui a appartenu à la Roumanie à plusieurs reprises depuis l’Antiquité juqu’en 1945 et dont la population est en grande majorité roumanophone. Après la chute de l’Union soviétique, de nombreux citoyens, intellectuels et ouvriers, ont rêvé d’une réunification de la Bessarabie avec la Roumanie, mais il n’en a jamais été officiellement question. Les autorités moldaves soutiennent que la langue officielle de leur pays est le moldave, mais aux yeux de l’opinion publique roumaine ce nom n’a aucune justification scientifique ou pratique.

[2] Le président et le gouvernement moldaves sont, depuis les dernières élections, issus du Parti communiste et mènent une politique de rapprochement avec la Russie ; ceci consiste notamment à réinstaurer l’enseignement obligatoire du russe depuis le plus jeune âge et à rétablir son statut de langue officielle

 

ROMANIA LIBERA
Moldavie : quand Voronine joue au conciliateur
TRADUIT PAR MADALINA CIRLANARU

Publié dans la presse : 21 mars 2002
Mise en ligne : mardi 9 avril 2002

Le président moldave, Vladimir Voronine, rentre d’une réunion trilatérale qui s’est tenue à Odessa où Vladimir Poutine lui a conseillé de changer ses méthodes. Suite à cela, il a exposé, mercredi, dans le journal gouvernemental « La Moldavie souveraine », la façon dont il percevait les rapports entre le pouvoir et la société.

Par Claudiu Ionescu

Voronine a bâti sa réflexion à la manière d’un parfait bolchevique, ne faisant preuve d’aucune conciliation. Il a identifié les trois facteurs principaux qui, selon lui, déstabilisent l’État moldave : le problème de l’intégrité territoriale, la rupture entre le pouvoir et la société, et enfin l’attitude de certains politiques qui liquide l’État moldave en s’appuyant sur les principes d’unions des Occidentaux.

Les observateurs de Chisinau considèrent que l’initiative présidentielle n’est que de la poudre aux yeux, destinée à repousser, dès à présent, les revendications des contestataires à l’approche de la grande assemblée nationale du 31 mars organisée à la demande de l’opposition chrétien-démocrate.

Selon certaines sources parlementaires, le chef du Service d’Information et de Sécurité (SIS), le général Ion Ursu, a déclaré que ses employés avaient déjà pris toutes les mesures nécessaires pour rendre impossible la participation des habitants des autres départements à la manifestation.

La présidente du parlement de Chisinau, Eugenia Ostapciuc a, à son tour, demandé aux représentants du gouvernement dans le territoire de soutenir les efforts des forces de l’ordre afin de contribuer à la « stabilisation de la situation socio-politique ».

Le chef du Parti populaire chrétien démocrate, Iulie Rosca, a déclaré, selon « BASA-press », que par leurs actions, les autorités communistes « offrent encore une fois la preuve de leur incapacité à gouverner dans la démocratie ».

En même temps, les organisations internationales de journalistes continuent à envoyer des messages de soutien à leurs collègues de «  Téléradio-Moldova ». L’Institut International de la Presse (IPI) et l’Organisation des médias du Sud-Est de l’Europe (SEEMO) ont envoyé une lettre au président de la République de Moldavie, Vladimir Voronine. Ils expriment de la sorte leur inquiétude face aux récentes intimidations adressées à l’encontre de la Commission pour la solidarité des journalistes, qui réunit cinq cent journalistes de la compagnie d’État Téléradio-Moldavie.

La République de Moldavie est, comme nous le rappelons dans le courrier destiné à Vorodine, signataire de la Convention européenne pour les Droits de l’Homme. Elle doit à cet égard respecter l’article n°10 qui inscrit le principe fondamental de la liberté d’expression.

(Mise en forme : Stéphan Pellet)

 

CURENTUL
Moldavie : la Russie ne renonce pas à la Transnistrie
TRADUIT PAR MADALINA CIRLANARU

Publié dans la presse : 20 novembre 2000
Mise en ligne : mardi 28 novembre 2000

Le mouvement civique « L’Unité » de Transnistrie, une organisation considérée par la Russie comme un lien essentiel entre Moscou et ce territoire moldave autoproclamé indépendant, a adressé il y a quelque temps un appel aux leaders de Chisinau et du Kremlin, sollicitant l’augmentation de la présence militaire russe dans la région.

Par Mediafax

Dans un article consacré à la dispute menée dans la presse de Chisinau quant à la présence militaire russe en Transnistrie, le quotidien moscovite Nezavisima ?a Gazeta soulignait, dans son numéro du 18 novembre dernier, que la nouvelle politique du président Poutine est axée sur la consolidation de l’influence de Moscou dans cet espace géostratégique.

Dans ce contexte, le journal rappelait que la Douma d’État (la Chambre législative du parlement russe, NDT) avait déclaré la Transnistrie région d’ intérêt stratégique extraordinaire. Par conséquent, selon le journal, l’ actuel gouvernement russe, qui se propose de rendre à la Russie son pouvoir perdu dans la région, est devenu conscient de l’importance de la région transnistrienne, autant sur le plan économique que politico-militaire.

Natalia Kamciatova, l’auteur de l’article, continuant dans le même esprit, estimait que l’avantage stratégique de la région est perçu à sa juste valeur par l’Alliance nord-atlantique. « Il n’y a aucun doute qu’au moment où l’ armée russe se retirera de la Transnistrie, la Roumanie, et avec elle la Moldavie, intégreront immédiatement les structures de l’OTAN, la conquête de la Transnistrie n’étant plus qu’une question de temps ».

Le gouvernement Poutine est conscient que s’il renonce à la Transnistrie, la position de la Russie souffrira énormément, explique la journaliste. Cela pourrait impliquer une réaction en chaîne : perte de Sébastopol, affaiblissement de la flotte de la Mer Noire, évacuation des forces armées d ’Abkhazie, etc. « Moscou a appris qu’elle avait sur les bords du Dniestr un véritable ami, toujours prêt à défendre les frontières du sud-ouest de la Communauté des États Indépendants, à affronter l’OTAN et à respecter la politique militaire de la Russie », selon Nezavisima ?a Gazeta.

Pour Natalia Kamciatova, l’indépendance de la Transnistrie empêche la République de Moldavie de devenir partie intégrante de la Roumanie. « Chisinau ne peut pas se permettre le luxe de perdre cette région, où se trouve concentrée la plus grande part du potentiel économique de l’ancienne République soviétique socialiste de Moldavie. Par ailleurs, la Roumanie est trop pauvre pour accepter une Moldavie sans “dot”. C’est pourquoi Chisinau fait tarder les choses, se donnant beaucoup de peine pour ravaler la petite république insoumise. Si la Transnistrie rentrait dans le giron moldave, l’ OTAN rénoverait l’aéroport de Tiraspol (la capitale transnistrienne, NDT) et le drapeau roumain serait rapidement vénéré à Chisinau ».

La journaliste défend les intérêts du régime séparatiste de Tiraspol, et affirme que les autorités de Kremlin ont compris que le calme régnant Transnistrie est éphémère, et sont conscients que les nationalistes du parlement de Chisinau modifient les prévisions constitutionnelles, frappent aux portes de l’OTAN et font tout leur possible afin d’obtenir le remplacement des troupes russes par un contingent de l’OSCE.

Natalia Komciatova termine l’article sur un ton pathétique, rappelant le fait que « la Transnistrie est la frontière du monde slave, terre russe, liée à la Russie de par sa culture, sa langue et son histoire. L’absence d’une frontière commune ne représente pas un obstacle et ne saurait être un empêchement dans la consolidation d’une alliance solide entre ces deux États ».

(Mise en forme : Alexandre Billette)