Slovénie : presse
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Slovénie : histoire et lutte des « effacés » de la citoyenneté Mise en ligne : samedi 25 novembre 2006 En 1992, la République de Slovénie a procédé à « l’effacement » légal, c’est-à-dire à la mort civile de milliers d’individus. Il s’agit de personnes originaires d’autres républiques ex-yougoslaves, résidant de longue date en Slovénie, mais qui n’ont pas obtenu la citoyenneté slovène après l’indépendance. On compte aussi parmi eux de nombreux Rroms. Ce long déni de justice a été condamné par la Cour constitutionnelle de Slovénie, mais sans que cela n’améliore la situation des personnes concernées. Par Les Effacés Le 26 Février 1992, le ministère de l’Intérieur a effacé des milliers de personnes des Registres des Permanents Résidents en République de Slovénie (des sources officielles de ce ministère ont avancé le nombre de 18 305 personnes, bien que d’autres sources affirment qu’il est bien supérieur). Avant l’instauration du nouvel État, tous les résidents de la république slovène étaient égaux devant la loi - notre citoyenneté yougoslave nous conférait à tous les droits civils et politiques. L’effacement des registres, qui a joué un rôle dans la formation du nouvel Etat et du corps citoyen en 1991/92, peut être interprété comme une violation sévère des droits sociaux, économiques, politiques et humains, fondée sur des motifs ethniques. Cet effacement touche tout autant la citoyenneté que le permis de résidence. Dans le processus de formation du nouveau corps citoyen, les résidents de Slovénie originaires des autres républiques de l’ex-Yougoslavie ont été appelés à remplir un formulaire afin d’obtenir la citoyenneté slovène. Bien que nous ayons été résidents permanents depuis de nombreuses années en Slovénie, voire même notre vie durant, il nous fallait donc réclamer la citoyenneté slovène d’une manière différente que les Slovènes d’origine. Environ 1 % de la population slovène n’a pas réussi à obtenir cette citoyenneté en 1991/92, soit parce qu’aucun formulaire n’a été rempli, soit parce que la demande a été rejetée. Nos droits furent violés puisque nous fumes privés, sans aucune raison objective ou légitime, du statut dont nous avions pu jouir jusqu’alors ; nous fumeseffacés du Registre des Résidents Permanents par le Ministère des Affaires Intérieures le 26 février 1992. L’application de la Loi relative aux Etrangers a alors annulé tous les droits que nous possédions. Du point de vue de la loi, nous étions mis sur le même plan que les étrangers illégaux. Nous, les Effacés, avons subitement été dépouillés de notre droit de résidence en Slovénie (dans nos maisons, avec nos familles), du droit de franchir les frontières étatiques, et de tous les autres droits économiques, sociaux et politiques. Certains d’entre nous ont été détenus, et déportés. Cet effacement a considérablement affecté nos vies en tant qu’individus, et membres de nos familles. Cet effacement des Registres des résidents permanents a été mené dans le secret. Nous n’avons pas été informés du changement de notre statut de résidents, et la plupart du temps, c’est seulement par hasard que nous l’avons découvert. Par exemple, lors de visites de routine aux administrations locales, il nous était demandé de présenter nos papiers, qui étaient confisqués, et promptement détruits. Certains d’entre nous sont devenus de facto des apatrides, car nous ne disposions pas (et ne disposons toujours pas) de passeport étatique. Qui sommes nous, nous les Effacés ? Pour la plupart, nous venons des autres républiques d’ex-Yougoslavie, et nous sommes déplacés en Slovénie dans les années 1960, 70 ou 80 pour des raisons diverses - la plus commune étant le travail. C’était l’époque où la Slovénie avait besoin de nous, pour le développement rapide de son industrie lourde et de son économie. Les Effacés représentent une parcelle d’un groupe plus large de migrants internes. Suite à l’indépendance, de nombreux migrants ont obtenu la citoyenneté (171 000). Mais ceux d’entre nous qui ne l’ont pas obtenue ont été « punis » par une « exécution civile » : Privation de nos permis de résidence, et de ce fait suppression de nos droits. Parmi nous, il y a aussi des enfants nés en Slovénie, qui y ont grandit et y ont suivi leur scolarité. De plus, certains d’entre nous ont des parents slovènes, mais sont nés dans d’autres républiques d’ex-Yougoslavie. Les Rroms, l’une des minorités les plus oppressées de Slovénie, font aussi partie des Effacés. Les estimations montrent que 2 000 Rroms ont été effacés, bien que le nombre réel soit inconnu. Quelles sont les conséquences de l’effacement ? Certains d’entre nous ont été forcés à émigrer - nous sommes alors partis vers l’Italie, l’Allemagne, la Belgique, et les nouveaux Etats de la région anciennement yougoslave. D’autres ont eu à prétendre qu’ils étaient des demandeurs d’asile ou des réfugiés en République de Slovénie - pays dans lequel nous vivions, peu de temps avant, comme de légitimes citoyens. Nombreux furent ceux qui restèrent en Slovénie, condamnés à une existence illégale. Parfois, nous étions détenus dans des postes de police, ou dans des centres de détention. Nous savons qu’il existe des cas de suicides et de morts, dus à des soins insuffisants et à la pauvreté. Nombreux perdirent leur emploi, sans pouvoir en retrouver un autre. Beaucoup perdirent leur droit à pension. Contrairement aux autres résidents slovènes, nous n’avions pas le droit d’acheter les appartements dans lesquels nous vivions. Nous n’obtinrent pas de certificats de propriété comme les autres citoyens slovènes, alors même que notre contribution au développement du « common wealth » slovène équivalait à la leur. De plus, nous ne pouvions conduire nos voitures, puisque nos permis de conduire - émis en République de Slovénie - avaient été confisqués et détruits par l’administration. Nous n’osions pas quitter le pays, car nous n’aurions pas été autorisés à y entrer à nouveau. Certains d’entre nous ont été expulsés de leurs maisons. L’effacement a séparé de nombreuses familles, car certains d’entre nous ont été déportés de force hors du territoire slovène. Nous nous cachions de la police, furent victimes de raids policiers, de menaces, de pressions psychologiques quotidiennes, et parfois même de torture. Du fait de l’effacement, beaucoup d’enfants ont grandi sans leurs parents. Certains parents ont été dépouillés de leur droit à la parentalité. La Cour Constitutionnelle de la République de Slovénie et d’importants comités internationaux ont condamné l’effacement, et ont demandé qu’il soit remédié aux injustices. Pendant plus de dix ans, les expériences et la souffrance des Effacés ont été enveloppées de silence. C’est seulement en 2003 que l’effacement est devenu une problématique publique importante. D’abord en 1999, puis de nouveau en 2003, la Cour Constitutionnelle a demandé qu’il soit remédié à ces injustices, par le biais d’une réinscription au Registre de tous les effacés du 26 février 1992. Cependant, au lieu d’être immédiatement et inconditionnellement réenregistrés, nous - et notre effacement - sommes devenus un sujet de débat électoraliste. Les parties de droite du Parlement ont dépeint les « citoyens slovènes » comme des victimes qui, en tant que débiteurs d’impôts, auraient à payer une indemnité aux Effacés. Dans le même temps, nous fumes présentés comme des imposteurs qui cherchaient à exploiter à la fois l’Etat slovène, et ses citoyens. Condamnations internationales À la suite de la décision de la Cour Constitutionnelle, plusieurs comités de l’ONU (le Comité des droits de l’homme, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, le Comité des droits de l’enfant, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels) ont demandé que l’Etat slovène règle notre situation. Les comités firent part de leur appréhension quant aux effets de l’effacement sur le respect des droits de l’homme, et appelèrent à l’exécution immédiate de la décision de la Cour constitutionnelle slovène. Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels fit en 2006 la déclaration suivante. « Le Comité observe que cette situation comporte des violations des droits économiques et sociaux de ces personnes, à savoir le droit au travail, à la sécurité sociale, aux soins médicaux et à l’éducation. (...) Le Comité recommande avec insistance à l’Etat de prendre les mesures législatives et autres, nécessaires pour remédier à la situation des nationaux des états de l’ex-Yougoslavie qui ont été « effacés », lorsque leurs noms furent supprimés des Registres de la population en 1992. » (Conclusions finales du Comité, adoptées le 25 janvier 2006, E/C.112/SNV/CO/1) Une appréhension identique a été exprimée par le Comité consultatif du Conseil de l’Europe : « Le Comité consultatif note avec inquiétude que, malgré les pertinentes décisions rendues par la Cour Constitutionnelle, plusieurs milliers de personnes dont les noms ont été rayés des Registres des Permanents Résidents le 26 février 1992, et transférés automatiquement sur les Registres des étrangers, sont toujours en train d’attendre la clarification de leur statut légal, plus de dix ans plus tard. (...) Dans de nombreux cas, le défaut de citoyenneté ou l’absence de permis de résidence a eu un impact particulièrement négatif sur la situation de ces personnes. En particulier, cela a donné lieu à la violation de leurs droits économiques et sociaux, puisque certains d’entre eux ont perdu leurs maisons, leur emploi ou leur droit à une pension de retraite, et a sérieusement entravé leur droit à mener une vie familiale et leur liberté de mouvement. » (Conseil de l’Europe, 1er décembre 2005) Le Haut-commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Alvaro Gil-Robles, a lui aussi saisi plusieurs occasions pour pointer du doigt le problème des Effacés (en 2003 et 2006). Entre autres choses, il a écrit : « Le problème des personnes effacées continue d’être une question politiquement lourde en Slovénie, qui divise l’opinion, et elle fait l’objet de débats passionnés. Malheureusement, la question a souvent été instrumentalisée par certains partis politiques, qui en ont fait un outil de campagne. Tout spécialement pendant la période qui a mené aux élections générales d’Octobre 2004, de nombreux politiciens ont émis des déclarations xénophobes en se référant aux problèmes des Effacés, et à d’autres personnes considérées comme non-Slovènes ou, d’une manière ou d’une autre, différentes. (...) Concernant la promulgation de la loi régissant et réinstaurant le statut des personnes toujours effacées à ce jour, le Commissaire recommande avec insistance au gouvernement slovène de résoudre définitivement la question en toute bonne foi, et conformément aux décisions de la Cour Constitutionnelle. Quelque soit la solution législative choisie, l’impasse actuelle témoigne d’un respect médiocre de la règle de droit et des décisions de la Cour Constitutionnelle en Slovénie. » (Rapport en date du 29 Mars 2006) Ces rapports ont aidé à l’internationalisation du problème. Néanmoins, la question de l’effacement reste irrésolue aujourd’hui. Un grand nombre des Effacés n’a toujours pas réussi à obtenir des documents, ni les droits attachés à la citoyenneté. Nous devons toujours nous cacher de la police, et l’Europe sans frontières ne représente pour nous rien d’autre qu’une vide promesse. La lutte des Effacés Nous, les Effacés, ne nous considérons pas comme des victimes ; bien au contraire, nous sommes en train de devenir un sujet politique incontournable ! Pendant longtemps, nous, les Effacés, n’avons pas su que la violence et l’exclusion dont nous faisions l’expérience n’était pas le lot de quelque rares individus, mais de milliers de personnes (autrement dit 1% de la population de la République de Slovénie). La vérité a mis des années à voir le jour, et nous-mêmes avons mis du temps à appréhender l’acte d’effacement dans toutes ses dimensions tragiques. Peu à peu, nous avons commencé à nous rencontrer, à comparer nos expériences et à nous adresser au public. Nous avons débuté alors notre lutte politique et juridique pour la ré-attribution du droit dont nous avons été dépouillé, de manière inconstitutionnelle, en 1992. Nous avons organisé des protestations publiques en Slovénie, et avons suivi de nombreuses manifestations se battant pour la reconnaissance des droits de l’homme pour les immigrés, en Italie. De plus, nous avons organisé des séminaires, des tables rondes, des expositions et des tribunes publiques concernant le problème des individus effacés, en Slovénie et à l’étranger (en Italie, Grande-Bretagne, France, Danemark, Autriche, et ailleurs). Nous avons aussi tenu des discussions avec les ambassadeurs des autres républiques ex-yougoslaves, et avons rencontré des membres du Parlement européen. Nous avons conduit plusieurs actions puissantes, comme des grèves de la faim, une marche de Koper à Ljubljana, ainsi que des événements d’expression artistique activiste. À l’été 2006, nous avons symboliquement ouvert la première « Ambassade des Effacés » en Italie, à Venise. En Juillet 2006, Anton Giuglio Lana, une organisation d’avocats italienne spécialiste des droits de l’homme, a déposé une plainte groupée devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme. Cette plainte est fondée sur le cas de 11 personnes qui n’ont toujours pas de statut légal en Slovénie, et qui se trouvent donc peu à même de s’en sortir. Notre initiative de construction de réseau et d’engagement politique s’est appuyée sur l’instauration de deux organisations non gouvernementales, qui disposent de relations avec des individus locaux, ainsi qu’à l’étranger. Nous avons développé des alliances et une coopération avec plusieurs associations de défense des droits de l’homme, avec des activistes et des chercheurs critiques. Une campagne médiatique est en cours, en Slovénie (MagazineMladina ; Quotidiens Ve ?er, Dnevnik, Delo ; Radio Student et Radio Marš) et à l’étranger (Quotidien italien Il Manifesto). Des articles scientifiques et des ouvrages ont été publiés, et des films ont été présentés (en Grande-Bretagne, Slovénie, Italie, et Hollande). Cependant, le public slovène continue d’être rigoureusement divisé, entre les sympathisants de notre lutte d’un côté, et ses adversaires de l’autre. Ces derniers nous perçoivent comme des ennemis de la nation et de l’Etat slovène, et comme des opportunistes politiques. Certains d’entre eux - parmi lesquels se trouvent même des membres du Parlement - nous voient comme des suceurs de sang, des lâches, la lie de l’humanité. L’effacement n’est pas un problème slovène, mais européen En 2004, la République de Slovénie est devenue membre de l’Union Européenne : la liste infinie de conditions à remplir pour accéder à l’Union ne prévoyait pas la restitution des droits subtilisés aux Effacés. La Slovénie présidera l’Union Européenne en 2008, et une fois encore, l’effacement n’a pas été un obstacle pour parvenir à cette fonction hautement honorable. Ainsi, il est évident que la question des Effacés n’est pas une entrave à la participation de la Slovénie à un processus que le public perçoit, pourtant, comme une garantie pour la démocratie. De notre point de vue, une grande partie du problème réside dans le fait que les autorités slovènes ne montrent aucune intention de nous réattribuer nos droits ; de plus, des institutions-clés de l’Union Européenne n’ont pas eu la volonté de résoudre activement cette question. Les résidents effacés de la République de Slovénie - qui sont désormais résidents de l’Union Européenne - se demandent : Pourquoi l’Europe demeure silencieuse ? Quelles sont ses réelles normes, valeurs et visons ? L’effacement est devenu un problème européen. Nous ne sommes pas les seuls effacés. Il y a différentes sortes d’individus effacés en Europe, et leur nombre augmente - par exemple, les Rroms nés et vivant en Italie (qui restent privés de citoyenneté), les descendants des immigrés algériens en France, les demandeurs d’asile, etc... Il semble que la culture européenne traditionnelle, celle des droits sociaux, de la solidarité et du respect des diversités culturelles, a été remplacée par une politique de détention et de déportation des « immigrés », peu important leurs connections avec l’endroit dans lequel ils résident (il y a 178 Centres de Détention pour migrants et demandeurs d’asile en Europe). Nous, les Effacés, nous nous interrogeons : Les droits de la personne existent-ils en Europe seulement sous la forme d’une déclaration ? Quelles sont les fondements de la citoyenneté européenne émergente ? Il existe un besoin urgent de redéfinition du concept de citoyenneté et de résidence permanente. Nous requérons une compréhension européenne nouvelle des droits civiques, qui respecte entièrement les liens véritables et effectifs avec le lieu de résidence, et fasse ainsi table rase avec le concept périmé de jus sanguinis (la citoyenneté fondée sur le sang, ou les liens familiaux). Nous souhaiterions que l’Europe se souvienne de son propre passé d’émigration, et qu’elle applique cette expérience à la situation actuelle, pour promouvoir l’inclusion, le soutien et la solidarité avec toutes les personnes déjà présentes sur le territoire, et avec toutes celles qui arriveront. Nous demandons des droits de résidence pour tous les exclus, les invisibles, et pour tous les effacés d’Europe ! Le permis de résidence et le droit à la citoyenneté devraient devenir des normes démocratiques de base !
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![]() Rroms expulsés en Slovénie : que fait le gouvernement ? Traduit par Jacqueline Dérens Mise en ligne : mercredi 8 novembre 2006 La communauté rom chassée de son village est toujours installée provisoirement dans le centre de réfugiés de Postojna. Amnesty International et le Centre européen pour les droits des Rroms ont saisi les autorités slovènes, car cette solution ne peut pas devenir durable. L’attitude de la police et de la justice est également critiquable. Si une foule en colère peut expulser des citoyens, c’est l’État de droit qui est en danger. Le Centre européen pour les droits des Roms (ERRC) de Budapest et la section slovène d’Amnesty International ont envoyé une lettre au Premier ministre slovène Janez Jansa pour exprimer leur inquiétude devant l’attitude des autorités slovènes, qui facilitent le déplacement forcé d’un camp rom, près du village d’Ambrus, à la suite des agissements d’une foule hostile aux Roms. La police, il est vrai, a plusieurs fois protégé les résidents du camp rom des menaces violentes de la foule, elle n’est cependant pas intervenue à temps, et les autorités n’ont toujours pas, à ce jour, condamné comme il se doit les actions violentes de la communauté majoritaire et les menaces racistes proférées par la foule. Les faits se sont déroulés de la manière suivante. Le 29 octobre, un groupe d’environ 30 Roms, parmi lesquels des enfants, du lotissement de Decja vas, près du village d’Ambrus, dans la commune de Vancna Gorica, ont été évacués vers le centre de réfugiés de Postojna, une ancienne caserne, pour les protéger de la colère des autres villageois. Cette décision a été prise apparemment à la suite d’un incident survenu une semaine p)lus tôt, au cours duquel un homme a été attaqué par les habitants du camp. Il a dû être hospitalisé et recevoir des soins d’urgence. À la suite de cette attaque, le 23 octobre, les villageois se sont réunis et ont appelé à des actes violents contre les Roms. La police présente à la réunion, qui fut retransmise à la TV, n’est pas intervenue à ce moment. À la suite de cette réunion, toute la communauté rom a quitté ses maisons et a fui dans les bois environnants. Elle a passé plusieurs nuits dans les bois, de crainte de représailles de la part des villageois qui les ont menacés d’actes violents, jusqu’à des menaces de mort. Le 28 octobre, les Roms ont essayé de retourner chez eux sous la protection de la police. Mais environ 200 personnes se sont opposées au retour des Roms et, sous la menace de violence, ont exigé des autorités que la communauté rom sont relogée dans un endroit plus convenable « pour des raisons de sécurité et de défense de l’environnement ». Plusieurs de ces villageois ont déclaré : « les Roms ne reviendront jamais ici ». À cause des menaces et des dangers évidents de cette foule en colère, la police slovène a bloqué les accès au camp des Roms et des renforts de police ont été envoyés. Le soir du 28 octobre, on arriva à un accord entre toutes les parties, selon lequel les Roms seraient temporairement installés dans le centre de réfugiés de Postojna. Dans ce centre, il y a l’eau courante et des sanitaires, mais pas d’eau chaude ni de chauffage. Mr Jurij Zaletel, responsable du secteur pour l’intégration des réfugiés et étrangers, a alors décidé que les Roms pourraient aller dans un centre de détention pour les étrangers, tout proche et actuellement fermé, deux à trois fois par semaine pour prendre une douche. Le médiateur slovène pour les droits de la personne, Matjaz Hansek, a déclaré que le respect de la loi était dangereusement mis à mal « si une foule en colère qui profèrent des menaces de mort peut décider de l’endroit où chacun doit vivre ». Il a aussi mis en garde sur le fait que cela puisse servir de signal pour la répétition de tels actes à l’avenir. ERRC et Amnesty International reconnaissent dans leur lettre que la police a protégé la communauté rom de ceux qui les menaçaient, que le relogement temporaire dans le centre de Postojna pouvait être une mesure légitime pour assurer leur sécurité, mais ces organisations sont préoccupées par le fait que la présence permanente de la communauté à Posjtona n’est plus souhaitable et n’est pas une réponse appropriée à la menace initiale. Les organisations observent aussi que ces limites imposées au droit à la vie privée et à un logement décent ne peuvent être que temporaires. Les actes de violence doivent faire l’objet d’une enquête approfondie. De plus, il apparaît que la police n’a commencé à prendre vraiment au sérieux la gravité des menaces que le 28 octobre, soit plusieurs jours après le début des événements. Dans la lettre envoyée au Premier ministre, les signataires expriment leur inquiétude devant la lenteur des autorités à prendre des mesures pour condamner et mener une enquête sur ces attaques à caractère raciste et faire comparaître les coupables devant la justice Les signataires se disent préoccupés de projets pour reloger d’une manière permanente ces Roms dans d’autres lieux. Le Comité des Nations unies pour les droits sociaux, économiques et culturels stipule à l’article 11 de sa convention que les déplacements forcés sont incompatibles avec le respect de ces droits et que chacun doit avoir un minimum de sécurité quel que soit le mode de propriété de son lieu de résidence. Toute proposition de relogement doit se faire en consultation avec ceux qui vont être déplacés, ils doivent être avertis à l’avance, la procédure doit être en stricte conformité avec les lois internationales des droits de la personne. Aucune forme de discrimination, en particulier la discrimination raciale ne peut être tolérée quand il s’agit de déplacer des personnes de chez elles par la force. Dans le cas présent, il apparaît qu’un grand nombre de ces droits fondamentaux de la protection de la personne ont été bafoués. La communauté est en grand danger d’être déplacée de force, ce qui est une violation flagrante des droits de la personne. Les solutions proposées n’ont pas été élaborées selon une véritable consultation avec la communauté et celle-ci n’a pas eut de possibilité de s’opposer à ces solutions devant un tribunal adéquat. De plus, en cédant devant l’attitude intolérante de la majorité, les autorités courent le risque de renforcer la discrimination raciale. En conclusion, les signataires demandent instamment au Premier ministre Janez Jansa de prendre des mesures pour que les droits de cette communauté touchée par ces attaques soient respectés, qu’elle soit protégée comme l’exige le droit international.
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![]() Slovénie-Croatie : un nouveau litige frontalier qui pourrait dégénérer Traduit par Jean-Arnault Dérens Mise en ligne : lundi 18 septembre 2006 Accusations et menace, conseils de guerre et réunion extraordinaires, coups de téléphone au vitriol entre chefs de la diplomatie, la tension a dangereusement monté la semaine dernière entre la Slovénie et la Croatie, à propos d’un micro-territoire contesté sur le versant nord de la frontière. Les forces spéciales slovènes et croates se sont néanmoins retirées vendredi matin des zones litigieuses Par Franco Juri Les armes pourraient-elles parler ? Oui, c’est possible, au coeur même de l’Europe, entre un pays membre de l’UE et un autre qui aspire à y entrer. Sur les bords de la rivière Mura, à l’extrême nord-est de la frontière slovéno-croate, près de la Hongrie, un drame typiquement balkanique pourrait se jouer. Les deux voisins anciennement yougoslaves s’affrontent dangereusement, au terme de quinze ans d’indépendance et de contentieux territoriaux que l’on avait toujours trop pris à la légère jusqu’à maintenant. C’est une véritable guerre des nerfs qui se joue, où la moindre étincelle pourrait faire éclater la haine et la violence. Cette fois, les deux gouvernements prennent les choses au sérieux, et ont déployé des forces spéciales de police en tenue de combat le long de la zone frontalière qui coupe de manière incohérente la rivière Mura. Les menaces et les accusations ont volé entre Zagreb et Ljubljana toute la journée du mercredi 13 septembre. Accusations et menace, conseils de guerre et réunion extraordinaires, coups de téléphone au vitriol entre les deux chefs de la diplomatie, le Slovène Dimitrij Rupel, et la Croate Kolinda Grabar-Kitarovic. L’incident qui a fait débordé le vase a été l’interpellation d’équipes de télévision et de journalistes slovènes, qui voulaient aller regarder ce qui se passait en réalité le long d’une frontière qui, en réalité, n’a toujours pas été définie, et que les deux pays conçoivent de manière différente. Les journalistes, munis d’un laissez-passer délivré par les autorités des deux pays, qui s’est révélé inutile, se sont engagés sur un sentier de terre battue dans le territoire que les Croates estiment placés sous leur propre juridication, car il se trouve sur leur versant de la ligne cadastrale. La police croate a arrêté, interrogé puis relâché les journalistes, en leur expliquant qu’ils avaient violé la souveraineté croate. Histoire de porter l’incident à son paroxysme, la patrouille de police qui a arrêté les journalistes était mixte, comme le veut un accord provisoire intervenu entre les deux gouvernements pour alléger les tensions. Elle était composée d’agents croates et d’un Slovène, qui n’a pas réagi. La ligne de frontière, que les Slovènes considèrent comme non définie, et pour laquelle ils réclament une solution plus conforme aux intérêts de la population locale, en la fixant sur la rivière, suit en fait l’ancienne ligne cadastrale, en vigueur au moment de la proclamation des indépendances. La situation est donc diamétralement inverse de celle qui prévaut en Istrie, puisque là-bas, c’est au contraire la Slovénie qui réclame le respect d’une ligne cadastrale que la Croatie refuse de reconnaître. À la différence du contentieux d’Istrie, celui qui se joue aux confins du Prekmurje slovène et du Medjimurje croate a des antécédents qui risquent de compliquer le dossier. Un pont qui menace la souveraineté slovène En 1999, la diplomatie slovène, alors dirigée par Boris Frlec, avait reconnu la juridiction croate dans les limites cadastrales qui, à plusieurs reprises, franchissent la Mura et atteignent les intérêts des habitants slovènes des villages de Hotiza et de Mirisce. Dans le même temps, la police slovène accorda à la police croate un libre passage en terre slovène pour rejoindre les bouts de terre croate situés sur la rive de la rivière que Ljubljana considère comme sienne, et qui sont en grande partie propriété de citiyens slovènes. Récemment, pour éviter cette situation de dépendance, la Croatie entreprit de construire un pont sur la Mura. Les neuf habitants du village de Mrisce, qui se trouvent sans l’ombre d’un doute sur le versant slovène du cadastre et ne devraient donc avoir aucune raison de craindre la souveraineté croate, en furent épouvantés. Ils sont quotidiennement interviewés par les télévisions slovènes qui les présentent comme les victimes d’une tentative d’annexion croate, et donc comme l’avant-garde des défenseurs de la souveraineté slovène. Les craintes des neuf habitants de Mirisce sont-elles justifiées ou ne s’agit-il que d’une nouvelle manipulation des médias, qui jouent sur l’irrationalité et les passions nationalistes ? Par ses derniers gestes, la Croatie ne fait aucun effort pour arranger les choses. En août, des pelleteuses de Zagreb ont tracé une nouvelle route entre Sveti Martin na Muri et Mirisce. L’entreprises concessionaire croate justifie les travaux, effectués du côté croate de la ligne cadastrale, par la nécessité de construire au plus vite des retenues contre les inondations. Les eaux de la Mura menacent effectivement les deux rives, mais la population locale craint moins la rivière et les inondations que le risque d’être « annexée » grâce un stratagème ourdi par le voisin méridional. Pour éviter des incidents dangereux, les deux Premiers ministres, Janez Jansa et Ivo Sanader, se sont rencontrés sur les lieux. Cette rencontre a débouché sur un accord sur la gestion commune des digues. Mais l’accord est resté lettre morte, et les deux gouvernements s’accusent réciproquement de ne pas le respecter à cause d’initiatives unilatérales. Avant l’incident avec les journalistes, la polémique sur les retards d’application de l’accord avait même atteint le gouvernement, où Janez Jansa avait critiqué Janez Podobnik, le ministre de l’Environnement, particulièrement hostile à Zagreb. À peu de temps des élections locales, le Premier ministre a repproché à Janez Podobnik d’empêcher dans les faits que ce qui a été convenu avec Ivo Sanader puisse être appliqué. Depuis, les choses ont pris une évolution aberrante : les forces spéciales des deux pays, armées jusqu’aux dents, se font face à quelques mètres les unes des autres, bien décidées à ce que les pelleteuses des voisins ne rallument pas leur moteur. La diplomatie ne calme pas le jeu. Au contraire elle souffle sur le feu, avec la volonté d’unir toutes les forces politiques dans un front contre « l’ennemi extérieur ». Kolinda Grabar Kitarovic a accusé son collègue slovène de rendre publiques et même de déformer leurs échanges téléphoniques. De son côté, Dimitrij Rupel évoque la possibilité de mettre une condition à l’entrée de la Croatie dans l’UE, et il stigmatise comme « pro-croate » quiconque soutient l’idée de recourir à un arbitrage international sur ces conflits qui enveniment depuis quinze ans les relations entre les deux pays, répandant la haine dans les populations frontalières, là où la haine n’avait jamais eu de raison d’exister. Parmi les partisans décidés d’un appel à un arbitrage international figurent les deux présidents, Janez Drnovsek et Stipe Mesic. Mais ils sont toujours moins écoutés. Pourtant, la récente montée des tensions et le risque réel d’un incident qui provoquerait violence et instabilité le long de la frontière sont des faits qui semblent justement donner raison aux partisans d’un arbitrage international.
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![]() Traduit par Thomas Claus Publié dans la presse : 16 juin 20066 juin 2006 La Zone culturelle autonome de Metelkova, à Ljubljana, est menacée de destruction par les autorités. Metelkova est une institution majeure du paysage alternatif slovène. Ses membres lancent un appel afin de la protéger. Par Metelkova Le 14 juin dernier, à six heures du matin, l’Inspection gouvernementale de l’environnement et de la planification territoriale a tenté de lancer des travaux de démolitions de la Zone culturelle autonome de Metelkova à Ljubljana. Metelkova, dont les bâtiments sont considérés comme indésirables par le gouvernement, est un centre culturel créé sur les lieux d’une ancienne caserne militaire. Les acteurs culturels de Metelkova, et tous ceux qui contribuent aux activités qui s’y déroulent, ont bloqué le déroulement de l’opération de démolition. Il s’agit de la troisième tentative en quelques mois de détruire l’un des lieux culturels les plus vivants et actifs de Ljubljana. La présence des inspecteurs de l’Etat a augmenté de manière sensible lors des derniers événements culturels organisés à Metelkova. Le gouvernement slovène s’appuie sur une loi récemment approuvée, concernant les activités de services. Derrière la façade des règlements rigides regardant les activités commerciales, difficilement applicables par la ONG et les associations sans but lucratif, cette loi pourrait permettre au gouvernement de dissoudre l’institution la plus fédératrice de la culture alternative en Slovénie. A Ljubljana, Metelkova fournit 40% des événements musicaux non commerciaux. [...] Elle constitue le principal fournisseur d’événements culturels à Ljubljana. Metelkova est le seul lieu en ville, et l’un des rares dans tout le pays, où la culture jeune et la culture alternative sont représentées devant un public large. Il s’agit par ailleurs d’un lieu de débat intellectuel intense. Chaque année académique, le centre organise la Workers’ Punkers’ University, où des questions critiques du monde contemporain sont débattues par des intervenants importants, locaux ou étrangers. Metelkova a récemment accueilli les rencontres annuelles de TransEuropeHalles. En 13 ans d’existence, les projets de la Zone culturelle autonome de Metelkova ont été soutenus par le Ministère de la Culture et par la ville de Ljubljana, ainsi que par de nombreux sponsors internationaux. Des producteurs issus de Metelkova ont participé à la Biennale de Venise, à la Biennale de San Paolo, à Documenta, à Manifesta, au Wiener Festwochen. De nombreux festivals internationaux se tenant à Ljubljana ont présenté certaines de leurs activités à Metelkova : The City of Women, The Other Music, le Jazz Festival Ljubljana, la Trnfest, etc. Metelkova est reconnue et évoquée par les médias internationaux : Arte, la BBC, ARD, Die Zeit, Falter, le Los Angeles Times, l’ORF, la Télévision nationale russe, le Seattle Times, la ZDF, le Feral Tribune et d’autres. Metelkova est un squat créé en 1993, lorsqu’un groupe de producteurs alternatifs et d’activistes ont décidé d’occuper l’ancienne caserne du quartier général de l’armée, près du centre de Ljubljana. Leur intention était d’empêcher sa destruction illégale par des agences inconnues, probablement guidées par des intérêts de spéculation immobilière. Bien que le Centre ne soit jamais parvenu à obtenir un véritable statut légal, le lieu a été classé « patrimoine culturel national » en 2005. La Zone culturelle autonome de Metelkova est attaquée. Ses membres sont prêts à la défendre. Il leur faut de l’aide. Mail : info@metelkova.org Site : www.metelkova.org
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![]() Slovénie : mémoire et réconciliation en vue pour l’Istrie ?
Traduit par Mandi Gueguen
Publié dans la presse : 23 février 2006
Gorizia-Nova Gorizia reste une ville divisée, avec une partie en Italie, l’autre en Slovénie, bien que ces deux pays fassent désormais partie de l’Union Européenne. Le président slovène Drnovsek lance une invitation à un moment de réconciliation avec ses homologues italien et croate. Mais son initiative risque de rester lettre morte. Par Franco Juri Gorizia et Nova Gorica pourraient dans peu de temps reconfirmer leur vocation unitaire européenne en accueillant favorablement le geste de réconciliation tant attendu entre les présidents de la Slovénie, de la Croatie et de l’Italie. Un hommage aux raisons de l’autre et un mea culpa pour les méfaits historiques des nations respectives : voilà la recette que le président slovène Janez Drnovsek lance, en s’adressant justement depuis Gorizia-Nova Gorica et de la symbolique place Transalpine, accompagnée et conseillé par deux maire locaux (Vittorio Brancati et Mirko Brulc), une invitation aux deux présidents voisins. Le croate Mesi ?, comme l’italien Ciampi, avaient déjà pressenti une rencontre présidentielle de réconciliation. La proposition de Drnovsek - cette fois encore détachée du gouvernement Janša - arrive à l’improviste, sans note officielle, au cours d’interviews radiophoniques et du colloque avec les maires et la presse. Le style est naturellement celui de Drnovsek, au format transcendantal, imprégné du récent voyage et méditation collective interreligieuse à Bangladore en Inde auprès du guru Ravi Shankar. Mais, il arrive surtout peu de jours après la Journée de la mémoire le 11 février, soufflée par l’Italie, qui a surtout été une énième célébration à sens unique, une nouvelle occasion d’ignorer les raisons et les souvenirs de l’autre et d’une partie même des concitoyens. Ainsi, cette année aussi, malgré l’Europe, la volonté de mémoire harcèle les deux parties. Une mémoire toute différente qui partage et qui se laisse ponctuellement instrumentaliser pour approfondir le fossé entre les deux nations. « Arrêtons le génocide du peuple istrien ! » avait écrit sur une banderole l’Union des Istriens - provoquant l’indignation de certains et l’hilarité des autres - la veille de la journée commémorative et de la manifestation des exilés istriens à Strasbourg. Excès de rhétorique ? Exagération ? Simple mauvais goût ? Syndrome de victimisation étranger à la réalité ? Ou simplement instrumentalisation provocatrice des sentiments à des fins plus concrets : le meilleur pour la fin, voilà en effet la revendication des indemnisations les plus généreuses pour les biens abandonnés. Comme d’habitude Trieste, tricolore, a pleuré l’exode istro-dalmatien et les morts des fosses communes. Une nouvelle commémoration historique, est arrivée de la Slovénie, signée par les grands pontes de l’historiographie slovène, sans intrusion italienne peu appréciée. Le document, publié ces jours-ci en plusieurs volets dans Primorske novice et partiellement dans Delo, se fonde sur des faits documentés, comme les crimes fascistes et ceux de l’occupation italienne dans la province de Ljubljana, mais l’ouverture reste une fois de plus à sens unique, sans accès particulier vers l’histoire de l’autre et de la communauté italienne en Istrie, contraite à la fin de la guerre à l’exode ou à la soumission idéologique. Double citoyenneté pour les Italiens de Slovénie et de Croatie Certains attisent le feu en criant au scandale depuis Bruxelles ou Strasbourg. Mojca Drcar Murko, une importante journaliste de Delo, aujourd’hui eurodéputée libérale-démocratique, accuse l’Italie d’une sournoise tentative d’invasion, pour avoir approuvé aux confins de la législature, la loi « bipartisane » qui permet l’obtention de la citoyenneté italienne à tous les Italiens de la Slovénie et de la Croatie qui sont des descendants directs des citoyens du Royaume, qui avant la guerre s’étendait sur le territoire délimité par la frontière de Rapallo. La minorité italienne naturellement exulte et salue avec enthousiasme la loi, mais certains - comme la députée Murko - y voient une opération dangereuse irrédentiste et annonce une action au Parlement européen contre cette mesure. Il reste un petit hic cependant, celui qui fait justement taire d’embarras le gouvernement de Ljubljana. La Slovénie aussi, en effet approuva, immédiatement après l’indépendance, une loi similaire à l’italienne. Elle accordait le droit de citoyenneté à tous ceux qui - d’appartenance ethnique slovène - avaient une ascendance slovène ou bien yougoslave. Beaucoup de membres de la minorité slovène en Italie bénéficient de la double citoyenneté. Personne n’en a jamais fait grand cas. Le bruit, pour l’instant étouffé, de la parlementaire européenne pourrait mélanger toutes les cartes. Donc, il est peu probable que son initiative se fasse vraiment entendre. Toutefois nombreuses sont les questions que doit dépasser un geste historique de réconciliation. L’initiative louable de Drnovsek, soutenue par les deux maires de la ville divisée par une frontière de moins en moins visible, risque une fois de plus de rester un énième signe de bonne volonté. Rien de plus. Drnovsek refuse de signer une loi restrictive sur ledroit d’asile Beaucoup d’analystes regrettent que l’hyperactivité globale du président Drnovsek s’inscrive moins dans la durée. La conférence manquée sur le Darfour, par exemple, tenacement voulue par le président en Slovénie, mais qui n’a pas dépassé le stade de projet. Ensuite, le président a regretté que l’hebdomadaire Mladina ait publié quelques informations dans un long article critique sur les fameuses vignettes danoises, puis il a dénoncé les bureaucrates de l’ONU et la Grande Bretagne, tuteur principal des négociations sur le Darfour en cours au Nigéria. Le président a ensuite affronté l’accusation de ne pas avoir voulu, contre toute attente et après plusieurs jours de silence, signer la nouvelle loi restrictive sur les droits d’asile. La Constitution ne lui concède pas pourtant une telle autorité. Aussi, avant son départ pour le subcontinent indien, il ne lui restait plus qu’à poser sa signature sur ce qu’il a défini come un pas en arrière dans le respect des droits de l’homme et les normes de la civilisation. En outre, le président Drnovsek se prépare désormais à lancer son mouvement (pour la justice et le développement) sur la scène politique, en participant avec ses propres listes civiques, clairement opposé aux partis traditionnels, aux prochaines élections administratives. La classe politique que le président continue à critiquer, ne le suivra probablement pas avec enthousiasme dans les initiatives qu’il propose. Pour réussir, sa proposition d’une rencontre réconciliatrice à Gorizia-Nova Gorica aura besoin du consensus ou du moins d’un soutien convaincant des partis parlementaires et du gouvernement. Et surtout de l’adhésion convainque des deux autres présidents |
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Traduit par Thomas Claus
Publié dans la presse : 9 janvier 2006
La tension monte entre la Slovénie et la Croatie sur la question des frontières maritimes. Forte de son statut européen, la Slovénie augmente la pression sur Zagreb en revendiquant l’ensemble du Golfe de Piran et une bande longeant l’Istrie croate. Le gouvernement croate en appelle à un arbitrage international. Mais à Bruxelles, le silence devient assourdissant. Par Franco Juri Depuis une semaine, les risques d’un incident frontalier sérieux entre la Slovénie et la Croatie ont significativement augmenté. Le gouvernement de Ljubljana a émis un décret affirmant la souveraineté de la Slovénie sur tout le Golfe de Piran, jusqu’à la côte croate, puis sur une bande maritime qui s’étend le long de l’Istrie croate et s’arrête à la latitude de la localité de Vrsar. Cette bande coïncide avec la zone écologique instituée unilatéralement par la Slovénie il y a quelques mois. Ce décret a été proposé en tandem par les ministères de l’Agriculture et des Affaires étrangères. Il est présenté par le gouvernement slovène comme une réponse à la définition récente par la Croatie de sa zone de pêche. Cette zone croate, elle aussi instituée de manière unilatérale, englobe la moitié du si convoité Golfe de Piran. Ljubljana répartit à présent l’étendue maritime qu’elle revendique en trois zones de pêche, dont les délimitations n’ont pas encore été tracées. La zone A comprend les « eaux internes », c’est-à-dire l’entièreté du Golfe de Piran, qui baigne de manière symétrique les côtes slovène et croate de l’Istrie du nord-ouest. La zone B qui, en plus de la bande maritime indubitablement slovène qui confine aux eaux italiennes, s’étend sur les eaux litigieuses jusqu’à la limite des eaux internationales. Finalement, la zone C, qui longe la côte d’Istrie jusqu’à la localité croate de Vrsar. La Slovénie n’est pas unanimeCe décret inattendu émis par Ljubljana a suscité un certain embarras. Y compris chez ceux qui, des bancs de l’opposition slovène, avaient défendu le droit de la Slovénie à se garantir un corridor souverain jusqu’aux eaux internationales. Pour Marko Pavliha, influent représentant libéral démocrate et professeur de droit maritime, ce décret gouvernemental constitue une dangereuse prise de risque, difficilement défendable en termes de droit international. Une prise de risque susceptible de provoquer une série d’incidents sérieux et peut-être tragiques à la frontière. L’évaluation raisonnable mais dissidente du député Pavliha lui a valu les reproches du Premier ministre Janez Jansa. Ce dernier a regretté qu’il y ait de la part de l’opposition « un sens aussi pauvre des intérêts nationaux ». Le gouvernement Jansa affronte pour l’instant une vive baisse de popularité. En décembre, 39% des citoyens slovènes soutenaient le gouvernement, contre 44% de mécontents. Le nationalisme suscité par le contentieux frontalier avec la Croatie devrait - selon les calculs du Premier ministre - redistribuer les cartes et rassembler la plus grande partie de la nation autour de son autorité. Un calcul risqué. Dans le Golfe de Piran, la tension monte. Il y a quelques jours à peine, des inconnus ont tranché les filins des bouées d’un élevage croate de mollusques dans la partie méridionale du golfe, celle-là même que les Slovènes revendiquent depuis plusieurs années. Les Croates ont immédiatement dirigé leurs soupçons vers les pêcheurs slovènes. Pour éviter des actions de représailles violentes et dangereuses de la part des pêcheurs d’Umag et de Savudrija, le Premier ministre croate Ivo Sanader a promis d’indemniser la coopérative touchée par ces agissements. De plus, il a demandé au gouvernement slovène de collaborer avec la police croate afin de faire la lumière sur ce geste embarrassant, réalisé avec préméditation et minutie par des plongeurs expérimentés. A cette affaire et aux demandes du gouvernement croate, Ljubljana a répondu par l’annexion formelle et controversée du Golfe de Piran dans son ensemble. L’annexion reste virtuelle, tout comme la déclaration d’une bande épicontinentale propre et la déclaration de la zone écologique, puisque la Slovénie ne contrôle pas la zone en question, et n’a pas la capacité de le faire. En répliquant de cette manière, le pays prend la voie dangereuse et irresponsable de la provocation diplomatique censée améliorer sa position dans les négociations. Mais cela fait déjà un certain temps que les provocations enveniment la situation autour de la frontière en Istrie. Depuis plusieurs années les pêcheurs slovènes ne s’aventurent plus dans l’autre moitié du Golfe de Piran. Ceux qui ont essayé ont été bloqués et repoussés par les vedettes des autorités, ou par les pêcheurs croates lorsque la police se révélait impuissante. Les pêcheurs de Piran, désormais peu nombreux, ne sont pas moins sceptiques après l’émission du nouveau décret gouvernemental. Ils applaudissent mais ils ne se fient pas aux cartes ni aux paroles des ministres compétents en la matière, qui les incitent à s’aventurer dans l’autre moitié du golfe, tout en refusant eux-mêmes de s’engager trop avant. « Nous avons fait notre devoir, explique le Ministre des Affaires étrangères Dimitrij Rupel. A présent, c’est au tour des ministères compétents en ce qui concerne la sécurité de notre territoire. » Sont visés le ministère de l’Intérieur et le ministère de la Défense, qui devrait se doter prochainement d’une deuxième vedette. Le chantage européen de RupelLa réaction diplomatique de Zagreb a été immédiate et résolue. L’initiative slovène s’est vue qualifiée par le Premier ministre croate Ivo Sanader d’annexion inadmissible, dépourvue de toute valeur juridique. Il a protesté par une note à laquelle il a joint une liste des conventions internationales violées par le décret de Ljubljana. Il a également informé la Commission européenne de ce qui se produisait et a renouvelé son appel formel à un arbitrage international sur le contentieux maritime. Mais la diplomatie slovène répond à nouveau par la provocation à l’hypothèse d’une solution arbitrée par un tribunal international compétent. S’il est question d’arbitrage international, Ljubljana insiste pour que la question porte sur une redéfinition de la frontière dans son ensemble. Y compris la frontière terrestre, déjà établie par la Commission Badinter au moment de la dissolution de l’ex-Yougoslavie, du Prekmurje jusqu’à l’Istrie. Et lors de sa rencontre avec les ambassadeurs slovènes à Brdo, le Ministre slovène des Affaires étrangères Dimitrij Rupel a abattu son jeu de manière plus complète. En 2008, la Slovénie présidera pendant six mois la présidence tournante du Conseil de l’Union Européenne. Six mois à dédier en particulier à l’aide à porter aux Balkans occidentaux dans leur cheminement vers l’intégration. Par « Balkans occidentaux », Ljubljana désigne la Croatie plus que le Monténégro, l’Albanie ou la Macédoine. Par « aide », Rupel désigne le conditionnement bilatéral, et il n’en fait plus mystère. « Zagreb doit savoir que l’une des 25 clés nécessaires pour entrer dans l’UE, c’est nous qui la détenons », a-t-il lancé à plusieurs reprises, avec une arrogance désinvolte. Pour Dimitrij Rupel, la frontière maritime avec la Croatie n’est plus une affaire slovène, mais une affaire européenne. L’arbitrage est selon lui inutile : il est beaucoup plus efficace d’agir au nom de l’UE et d’évoquer les obstacles que rencontrera la Croatie si elle ne cède pas sur la question frontalière. Au fond, Javier Solana a dit la même chose : c’est la Croatie qui doit résoudre ses problèmes de frontières avant d’entrer dans l’UE. La Slovénie n’est pas obligée de négocier, puisqu’elle est déjà état-membre. Avec Solana derrière elle, Ljubljana se sent forte. Embarrassée, Bruxelles se tait. C’est le principe de la solidarité entre les états-membres, même lorsqu’ils se trompent. Quant à l’annonce d’une médiation timidement évoquée par Javier Solana, on n’en entend plus parler. Jusqu’à 2008, le Golfe de Piran restera exposé aux incidents de toute sorte. |
![]() Réformes sociales et manifestations
monstres en Slovénie Publié dans la presse : 1er décembre 2005 Les protestations contre les réformes du gouvernement de Janez Jansa ont battu tous les records à l’occasion des manifestations les plus importantes depuis l’indépendance. Contre la hausse de la TVA et les coupes dans les dépenses sociales de l’Etat slovène, tous les syndicats se sont unis pour manifester. Le gouvernement de Janez Jansa semble de plus en plus fragilisé. Par Svetlana Vasovic-Mekina Samedi dernier le centre de Ljubljana, malgré une tempête de neige inhabituelle, fut le théâtre de la plus grande manifestation de syndicats de l’histoire de la Slovénie. Plus de 40 000 manifestants vêtus de capes aux couleurs des différents syndicats, nantis de banderoles, de drapeaux rouges, et des incontournables sifflets et tambours, ont conquis la capitale en bloquant entièrement la circulation. La Place des Congrès ne se souvient pas d’avoir accueilli une telle masse de gens depuis 1989, lors des manifestations contre le « procès des quatre ». Janez Jansa était alors l’un des « quatre », c’est-à-dire « la victime de la procédure judiciaire de JNA (l’Armée nationale de Yougoslavie). Seize ans plus tard, au même endroit, Janez Jansa actuellement premier ministre, devient la cible d’injures, de huées et de slogans. Des manifestations semblables avaient été cauchemardesques pour les autorités yougoslaves à la fin des années 1980. Quinze ans plus tard, la Slovénie, à force de privatisations, en dépit de gros problèmes causés par la disparition du marché yougoslave, a réussi à se restructurer et à surmonter aisément toutes les secousses. Cependant la paix sociale a un prix : les économistes locaux ont calculés que les salaires étaient trop élevés pour pouvoir attirer des investisseurs plus importants, que la législation réglementant la fondation de nouvelles sociétés était toujours très compliquée et que, de plus, de nombreuses entreprises ne sont pas compétitives sur le marché européen. Elles vivotent d’aides de l’Etat. Promesses en l’air Les nouvelles autorités, menées par Janez Jansa, ont décidé de mettre un terme à cette situation. Après la prise de contrôle de la radio-télévision nationale, après avoir attaqué le plus grand groupe médiatique ‘Delo’ à l’aide de transactions financières par l’intermédiaire de capitalistes alliés (KD Group et Istrabenz), le gouvernement s’est senti suffisamment puissant, avec le soutien d’un groupe d’économistes néolibéraux, pour proposer nombres de réformes, dont une augmentation de la TVA à 20% . Les conseillers de Jansa ont estimé que la Slovénie devait prendre modèle sur la Slovaquie qui, il y a quelques années, a introduit un taux fiscal unique. Les organisations syndicales, les étudiants et les retraités (organisés en Slovénie en parti puissant qui participe quasiment à tous les gouvernements), ont vite compris d’où venait le danger car le taux fiscal unique signifiait l’augmentation des denrées alimentaires, des médicaments et des produits de base. Actuellement la TVA est de 8%, et tout le monde sait qui pâtira de l’augmentation de 12%. Personne n’a cru aux garanties du cabinet de Jansa qui précisait que la différence serait couverte à l’aide de divers « transferts sociaux ». Les économistes de la vieille garde ont relayé les craintes des masses ouvrières en confirmant qu’un tel système apporterait des privilèges supplémentaires et enrichiraient encore plus les capitalistes tandis que le fardeau des réformes et les plus grandes pertes seraient subies par une classe ouvrière déjà appauvrie. Si l’on en croit les éditorialistes locaux, la première visite de Janez Jansa dans les pays baltes aurait été pour lui une véritable révélation. A la différence de la Slovénie, l’Estonie enregistre un taux de croissance élevé et sa réussite est due au fait que la procédure d’enregistrement des nouvelles entreprises est extrêmement simple, ce qui a attiré de nombreux investissements étrangers. L’une des sociétés récemment fondée en Estonie, Skajp, fait un véritable boom en offrant les services téléphoniques par Internet à des prix très faibles. Lorsqu’il a appris l’exemple de Skajp, le premier ministre du gouvernement slovène a conclu que ce « sont uniquement les experts » et personne d’autre qui pouvaient comprendre les lois fiscales slovènes. Mais il n’a en revanche pas mentionné la lenteur des services publics ni le poids de l’énorme bureaucratie qui est « devenue célèbre » parmi les investisseurs étrangers. En Slovénie le remboursement de la TVA dure de mars à novembre, soit 6 mois, alors qu’en Estonie elle ne dure que cinq jours. L’Estonie a introduit un taux fiscal unique de 26% depuis 1994. Cependant, selon les syndicats slovènes, l’Estonie enregistre un taux de croissance négatif du produit national brut. Les experts conviennent que les réformes sont nécessaires à la Slovénie mais ne sont pas d’accord avec les conclusions du Conseil gouvernemental sur l’orientation et sur la manière de les exécuter. Les premières analyses montrent que le prix des réformes, si elles « passent » et deviennent une partie de la législation, sera payé par les couches les plus pauvres de la société. C’est pourquoi les syndicats se sont unis ; en premier lieu le syndicat de la police, dont les représentants ont manifesté aux premiers rangs, vêtus de capes jaunes, au nom du « maintien d’un état social ». De l’autre côté se trouvaient leurs collègues en service. On a pu remarquer quelques scènes de violence entre les policiers en uniforme et de jeunes manifestants. Certains ont été interpellés par la police. Les syndicalistes, en concurrence et souvent divisés, ont été contraints à s’unir. Le résultat fut imposant : les manifestations ont été très bien organisées et bien couvertes par les médias. Pendant des jours avant les manifestations, toutes les villes étaient recouvertes d’affiches avec la question « Où les réformes gouvernementales nous mènent-elles ? » Avec comme illustration le symbole homo erectus qui, d’une position verticale, se penche de plus en plus jusqu’à avoir l’échine complètement courbée. Les poches vides ne permettaient d’avoir aucun doute du message. C’est pourquoi les slogans les plus fréquents étaient « Nous ne permettrons pas qu’ils nous vident les poches ! », ou « nous ne permettrons pas qu’ils nous cassent le cou ! ». Les sondages ont montré que 83% des citoyens interrogés ont donné leur soutien aux syndicats qui se sont opposés à la réduction des droits sociaux, tandis que 17% à peine ont soutenu les réformes, ce qui est la plus grande chute de popularité du nouveau gouvernement depuis sa formation il y a un an. Les sombres calculs des syndicalistes ne peuvent rien contre les réformateurs de Jansa. Si les réformes passent, l’ouvrier qui gagne actuellement 400 euros par mois en recevra 6 de moins, ce qui n’est pas en soi n’est pas une tragédie... jusqu’au moment ou il devra effectuer ses achats courants. Les dépenses d’alimentation devraient par exemple être augmentées de plus de dix pour cent. Par ailleurs, les directeurs qui gagnent 8 à 10 000 euros mettront dans leurs poches plus de 500 euros par mois. Les retraités ont calculé qu’en cas d’augmentation de la TVA, il faudrait augmenter les pensions d’au moins 40 %. Mais il y a aussi des critiques sur le compte du « modèle estonien » qu’il faudrait appliquer à l’économie slovène. Des économistes renommés, tels que le récent doyen de l’Université de Ljubljana, Joze Mencinger, estiment que la crainte et les exigences des syndicalistes sont justifiées. Que ce soit par hasard ou non, le gouvernement de Janez Jansa, en plein conflit et au centre d’une intense campagne de protestation médiatique -et immédiatement après le limogeage du populaire président du Conseil d’administration de Merkator, Zoran Jankovic- a essuyé la plus grande baisse de sa cote de popularité. Selon les sondages de l’agence Ninamedija, en décembre dernier le gouvernement de Jansa avait le soutien de 69,2% des sondés, alors que le mois dernier il était en dessous de 50%. |
![]() Nouvel avis de tempête entre la
Croatie et la Slovénie Publié dans la presse : 30 août 2005 Par Drago Hedl « La Slovénie a des prétentions territoriales », « les relations entre la Slovénie et la Croatie n’ont jamais été aussi mauvaises », « La Croatie doit rappeler d’urgence son ambassadeur à Ljubljana », « Il faut envoyer un navire de guerre dans le Golfe de Piran ! » - tels sont quelques uns des titres qui font la une de la presse croate ces derniers jours et l’ouverture des journaux télévisés. La nouvelle guerre des mots entre Zagreb et Ljubljana, provoquée par la décision du gouvernement slovène de soumettre au Parlement une proposition de loi sur la déclaration d’une zone de protection écologique sur le plateau continental de la Mer Adriatique, a réveillé toutes les passions politiques dans les deux pays. La Croatie a réagi très sévèrement. Lors de la première session du gouvernement après la pause estivale, le Premier ministre Ivo Sanader a suggéré à son homologue slovène Janez Jansa qu’il jouait « avec une décision politiquement dangereuse, qui n’est pas en accord avec l’engagement confirmé par les deux parties en faveur de la création de relations poussées de bon voisinage ». « La Croatie souhaite avoir de bonnes relations avec la Slovénie, mais ne consentira pas à des amputations du territoire croate. La Croatie ne demande rien à personne, mais ne veut rien céder de ce qui lui appartient », a déclaré Ivo Sanader lors de cette séance du gouvernement. Les analystes ont immédiatement noté que la dernière phrase du Premier ministre croate sonnait en écho à celle de l’ancien Président yougoslave Josip Broz Tito, qui déclara, au plus fort de la crise de Trieste, en 1953 : « ce qui est aux autres, nous n’en voulons pas, ce qui est à nous, nous ne le donnons pas ! » La réponse de Ljubljana est arrivée dès le lendemain. « La proposition de loi sur la déclaration d’une zone écologique en Adriatique n’implique pas l’acquisition du territoire de quiconque, et cette loi ne cherche pas à provoquer un conflit », a déclaré le Premier ministre slovène Janez Jansa, ajoutant que « la Slovénie a simplement fait en Mer Adriatique la même chose que les autres pays ». Pour la Croatie, au contraire, la déclaration sur le plateau continental est inacceptable, parce que la Slovénie entendrait, selon Zagreb, intervenir sur un espace qui appartient à la Croatie. Plus exactement, la bande côtière slovène se situerait entièrement sur le versant croate de la délimitation des plate-formes continentales, effectuée entre l’Italie et la Croatie. Quand on regarde la carte de cette partie de l’Adriatique, où les frontières ont été fixées entre l’Italie et l’ancienne Yougoslavie, il est évident que la ligne dite d’Osimo (les deux États, la Yougoslavie et l’Italie avaient défini leurs frontières maritimes par le Traité d’Osimo en 1975) va de Trieste jusqu’au point T5 dans la Mer Adriatique. C’est à partir de ce point que sont fixées les eaux territoriales respectives de l’Italie et de l’ancienne Yougoslavie. Ce point T5 définit également la ligne qui partage en deux le reste de l’Adriatique, au large des eaux territoriales des deux États et sur la plate-forme continentale. Avec la proposition de loi envoyée au Parlement, la Slovénie a désormais défini les limites de sa bande côtière le long de l’ancien ligne de délimitation entre les eaux yougoslaves et italiennes, empiétant donc - selon Zagreb - sur le versant croate. Cette zone, ainsi que la Slovénie entend la définir, a la forme d’un quart [1], à partir du point T5 jusqu’à une latitude de 45°10, qui correspond approximativement à la ville de Porec. Zagreb, à l’inverse, considère tout le problème de la manière suivante : comme les eaux territoriales de la Slovénie ne touchent pas les eaux internationales, ce pays n’a pas la possibilité de définir une plate-forme continentale. La Slovénie considère pourtant qu’elle possède ce droit, justement sur la base du Traité d’Osimo, puisque depuis la dissolution de la Yougoslavie, en 1991, les frontières n’ont pas changé et, jusqu’en 1991, la Slovénie, tout comme la Croatie, faisait partie de la Yougoslavie, et qu’elle avait donc accès aux eaux internationales. Ljubljana désire régler formellement ce point. Tout serait bien sûr plus clair si les deux pays, la Croatie et la Slovénie, parvenaient à accorder leurs frontières maritimes dans le golfe que les Slovènes appellent de Piran et les Croates de Savudrija. L’inexistence de ces frontières définies est une source de conflits et le théâtre de petits incidents entre Ljubljana et Zagreb. Il ne se passe pas de mois sans que des bateaux de pêcheurs d’une partie ou de l’autre, chacun considérant à sa façon la frontière maritime, ne pénètrent dans « les eaux étrangères ». Afin d’éviter de tels incidents, les deux États ont récemment tenu une réunion de leurs deux gouvernements à Brioni, l’île connue pour avoir été longtemps la résidence d’été de l’ancien Président Josip Broz Tito. À cette occasion, les deux pays se sont entendus pour éviter les incidents dans le golfe qui sépare la Croatie et la Slovénie, et il semblait que les tensions causées par cette question des frontières non définies se soient allégées, mais la Slovénie a ensuite fait connaître sa proposition de loi sur la déclaration de la zone écologique et de la bande côtière. La Croatie, à la veille des élections parlementaires de 2003, avait elle aussi soulevé une grande tempête quand elle avait déclaré son intention de définir la limite de son aire de souveraineté dans l’Adriatique. Elle renonça au dernier moment à ce projet, à la suite de fortes pressions de la Slovénie et d’une intervention de l’Union européenne, en proclamant seulement une « zone écologique », avec des explications assez confuses sur ce que cela signifiait. Il s’est pourtant agi de l’unique tentative de compromis entre ce que voulait vraiment la Croatie et les pressions internationales. Zagreb essaya de s’en sortir sans que le renoncement à la zone de souveraineté n’apparaisse comme une défaite nationale aux yeux de l’opinion publique locale. Comme il est toujours plus improbable que Zagreb et Ljubljana réussissent à résoudre seules le problèmes du désaccord sur les frontières maritimes, l’unique possibilité restante est celle d’un arbitrage international. La Croatie pense que cet arbitrage lui sera favorable, tandis que les Slovènes y sont moins favorables, soutenant que, si les Croates ne sont pas satisfaits de l’arbitrage, ils ne le reconnaîtront pas. Les autorités de Zagreb sont particulièrement mécontentes du fait que la proposition de loi sur la déclaration de la zone écologique et de la bande côtière ait été déposée par le gouvernement de Janez Jansa devant le Parlement selon une procédure d’urgence. Cela signifie que cette proposition pourrait se retrouver à l’ordre du jour parlementaire précisément au moment où Bruxelles devrait décider de l’ouverture éventuelle des négociations d’adhésion avec la Croatie. C’est interprété comme une nouvelle pression de la Slovénie, qui menace la Croatie, en lui demandant des concessions territoriales et en lui promettant, en échange, un soutien à ses efforts pour entrer dans l’Union européenne |
![]() Slovénie : crise européenne et danger de dérive autoritaire Traduit par Mandi Gueguen Publié dans la presse : 23 juin 2005 Une Europe qui n’est plus en état de répondre et de proposer des perspectives sur l’avenir. Et des pays de l’Europe de l’Est qui risquent de déchanter et partir vers des dérives dangereuses. En Slovénie, l’autonomie de la magistrature est mise en doute, les minorités sont sous pression, les capacités de critique du monde de l’information sont limitées. Par Franco Juri Parmi les « effets collatéraux » de la crise profonde de l’Union Européenne figure aussi le danger réel d’une dérive antidémocratique, antieuropéenne et nationaliste dans les pays récemment admis et dans ceux qui sont encore candidats à l’intégration. Jusqu’à hier dans les pays ex-communistes en transition, l’intégration dans l’UE était considérée comme un des buts les plus ambitieux, un point d’arrivée au nom duquel, - depuis les temps du « Pacte de stabilité « proposé et promu à la suite de la violente crise des Balkans par les diplomaties des quinze en faveur des pays de l’Est, - ces pays s’engageaient à consolider les processus démocratiques, le respect des droits de l’homme et des minorités en plus des bons rapports de voisinage. Pendant quelques années, cette formule a réussi à maintenir une tension positive dans les pays concernés, toujours attentifs à favoriser des attitudes exemplaires en harmonie avec les attentes des « démocraties avancées », qui leur servaient de modèle. En vérité, une telle tension démocratique commença à perdre de l’altitude - non seulement en Europe de l’Est - dans le sillage de l’après le 11 septembre, des tentations suscitées par le « choc des civilisations » et des divisions européennes provoquées, entre autres, par l’offensive néoconservatrice américaine à la recherche d’alliés à la doctrine belliqueuse de guerre préventive, dans celle que Donald Rumsfeld baptisa la « Nouvelle Europe ». À l’intérêt stratégique de Washington pour l’Europe ex-communiste et dans l’espoir de l’arracher aux flatteries américaines, Bruxelles répondit par une accélération politique du processus d’élargissement, qui amena inévitablement à assouplir l’évaluation de quelques critères fondamentaux de l’adhésion, en premier lieu celui de la maturité démocratique effective et du respect des droits civils. Comportements anti-démocratiques En ce qui concerne la Slovénie, le cas des éliminés ainsi que l’incroyable dérobade de la Commission européenne à leur égard restent emblématique. Mais c’est surtout avec la nouvelle équipe gouvernementale dirigée par Janez Janša, dans une Slovénie déjà membre de plein droit et de l’Union Européenne et de l’OTAN, et qui par conséquent ne doit plus rendre de compte à personne, qu’émergent avec force des comportements antidémocratiques et autoritaires, augures d’un avenir incertain pour les droits humains et civils entre autres. Nous avons déjà largement commenté le contrôle politique que la nouvelle loi assure à la majorité du gouvernement sur la Radiotélévision publique, contestée par les journalistes slovènes et européens, mais déjà passée en seconde lecture au parlement. Il reste juste à ajouter que la majorité parlementaire a à peine travaillé sur une proposition de référendum, bien qu’elle fût présentée selon les règles et avec un nombre de signatures exigées par la loi pour la procédure pré-référendaire. Le président de la Chambre d’Etat, Franc Cukjati, représentant du parti de majorité relative (SDS), a expliqué que « la demande n’était pas bien formulée » et que par conséquent le référendum ne se fera pas. L’arrogance est devenue de mise et l’équipe de Janez Janša se dépêche pour tout, profitant de la crise et des divisions où s’abîme le premier parti de l’opposition, le parti Liberal Démocrate. Le cas le plus scandaleux est tout de même le contrôle politique presque absolu du Parquet de l’Etat et le poids toujours plus entravant du pouvoir politique sur une magistrature manifestement intimidée. Depuis quelques mois le nouveau procureur général de la République est Barbara Brezigar, magistrate de profession, mais connue surtout pour avoir été ministre de la justice du gouvernement conservateur de courte durée Bajuk-Janša, candidate « indépendante » dans la liste du SDS aux élections locales et ensuite candidate du cartel des partis de la droite aux présidentielles. Elle a bénéficié des faveurs de Janša surtout après avoir réussi à ensabler l’enquête sur les collaborateurs les plus étroits du Premier ministre actuel, interrogés en 1994 au sujet de l’arrestation violente d’un civil roué de coups, considéré comme « espion » du président de l’époque Milan Ku ?an. Derrière le scandale de Depala Vas il y avait naturellement l’ombre du même Janša, ministre de la défense à l’époque. Maintenant Barbara Brezigar, fidèle dévouée de Janša, dirige le Parquet, alors qu’au Parlement la toute récente commission de contrôle du Parquet, désertée en guise de protestation par l’opposition, est présidée par Dimitrij Kova ?i ? (SDS), autre bras droit du Premier ministre. Vice-président de la commission, Zmago Jelin ?i ?, ultra nationaliste et allié externe du gouvernement, a fait la une ces derniers jours avec ses amis du parti pour avoir introduit des pistolets au parlement. Néoconservatisme radical Même sur d’autres thèmes législatifs la majorité actuelle, suivant la tendance de fond néoconservatrice de cette partie de l’Europe, montre son vrai visage. Ainsi, la proposition de loi, originale et libérale, sur les couples homosexuels préparée par le gouvernement précédent, a été remaniée, la droite en a limité drastiquement les droits par une nouvelle proposition restrictive, ouvrant un débat enflammé au parlement, où la majorité n’a pas épargné les insultes pesantes envers ceux étiquetés comme "pédés". Le député du SDS Pavle Rupar arrive à proposer avec sarcasme un contrôle médical obligatoire de « l’entrejambe » pour les deux députés du centre gauche les plus impliqués dans le débat afin d’établir « à quel sexe ils appartiennent ». Le gouvernement Janša continue sa marche en Slovénie sans se préoccuper d’apparaître « antidémocrate » aux yeux d’une Europe désormais à la dérive. Parmi les nombreuses « nouveautés » en chantier, il y a aussi la décision du ministre pour l’administration publique, Gregor Virant, de laisser tomber par décret les critères de connaissance de la langue italienne dans l’administration publique dans l’Istrie slovène, où le bilinguisme est établi par la Constitution et la loi. C’est une attaque directe du gouvernement aux normes actuelles qui sanctionnent l’égalité linguistique dans les endroits habités par la communauté italienne. Les organisations minoritaires représentantes, comme le député spécifique qui a choisi de soutenir le gouvernement, réagissent avec tiédeur, toujours plus intimidés ils cherchent à maintenir, avec prudence et pragmatisme et par des accords séparés avec le gouvernement, au moins la part d’autonomie dont ils jouissent actuellement. Ainsi le député au siège spécifique de la minorité italienne Roberto Battelli annonce, soutenu par l’Union Italienne, son vote favorable à la loi du gouvernement qui centralise et fait dépendre entièrement de l’État le réseau de la radiotélévision slovène. Entre-temps, le président du tour de l’OSCE, le ministre des Affaires Etrangères slovène Dimitrij Rupel, se fait accompagner et conseiller, dans les nombreuses étapes dans les pays ex-soviétiques de l’Est et de l’Asie centrale, par Borut Geri ?, expert analyste et collaborateur de divers instituts stratégiques américains sponsorisés par le Pentagone, critique du multilatéralisme, partisan décidé de la guerre préventive, de l’inutilité d’une UE forte, de l’encerclement de la Russie et de l’Iran et de l’exportation de la doctrine démocrate-néoconservatrice de Bush dans les pays ex-communistes, stratégiquement plus intéressants. La politique étrangère de Ljubljana ne fait que refléter, chaque jour plus, l’orientation imprégnée au pays par Janez Janša. |
![]() Les 100 jours du gouvernement slovène :
entre populisme et incompétence Publié dans la presse : 29 mars 2005 Quelles sont les vraies priorités du nouveau gouvernement de Janez Jansa (droite) ? Introduire l’euro ou relancer la démographie ? En attendant, les premières mesures ont un goût de déjà vu : le ministre de la Culture va couper les subventions au groupe de rock Laibach, qui avait été interdit par le pouvoir communiste à la fin des années 1980... Par Ali H. Zerdin Chantons un éloge au gouvernement. Durant ses premiers cent jours aux affaies, la nouvelle équipe a entamé de nombreuses démarches profitables. Elle a prévu d’éliminer la convoitise des directeurs des institutions, financés par les fonds publics, et de limiter leurs salaires excessifs. Le fait que les directeurs des institutions gagnent plus que le Président de la République, celui du Parlement, de la Cour constitutionnelle ou que le Premier ministre représente une anomalie et un héritage bizarre du LDS. Encore une preuve de magnanimité : le gouvernement s’est décidé pour une abolition générale, une mesure de clémence pour dispenser les coupables des contraventions minimes. Quelques 100 000 personnes se verront graciés pour avoir mal parqué leur voiture - une mesure peut-être utile pour ne pas asphyxier les cours pour les contraventions par les cas non résolus. La nouvelle coalition au gouvernement a prévu de changer les dispositions de la Constitution concernant l’immunité des députés. En fait cette immunité est un instrument pour empêcher le pouvoir exécutif d’envoyer les députés en prison. En Slovénie, l’immunité a relevé d’une autre fonction. Elle servait à des députés balbutiants de moyen pour éviter la comparition devant la cour. Maintenant, on voudrait limiter l’immunité. Peut-être complètement, peut-être partiellement. En tout cas, les privilèges des députés pour échapper à la justice malgré des allégations fondées s’atténueront. Il est vrai aussi que la nouvelle coalition a ouvert les armoires d’où apparaissent « les cadavres » susceptible de pourrir encore durant des années. Certes, c’est moins spectaculaire qu’en 2000, quand les trésors oubliés ont fait apparaître les réserves d’or du ministère des Affaires intérieures. Le gouvernement s’est fixé comme priorité l’introduction de l’euro. Un tel objectif doit être poursuivi par tous les dirigeants politiques. Priorité numéro 1 : l’euro ou la démographie ?Le Premier ministre a surpris la population par une autre priorité : changer les tendances démographiques négatives. Un devoir très exigeant, car les indicateurs démographiques sont fortement influencés par le problème du chômage des jeunes, problème du logement etc. Il semble que le gouvernement de Janez Jansa dispose de quelques conseillers habiles, capables de mesures bien la pulsion de l’opinion publique. La promesse que l’administration publique sera plus aimable sonne de manière prometteuse. La prévision que les notaires ne vont plus « écorcher » leurs clients est sympathique. L’annonce que le temps est compté pour les privilèges des députés provoque l’enthousiasme du public. L’évaluation de la cote de popularité de Janez Jansa durant ces premiers trois mois est sensiblement meilleure que celle dont était si fier l’ancien Premier ministre Drnovsek. D’un trait, au gré de nos désirs, le nouveau gouvernement s’est montré plusieurs fois désespérément maladroit. Le ministre des Finances Andrej Bajuk a informé le public que l’Assurance Triglav aurait plus de valeur. Les estimations faites il y a trois ans avaient montré que cette valeur était trop basse. Le public aime bien entendre que les biens publics valent plus qu’on en pensait. Mais avec le message enthousiaste que le trésor du gouvernement cache plus d’argent que prévue, l’équipe au gouvernement a lourdement glissé. La décision sur le gel de la propriété est venue trop tard, ainsi les intitulés envoient en masse à la Société slovène d’indemnisation les plaintes. Même la publication d’une information spectaculaire - le manque de 70 milliards des tollars dans le budget par rapport aux estimations du gouvernement précédent - une approche amatoriste et malhonnête dénoncée par Jansa - le nouveau gouvernement a eu des difficultés pour clarifier ses sources. Les explications du ministre des Finance précédent démontrent que les finances publiques sont peut-être en meilleure état que prévu. Peu importe, nous nous attendons à une information plus claire en ce qui concerne les chiffres. La prise du pouvoirLe nouveau gouvernement a engagé sa prise du pouvoir en plusieurs paquets. Tout d’abord, le gouvernement a nommé le nouveau secrétaire général d’État ainsi que les nouveaux secrétaires d’État. Le gouvernement s’est assuré des leviers du pouvoir dans les ministères. La direction des services de sécurité du ministère de la Défense est assumée par Zoran Justin. Justin s’est lancé en politique en 2000 comme candidat au poste du député sur la liste du SDS. Le gouvernement a affronté la législation qui rend difficile la prise du pouvoir dans l’administration publique, au sens plus large. En fait, la législation de 2002 ne rend pas possible un remaniement net des directeurs, le règlement assure un degré élevé d’autonomie par apport au pouvoir politique : les directeurs sont amovibles seulement en cas d’incapacité prouvée ou s’ils ont commis une contravention. Il s’agit de la police, de la douane, du bureau des contributions, de l’administration vétérinaire, des inspections etc. Le nouveau gouvernement a estimé important d’y mettre ses fidèles pour faire exécuter son programme politique. Jusqu’à 2002, chaque coalition au pouvoir avait relevé de leurs fonctions les directeurs sans difficultés majeures. La réforme de 2002 était basée sur l’idée de dépolitiser l’administration exécutive des lois. Le fait que le nouveau règlement positionne l’administration dans l’État avant 2002 n’est pas le plus discutable. Cependant un problème d’ordre politique et constitutionnel se présente : les candidats qui se sont inscrits aux concours avaient des attentes légitimes quant à leur statut juridique. Autrement dit : les candidats ne s’attendaient pas à ce que, du seul fait du changement du pouvoir politique, leurs positions seraient remises en question. La nouvelle législation envahit ce statut relativement autonome et empiète dans les attentes légitimes fondées. Une nouvelle élite économiqueLes directeurs des deux fonds paraétatiques ont déjà démissionné. Les personnes qui vont les remplacer formeront le noyau dur de la nouvelle élite économique. En fait, ces personnes seront placées au début de la chaîne d’influence qui à travers les fonds, l’Assurance Triglav, Nova Kreditna banka Maribor et Nova Ljubljanska banka s’étend profondément dans le tissu du réseau dirigeant de notre économie. La nouvelle équipe a pris les leviers de décision dans la Poste de Slovénie, Dars, les Chemins de fer slovènes et Eles - elle a constitué les nouveaux conseils de contrôle. Néanmoins, elle n’est pas intervenue au sujet de l’administration des entreprises d’intrastructure. À première vue, la politique ne quitte pas l’économie. Fin de l’idéologie ?La nouvelle coalition a surpris par son attitude visant éviter les thèmes aux connotations idéologiques. Si l’équipe a abordé le corps électoral avec des idées de lustration et une rhétorique anticommuniste, aujourd’hui il n’y a pas de telles idées à l’ordre du jour. L’idée de la lustration présentait un lien important de cohésion entre les partis alliés par le programme. Maintenant, cette idéologie commune paraît oubliée. Ainsi, il semble de temps en temps que la coalition a des difficultés pour connaître sa propre idéologie. À entendre le Président du Conseil stratégique pour l’économie Mic Mrkaic et le ministre de la Famille Janez Drobnic, nous n’avons pas l’impression qu’ils habitent la même planète. Se pose la question de savoir comment la nouvelle coalition va-t-elle lier l’idéologie nationale du Parti populaire slovène (SLS) aux impératifs de l’économie ouverte, fondé sur les mécanismes du marché. La coordination sera difficile entre l’idéologie de la Stratégie de Lisbonne, avec l’accent mis sur les connaissances et la recherche, et le projet du ministre de l’Éducation de diminuer le nombre des places dans les lycées au profit des écoles professionnelles. La Slovénie n’est pas assez riche pour qu’elle forme les profils sans trouver de travail. Pourquoi est-ce que cette rhétorique paraît-elle extraordinaire ? Non seulement du fait que les élèves des écoles de profession ne constituent pas les cadres à l’aide de réaliser la Stratégie de Lisbonne mythique. Elle rappelle France Popit (il y a 25 ans) qui a mis en œuvre une formation orientée et a fait s’écrouler les lycées. Si le souvenir historique fonctionne bien chez la coalition au gouvernement, elle doit se rappeler que l’idéologie de la formation orientée ressemble à la rhétorique visant à augmenter les inscriptions dans les écoles professionnelles et à l’écoute des intérêts économiques. Plongeons-nous dans l’histoire. L’idée d’imposer les couples sans enfants, lancée par un membre du Conseil stratégique pour l’économie, était apparue déjà au déclin du régime communiste. Et finalement, la dernière nouvelle. Le ministre de la Culture a supprimé la subvention au groupe Laibach. Cela n’équivaut pas tout à fait à l’interdiction de ce même groupe dans les années 1980. Cependant, il ne faut pas oublier ses rappels historiques. |
![]() Traduit par Elena Malinovska-Visnar Publié dans la presse : 14 janvier 2005 Philosophe et disciple du psychanalyste français Lacan, le dernier marxiste slovène fait le pop de la philosophie et la philosophie du pop. Tout en restant un supporter fidèle du Parti social-démocrate. Par Ursa Matos Les parents de Slavoj sont des athées assermentés. Quand il avait douze ans, son père lui a sévèrement ordonné de lire le Vieux testament pour éviter toute confusion sur son contenu. Slavoj aime beaucoup l’autoritarisme de l’Église comme institution, mais il ne supporte pas le développement des expériences intérieures profondes. Il se déclare ainsi très surpris par la parution de son article sur le contact direct avec l’absolu dans le bulletin allemand catholique, qui a servi de support aux curés pour écrire leurs sermons. « C’est comme d’inviter un pervers à l’éducation des vierges », affirme-t-il en commentaire à cette publication. Malgré ses positions radicalement athées, il va plusieurs fois encore écrire sur le christianisme. Entre autre, il proclame que saint Paul a été le premier léniniste, il reproche aux catholiques leur perversité, à savoir qu’ils considèrent le sacrifice du Christ sur la croix comme une indulgence leur permettant de se vouer aux plaisirs secrets, sans plus encourir aucune peine. Slavoj a été mordu par le virus du cinéma depuis le jour où il a vu pour la première fois Psychose de Hitchcock. Sa collection personnelle comprend des films romantiques soviétiques sur les kolkhoziens à côté du film de propagande nazie « Le juif éternel », interdit en Allemagne. Il rêvait d’une carrière d’un metteur en scène, mais il a changé d’avis après avoir été contaminé par la philosophie. Il est très influencé par Marx, Hegel et Schelling. Avant son inscription à la faculté de philosophie à Ljubljana, il se convertit aux structuralistes français. En 1967, il publie dans la revue Probleme (Les problèmes) une traduction de Jacques Derrida en slovène, et devient par la suite un partisan dévoué du psychanalyste français Jacques Lacan. Disciple de LacanEn août 1968, il observe d’un café sur la place principale à Prague les chars russes entrant dans la manifestation, tout en continuant à manger son gâteau aux fraises. Plus tard, il renonce aux gâteaux à cause du diabète, mais l’enthousiasme de l’autoritarisme le marque. Slavoj s’autodéfinit selon sa structure psychologique comme un fasciste qui aime l’ordre. Ainsi vit-il une déception amère pendant son service militaire à Karlovac, quand il découvre que l’Armée populaire yougoslave (JNA) est en proie au chaos. Il doit gérer les cours politiques pour les soldats. Il profite du cours magistral sur l’idéologie du capitalisme pour projeter des films hollywoodiens. Il vend avec succès aux officiers la théorie selon laquelle l’ennemi idéologique sera mieux reconnu si l’on regarde ce qui ne va pas bien en Amérique dans les films. Pendant que ses contemporains écoutent du punk, Slavoj n’adhère que théoriquement à ce courant, car en pratique, il ne supporte pas trop de bruit. Il est partisan de la théorie selon laquelle on peut tout dire en musique classique à l’aide de cinq instruments, l’orchestre n’étant nécessaire qu’à cause des Américains. Slavoj est une espèce rare dans sa génération car il n’a jamais essayé la marihuana. « Je crois en un vieux commandement de l’UDBA [1], qui rappelait que l’ennemi ne dort jamais, et ainsi je ne peux pas me permettre de perdre le contrôle sur moi-même ». Au début des années 1980, il déménage pour quatre ans en France, où il étudie sous la conduite de son mentor Jacques-Alain Miller, le beau-fils de Lacan et son héritier intellectuel. Bien que membre du Parti communiste, il appartient aussi aux mouvements d’opposition. Il prouve ainsi qu’il est un stratège exceptionnel. Lors d’une réunion du comité du Pen club, il appelle à plus d’action en rappelant : " Faites attention à ce que Lénine a dit :Chaque jour où rien ne se passe, est perdu ". Quand on propose, lors d’une autre réunion du comité, une grève de la faim, il persuade ses collègues que c’est une mauvaise idée, en expliquant que la TV serbe aller constater que tous les Slovènes obèses se mettaient au régime. Pendant l’époque du démembrement de l’ancienne Yougoslavie, il publie des tribunes dans Mladina, où il critique vigoureusement DEMOS et supporte l’Alliance de la jeunesse socialiste de la Slovénie (SZMS, précurseur du parti social-démocrate LDS). Il entre en politique directement en 1990, quand il dépose sa candidature à la Présidence de la République. En vérité, il n souhaite pas entreprendre de carrière politique, et il mine consciencieusement sa candidature en chantant les éloges au dictateur Pol Pot dans des entretiens avec la presse. Les années 1990 marquent son expansion à l’étranger. Il écrit des livres directement en anglais et les publie chez des éditeurs étrangers prestigieux. Ses champs d’intérêt, très larges, vont de Lacan à Hitchcock et Lénine, de l’opéra aux attaques terroristes du 11 septembre, et tous ses livres sont les best-sellers académiques. Commentateur de LénineIl est particulièrement fier de la traduction de son livre Revolution at the Gate, où il recueille et commente l’œuvre de Lénine, qui sera publié à l’aide du fond du parti communiste russe. En 1991, il se voit octroyer le titre d’honneur d’« ambassadeur de la science » et un passeport diplomatique. Mais Slavoj restitue le passeport après quelques mois car, à cause de sa garde-robe qui inclut seulement les tee-shirts de la marque Proleter et des blue-jeans, il affronte beaucoup de problèmes pour persuader le personnel de l’aéroport qu’il n’est pas un terroriste et que le passeport n’est pas falsifié. Tous les deux semestres, il accepte un lectorat dans les Universités américaines. Pour avoir plus de temps pour la lecture, les films et les écrits, il développe tout un système pour éviter les étudiants gênants. Il supprime les heures de consultation obligatoire, et il inscrit des noms fictifs dans l’horaire pour donner l’impression d’être occupé. Dans les Universités, on accepte son comportement comme l’expression de l’excentricité balkanique. Petit à petit, il en a assez du contact avec les étudiants, et il accepte seulement les invitations aux conférences individuelles. 2500 de personnes viennent à sa conférence à Buenos Aires, qui doit se tenir sur la place devant l’Université. À New York, des centaines de personnes restent dehors et menacent de casser les fenêtres. La police doit intervenir. Il a coopéré à plus de 350 symposiums philosophiques, psychanalytiques et culturels en Europe, aux États-Unis, au Brésil, au Mexique, en Israël et au Japon. Même s’il affirme qu’il a pris la distance par apport à LDS et qu’il ne se rend plus aux urnes, qu’il ne suit pas les médias slovènes et que trois minutes d’un bon film lui importent plus que le destin de la Slovénie, il s’engage dans les moments clés et soutient en public LDS comme la seule option politique acceptable. Après la défaite du LDS aux élections de 2004, il défend l’ancien Premier ministre Rop, en soulignant que le problème du LDS, ce n’est pas Rop mais ces « insectes de deuxième classe qui veulent s’assurer, par le sacrifice de Rop, que rien ne change ». Les livres de Slavoj Zizek sont traduits en français aux éditions Climats. |
![]() Nouveau départ pour la politique étrangère
slovène ? Publié dans la presse : 4 décembre 2004 La diplomatie slovène va-t-elle connaître de sérieuses inflexions avec l’arrivée de la droite au pouvoir ? Un engagement en Irak ne semble pas à l’ordre du jour, mais le pays va hériter de la difficile présidence de l’OSCE. La Slovénie se dresserait elle-même un piège en devenant un instrument aux services des Américains au lieu de mener une politique européenne. Par Sasa Vidmajer Les contours de la nouvelle politique étrangère sont devenus plus perceptibles la semaine dernière, lors de la présentation de son programme par le candidat au poste de ministre des Affaires étrangères. Le « nouveau départ avec la Croatie » a attiré le plus l’intérêt public. Le gouvernement propose quelques points de départ pour négocier avec notre voisin, mais rien de bouleversant. Les propos non appropriés, les démarches irréfléchies et la relativisation de l’Accord Drnovsek-Racan ont déjà marqué le mandat du Premier ministre sortant Anton Rop. Ainsi, une dose de maximalisme, propre par principe à la droite et flatteuse pour l’opinion publique, n’a surpris personne. Une certaine discontinuité s’annonce dans les relations avec les États Unis, le positionnement dans l’Union européenne et la Présidence de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. Le ministre sortant des Affaires étrangères Dimitrij Rupel a lu devant le Parlement un exposé de treize pages résumant son aperçu de la politique étrangère slovène. Il a présenté la nécessité d’améliorer les relations avec les États Unis. Nous pouvons difficilement le comprendre autrement qu’un projet de révision des relations slovéno-américaines. Révision des relations slovéno-américaines ?Le rejet slovène de la guerre américaine a été le mérite de Anton Rop, un mérite reconnu même par le Président Janez Drnovsek. Sur l’aspect tranchant élémentaire des relations avec l’État le plus puissant dans le monde, des corrections doivent êtres faites. Et le raffinement auquel on peut s’attendre avec ce gouvernement basculant dans l’autre direction est incertain. « Pendant le prochain mandat, il y aura beaucoup d’opportunités pour améliorer les relations avec les USA », a prévu Dimitrij Rupel. Cependant, face aux questions persistantes de l’opposition, il a mordu la poussière. Il n’est allé plus loin que la mention des visites officielles et des « réunions liées à la Présidence de l’OSCE ». Il fallait lire entre les lignes sur la manière dont la Slovénie se plierait devant les exigences des États Unis. « Dans les relations slovéno-américaines, il n’y a pas de grande marge de manœuvre quand l’on est en Europe », a dit l’ancien ministre des Affaires étrangères. « Il faut développer les relations avec les États Unis à travers l’intérêt européen. Une autre politique ne serait pas convenable ». Le corps diplomatique en Slovénie et à l’étranger rejette l’approche conflictuelle, cultivée par Anton Rop aussi bien que la servilité démontrée par Rupel. Dans l’affrontement entre l’Europe et les États Unis, les professionnels estiment nécessaire que la Slovénie se situe du côté des principes et des institutions du droit international et non pas dans la « nouvelle Europe » créée par les États Unis. « L’intérêt américain pour la Slovénie est négligeable, disons 0,002 %, ainsi il est préférable de rester en liaison avec l’Union européenne que de s’isoler ». Pas d’engagement slovène en IrakCombien la politique étrangère du gouvernement Jansa va-t-elle améliorer les relations avec la politique américaine sans aggraver les relation avec l’opinion publique slovène ? Il apparaît bien que les milieux politiques comprennent qu’ils n’ont pas de mandat public pour participer à la guerre en Irak. « Je ne vois pas de raison pour un autre engagement en Irak », affirme l’ancien ministre qui, au printemps encore, avait conseillé à Anton Rop de se plier aux pressions des Américains pour coopérer en Irak. « La participation slovène sera augmentée à travers les institutions multilatérales, notamment l’OTAN. Cela va troubler la vision », estime un commentateur. Cette direction a déjà été annoncée dans les propos du ministre de la Défense. « Si l’OTAN arrive en Irak, la Slovénie sera obligée de remplir ses obligations ». L’omniprésence des Etats-Unis et l’agenouillement devant la superpuissance est plus dissimulé là où on l’attendrait, à savoir dans les relations slovéno-américaines, et moins cachées là où l’expression des alliances et des affinités politiques est plus floue, au sein de l’OSCE. L’opposition parlementaire est préoccupée par le projet visant à « présenter les dilemmes fondamentaux américaines en relation avec les concepts modernes du public à l’aide de la meilleure diffusion de l’information et la diplomatie publique ». L’accent mis sur le changement de la Présidence de l’OSCE a posé le plus de problèmes. Difficile présidence de l’OSCE en vue« Le rôle de la Slovénie est de remédier à l’image des Présidences antérieures ». Cette remarque manquerait seulement de la modestie si le futur ministre n’attaquait pas aussi la manière de présider l’OSCE des Autrichiens, des Néerlandais et des Portugais. Les spécialistes savent bien que le problème de l’Autriche en 2000 résidait dans les sanctions internationales. Pourtant, la diplomatie autrichienne expérimentée a su achever la Présidence de manière convenable. Et les Pays-Bas se sont profilés avec « une introduction discrète et équilibrée des préoccupations de l’OSCE dans la politique européenne ». « Il s’agit d’une attaque contre trois États membres de l’Union européenne », affirme une source diplomatique. Il est significatif que la même critique a épargné la Bulgarie qui, à l’heure actuelle, préside bien mal l’OSCE. Surtout, si la Slovénie hérite de toutes les difficultés avec le secrétaire général non élu, les représentants spéciaux et le financement, questions non traitées par Sofia. « L’absence d’accusations contre la Bulgarie est compréhensible parce que la politique bulgare est soutenue par les Américains », estiment les diplomates. Grâce à l’abandon discret de l’intérêt américain pour l’OSCE, cette dernière commence à se transformer afin d’occuper un rôle plus important. Tandis que le ministre Ivo Vajgl a souligné que la Slovénie présiderait l’OSCE en accord avec les priorités de l’UE, Dimitrij Rupel prévoit qu’elle le fera en harmonie avec les intérêts américains. « Le rôle de la Slovénie doit être acceptable pour tous, notamment pour les États Unis et la Russie », affirme-t-il. Est-ce que la Slovénie, qui blâme les Pays-Bas, la dirigeante exemplaire et sensible de la politique européenne dans l’OSCE, sera un intermédiaire impartial ? La Présidence de l’OSCE peut devenir un piège. Les limites objectives peuvent la condamner à un mandat technique, la prisonnière des problèmes hérités, des finances jusqu’à la réforme. Mais la Slovénie se dresserait elle-même un piège en devenant un instrument aux services des Américains au lieu de mener une politique européenne. |
Le mardi 07 décembre 2004 La Slovénie prendra la prochaine présidence de l'organisation OSCE À l'issue d'un conseil ministériel de deux jours, le président de l'OSCE pour 2004, le ministre des Affaires étrangères bulgare Solomon Passi, a lu une simple «déclaration», loin du consensus de règle à l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. Des divergences éclatantes entre États-Unis et Russie sur la crise en Ukraine et les conflits dans l'ex-Union soviétique mardi à Sofia ont empêché l'adoption d'un texte final des 55 États de l'OSCE. La déclaration réclame une action commune des États membres d'Amérique du Nord, d'Europe et d'Asie centrale, en particulier contre le terrorisme et l'intolérance. Concernant la lutte contre le terrorisme, un accord s'est
cependant dégagé pour un meilleur contrôle d'Internet, des conteneurs
maritimes, du flux des missiles portables à dos d'homme et des ventes
d'armes légères. |
![]() Privatisations en Slovénie :
l’opération a réussi, le patient est vivant Publié dans la presse : 13 novembre 2004 Le processus de privatisation, amorcé avant même l’indépendance de la Slovénie, a introduit de nouvelles différenciations sociales, et un fort contraste entre les générations, les jeunes ne jouissant pas des protections sociales de leurs aînés. La concentration des richesses est telle que 100 à 300 personnes contrôleraient l’essentiel de l’économie slovène. Par Mija Repovz La disparition de la propriété de l’État et de la propriété sociale est le projet essentiel menant à l’introduction du système capitaliste. Et comme les années qui passent le prouvent, c’est en même temps un projet contradictoire, exigeant et très douloureux du point de vue social. Le processus de privatisation, dont l’opinion pensait naïvement qu’il serait achevé du jour au lendemain après l’effondrement du socialisme, se poursuit encore. La Slovénie a amorcé en partie le processus de la privatisation du temps même de l’ancienne Yugoslavie, cependant ce processus est alors resté entravé. Dans le nouvel État indépendant , on a commencé à le mettre en oeuvre selon la nouvelle législation. Au début des années 1990, seules les entreprises non financières ont conservé la forme de la propriété sociale. Le premier modèle de privatisation des entreprises a été proposé par l’économiste Ivan Ribnikar. Il insistait sur un point de base, à savoir que l’État ne se charge pas du partage des biens - car seulement l’épargne et la production de nouvelles valeurs sont susceptible d’augmenter le volume de l’activité économique et des investissements. Le premier gouvernement slovène, dirigé par la coalition Demos, a confié la préparation de la privatisation des entreprises à l’ancien ministre de l’Économie Joze Mencinger. L’essentiel de la loi Mencinger consista en l’obligation d’acquitter une somme - les acheteurs devaient donc payer pour obtenir les titres des entreprises. Ce modèle devrait assurer surtout le fonctionnement continu. En fait, les entreprises slovènes ont joui d’une grande liberté pendant le socialisme et, grâce à la graduation et aux remises, même les actionnaires locaux pouvaient acquérir des parts dans les entreprises. Quel modèle de privatisation ?Cependant le Premier ministre Lojze Peterle a, malgré tout, invité pendant la procédure législative l’économiste américain Jeffrey Sachs qui a présenté aux députés le modèle de la privatisation en partage multiple, chaleureusement recommandé à cette époque par l’Occident à tous les pays socialistes. La rapidité, la justice et l’établissement des fonds comme des institutions modernes financiers devraient avantager ce mode de la privatisation. Mais le gouvernement a enfin adopté une proposition de compromis sur la privatisation, par une combinaison des modèles proposés - la distribution des certificats d’actions à tous les citoyens de Sachs, la vente interne de Mencinger et la proposition de Ribnikar de transfert des actions au Fonds de capital, destiné aux retraites. La Slovénie est devenue un État avec 1,9 million d’actionnaires dans la période 1994-1999. Le processus avisé de concentration de la propriété fut immédiatement amorcé. Le nombre total des actionnaires a vite chuté, accompagné par une augmentation des parts des propriétaires individuels. La privatisation a ainsi offert une occasion de profit, voire d’enrichissement. La toile d’araignée slovèneLes actions bon marché furent prises par ceux qui avaient de l’argent, les directeurs y voyant un investissement lucratif pour les entreprises qu’ils dirigeaient. C’est pourquoi la structure de propriété en Slovénie, vue de l’extérieur, se présente comme une toile d’araignée, tissée par quelques araignées de manière réfléchie, surtout par les directeurs, qui sont en même temps les copropriétaires des entreprises connues. Cela alimente la théorie selon laquelle la Slovénie serait économiquement dominée par 100, ou au maximum 300 personnes, financièrement puissantes. La conviction qu’une privatisation accélérée aurait des effets rapides et positifs fut une erreur. Ces attentes furent en grandes parties stimulées par les suggestions et les pressions de l’Occident. Les institutions internationales financières ayant un influence réelle sur la politique économique des États (le FMI ou la Banque mondiale), mais aussi l’Union européenne, ont recommandé la plus rapide privatisation depuis la chute du Mur de Berlin. Ils ont consciemment négligé le fait qu’aucun des pays communistes n’avait pas de bourse des valeurs ni d’institutions de contrôle appropriées. Les enjeux de ce processus de privatisation complexe et non maîtrisé dans les pays en transition est bien illustré par la comparaison entre le nombre des quelques 100 entreprises slovènes cotées en bourse, et toutes celles qui ont refusé d’entrer à la bourse, inquiètes par la spéculation et les dépenses liées à la cotation, et désireuses d’acheter à moindre coût des actions. L’appréciation portée sur la privatisation est en principe personnelle. « La Slovénie a opté pour un chemin caractéristique dans toutes les sphères de sa vie politique et économique : reporter les décisions importantes à plus tard. Le mode de privatisation choisi fut un compromis, il n’avait pas d’objectif stratégique clair. Il a crée des zones grises, à cause desquelles la privatisation est très discutable », affirme rigoureusement Andrej Rus, sociologue de l’économie. Selon son opinion, les directeurs ont abusé dans la première période de la privatisation des actionnaires internes. Il trouve aussi douteux le fait que les entreprises ne soient pas entrées en bourse, les directeurs pouvant ainsi racheter les actions de leurs employés à un prix très bas. Différenciation socialeLa privatisation a engendré, comme prévu, une différentiation entre les couches sociales. La population de la plupart des pays en voie de transition, après l’enthousiasme initial, s’est retrouvée démoralisée et apathique, ce qui se reflète par les faibles taux de participation aux élections, les fréquents remaniements gouvernementaux, etc. En Slovénie, les différences sociales réveillent les frustrations, même si la richesse se concentre dans les mains de quelques personnes avec une relative lenteur. Ces frustrations s’approfondissent par la position non équitable des actionnaires, par les affaires et les doutes constants en ce qui concerne la transparence et la légalité de la privatisation. Tout ceci crée un espace pour la démagogie politique, qui a encore intensifié les sentiments de privation. Les jeunes générations se retrouvent dans la pire position, avertit le sociologue Kramberger. « La vielle génération a été plus favorisé quant à la privatisation et, en ce qui concerne l’emploi, elle est protégée par la législation, ce qui n’est pas le cas des jeunes. Ils arrivent sur le marché du travail sous les nouvelles conditions, souvent peu scrupuleuses et bien dures du capitalisme global ». Ce contraste suscite de fortes tensions entre les générations. Dire que les élites changent dans le capitalisme n’a pas de sens. Ces élites ont un monopole dans la société. En Slovénie, elles se sont formés grâce aux dénationalisations et à la privatisation. |
![]() « Les relations entre la Slovénie
et la Croatie sont aujourd’hui dans le pire état possible » Publié dans la presse : 18 octobre 2004 Josip Manolic est une éminence grise de la politique croate, conseiller du Président Mesic et du Premier ministre Sanader. Il s’exprime sur l’état des relations slovéno-croates, après les dernières élections législatives en Slovénie : contentieux frontalier et maritime, adhésion de la Croatie à l’Union européenne, etc. Entretien. Propos recueillis par Jani Sever et Antonio Vidali Mladina (M) : Avez-suivi les élections en Slovénie ? Josip Manolic (JM) : Je les ai suivies, et je peux dire que ces élections furent les plus négatives, les plus sales depuis que je suis, au moins superficiellement, ce qui se passe sur la scène politique slovène. Jusqu’à maintenant, on n’avait jamais traité les problèmes clés des relations slovéno-croates au cours d’une campagne électorale. Cette fois-ci, ces problèmes prédominaient. Ce n’est sûrement pas prometteur pour le futur de nos relations inter-étatiques, qu’il faudra les reconstruire sur la base de l’amitié et de la compréhension. Finalement, nous vivons l’un à côté de l’autre, et cela durera sans doute encore quelques millénaires. Si vous voulez avoir un ami, le voisin s’offre comme le meilleur, mais il peut devenir un ennemi. S’il est un ennemi, les relations sont empoisonnées. Vu dans une perspective historique, la Slovénie, de même comme la Croatie, a échangé le système de parti unique pour un système multipartite, promettant un développement démocratique. Les acteurs de la vie politique, je pense à l’ancien Président slovène Milan Kucan et son équipe, ont joué un rôle très important lors de ce passage. Grâce à leur rôle politique, ils ont joui d’une grande autorité politique, et ce passage a été très harmonieux et maîtrisé, alors que dans les autres républiques de l’ancienne Yugoslavie, il a donné naissance à une crise très complexe, orageuse et même sanglante. L’équipe qui a amorcé positivement le processus de la transformation se trouve maintenant dans un espace politique saturé, la population en a assez. Les événements des années 1989,1990,1991 tombent déjà dans l’oubli, les gens aspirent à quelque chose de mieux, de supérieur, ils désirent encore un nouveau système. M : Pense-t-on en Croatie que la question des relations slovéno-croates a influencé les résultats des dernières élections en Slovénie ? JM : Certains ont affirmé que la conduite de Joras, le chef du Parti national slovène (de franchir la frontière slovéno-croate de Piran, NdT) était morale et digne. Comment un homme aussi extravagant peut-il être défendu ? C’est une sous-estimation du corps électoral slovène, dont je sais qu’il n’est pas immature. Bien sûr, l’opinion slovène est partagée, mobilisée par des intérêts divers, mais la population slovène toute entière comprend les enjeux politiques. Les relations slovéno-croates au plus basM : Pensez-vous que la victoire de Janez Jansa va changer les relations slovéno-croates ? JM : Je pense que non. Les relations slovéno-croates se trouvent aujourd’hui dans le pire état possible. Aura-t-on besoin d’une intervention chirurgicale ou une simple aspirine suffira-t-elle pour la guérison ? Il faudra de toute façon apporter une solution aux problèmes, et le gouvernement de Janez Jansa devra s’y atteler, tout comme le gouvernement croate, qu’il soit dirigé par le HDZ ou le SDP. M : Qu’est ce qui représenterait l’aspirine et qu’est-ce que serait une intervention chirurgicale ? JM : L’aspirine repose sur un accord. Un accord pour atténuer les tensions. L’intervention chirurgicale, c’est l’arbitrage international, mais il laisserait une cicatrice. Cette cicatrice pourrait nous lier plus fortement, peut-être nos intérêts seraient plus unis. Ces intérêts communs furent très intenses dans les années 1989-1991. Nous étions alors du même avis sur les questions essentielles concernant la conduite de nos deux États. La Croatie poursuivait le but de sortir de l’ancienne Yougoslavie, les Slovènes avaient le même objectif. Les problèmes ne sont venus que plus tard à l’ordre de jour. Le temps est-il venu d’un arbitrage international ?M : Est-ce qu’un accord est encore possible et viable ? Les partis croates sont convaincus que le jour de l’arbitrage international est venu, les représentants de SDP en parlent aussi... JM : Nous n’avons réussi à résoudre aucun des problèmes des relations slovéno-croates avec succès. Ainsi, ce dossier empoisonne les relations entre nos deux pays et cela pue. Qu’il s’agisse du contentieux de la Ljubljanska banka, de la centrale nucléaire de Krsko ou des problèmes de frontières, il serait normal de résoudre les problèmes l’un après l’autre. Ces problèmes se sont accumulés en un seul pour créer des difficultés face auxquelles mêmes les politiciens renoncent. M : Est-ce que vous pensez que les Premiers ministres Sanader et Jansa vont se comprendre, sachant que leurs partis respectifs défendent la même orientation politique ? JM : Je pense que les deux partis ne sont pas les mêmes, et il y a une grande différence entre HDZ croate et le parti de Janez Jansa. J’ai l’impression que le parti de Jansa n’a pas de fondement idéologique solide, ni de tradition politique, nous pouvons seulement au conditionnel parler son rôle étatique. En Croatie, c’est le contraire : le HDZ a joué un rôle étatique et il a fondé sa politique pendant une décennie sur cet argument. Ensuite, il a perdu les élections, mais il a encore insisté sur les principes du HDZ d’origine. « La Croatie est reconnaissante envers Janez Jansa »M : Avez-vous coopéré avec Janez Jansa dans les années 1990 pour les fournitures d’armes à la Croatie ? JM : La Croatie est très reconnaissante envers Janez Jansa, qui était alors ministre de la Défense dans le gouvernement slovène. Nous sommes reconnaissants, parce que c’est grâce à son mérite que la Croatie, exposée dans cette période très difficile aux attaques serbes et de l’Armée yougoslave, a disposé des moyens nécessaires pour sa défense. M : Est-ce que vous pensez que la Slovénie et la Croatie peuvent vivre avec des problèmes non résolus pendant 50 ans, comme par exemple l’Allemagne et les Pays-Bas, qui ont une frontière maritime une frontière maritime non délimitée ? JM : Comme je suis démocrate, je suis convaincu qu’on pourrait résoudre les problèmes d’une manière pacifique. Mais nous devons savoir à quoi nous en tenir : vous pouvez aller jusqu’à ce point, nous jusqu’à un autre. Nous ne pouvons pas nous occuper tous les jours des querelles des pêcheurs. Cela n’est pas une solution. Quelle place pour les entreprises slovènes en Croatie ?M : Qu’est-ce que vous pensez de l’investissement des entreprises slovènes en Croatie ? Nos entreprises sont désireuses d’investir, mais elles font souvent face aux problèmes. L’exemple de Suncani Hvar est le plus connu... JM : Cela relève d’un manque d’habileté et d’une certaine confusion du côté croate... Cette confusion apparaît aussi dans les relations envers les investisseurs des autres pays. La privatisation du groupe hôtelier Suncani Hvar a fait resurgir les rancoeurs contre les Slovènes, et cela constitue une pièce de plus dans la mosaïque des problèmes accumulés dans les relations slovéno-croates. M : L’Europe se préoccupe avant tout de la consolidation de l’élargissement, mais elle doit aussi éliminer les problèmes apparus. Si l’adhésion de la Croatie était remise à plus tard, qu’est-ce que cela représenterait pour les relations slovéno-croates ? Une détérioration ? JM : Non. Sûrement, nous souhaitons tous entrer le plus tôt possible dans l’Europe car cela implique un règlement des problèmes non résolus. Nous le désirons sans aucun doute et, pour cela, les spéculations sur l’opposition de la Slovénie à l’entrée de la Croatie à l’UE sont infondées, elles ne respectent pas la situation réelle des relations ni des processus politiques en Europe. Malgré tout, je suis convaincu que les désaccords peuvent se résoudre avec de l’aspirine, et pas par une intervention chirurgicale. |
![]() Slovénie : la citoyenneté en
question Publié dans la presse : 15 mars 2004 Deux référendums hautement symboliques sont organisés dimanche en Slovénie, à moins d’un mois de l’entrée formelle du pays dans l’Union européenne. Les électeurs de Ljubljana doivent se prononcer sur la construction d’une mosquée dans la capitale slovène, et ceux de tout le pays sur la restitution des droits des personnes qui ont été « effacées » des registres de résidence après l’indépendance. Par Ali H. Zerdin « C’est le seul enjeu ! » déclarait lors d’une émission le Dr. Miha Brejc, vice-président du Parti social-démocrate (SDS). Il s’agit de savoir si la Slovénie va réparer les injustices commises envers tous les effacés ou non, c’est-à-dire seulement ceux dont la vie a été empoisonnée après l’indépendance, ou bien aussi les anciens officiers de l’Armée populaire yougoslave (JNA). « Pas les anciens officiers de l’armée fédérale ! » répond le Dr. Brejc, un des signataires de la proposition de référendum, très convaincu. « Nous ne sommes pas d’accord avec le fait que ces 450 officiers, peut-être plus, obtiennent ce qu’ils ne méritent pas - ils sont intervenus contre nous ! » Voilà donc l’objet du référendum qui aura lieu le 4 avril : les « 450 officiers » auront-ils les mêmes droits que les autres « effacés » des registres de la citoyenneté slovènes ? Bonne question. Il y a un mois et demi, au moment où le débat faisait rage, le chef du SDS Janez Jansa soutenait que les injustices s’étaient produites à l’endroit « de quelques femmes de ménage illettrées ». Autrement dit, le nombre de 18 305 effacés dissimulerait un bataillon d’ennemis, une division de spéculateurs et une foule de bons à rien. Maintenant que les histoire réelles de plusieurs effacés sont devenues publiques, il s’avère que ce chiffre ne compte pas seulement des « femmes de ménage illettrées », mais aussi des entraîneurs de football. Certes, il y a des officiers de la JNA, mais aussi des vétérans de la guerre d’indépendance parmi les effacés. Il y a des Slovènes de souche, génétiquement non modifiés, ainsi que des Rroms parmi les effacés. Et des Bosniaques, des Serbes, des Hongrois, des Croates, des Albanais et des Monténégrins. Tout d’abord, il faut savoir à quoi le référendum peut servir. Ce référendum jouera-t-il sur des indemnisations potentielles ? Non. Le référendum ne changera rien à d’éventuelles indemnisations. Si une personne pense que l’État lui a causé un tort quelconque, elle peut porter plainte contre l’État dès aujourd’hui. Le plaignant n’a besoin ni des résultats du référendum ni de la loi. La Constitution et la jurisprudence de la Cour constitutionnelle sont suffisantes. Puisque la Cour constitutionnelle a statué en 1999 que l’effacemment était illégal, il est évident que tout dommage reconnu subi dans ce contexte est la conséquence du comportement illégal de l’État. Le plaignant doit seulement prouver qu’il a subi un dommmage suite à la démarche de l’État. Il faut aussi prouver que ce dommage a effectivement été causé par l’effacement. Les personnes ayant subi des dommages peuvent déposer une plaintes pour recevoir des indemnisations depuis longtemps. Comme les informations sur les indemnisations susceptibles d’être payées par l’État font défaut, il est probable qu’elles ne s’élèveront pas à des milliards d’euros. Les officiers effacés de la JNA peuvent-ils réclamer le paiement de leur salaire par l’État ? Non, car ils ne pourront pas prouver qu’ils ont perdu leur salaire en raison de l’effacement : la JNA s’était déjà retirée de Slovénie en octobre 1991. Après octobre 1991, personne ne pouvait toucher en Slovénie un salaire de la JNA, laquelle s’était désintégrée. L’effacement n’y est pour rien. Il serait plus aisé de prouver que la perte de ses droits au régime d’assurance santé est dû à l’effacement. Alors, pourquoi un référendum ? Imaginons que la personne YY a été effacée en février 1992 du registre de la population slovène. Cinq ans plus tard, en février 1997, YY obtient le statut de résident permanent. YY dispose donc aujourd’hui du statut de résident permanent en Slovénie depuis sept ans. Or, la Cour constitutionnelle a décidé que l’État doit également conférer aux effacés le statut de résidents permanents durant la période problématique. Cela signifie que YY dispose maintenant d’un statut de résident permanent depuis douze ans, et non sept. Bref, la question centrale du référendum est la suivante : faut-il accorder à YY, dont le nom a été supprimé des registres pendant cinq ans et qui a obtenu par la suite le statut de résident permanent, ce même statut de résident permanent pour la période où YY avait disparu des registres ? À quoi peut servir le changement de statut légal d’une personne au cours de cette période ? La demande d’acquisition de la citoyenneté slovène est possible seulement après 10 ans de résidence permanente : la modification du statut de la période d’effacement peut donc accélérer considérablement le processus. Toutefois, l’État se réserve le droit de ne pas émettre un avis positif suite à la demande d’acquisition de citoyenneté. Si le demandeur ne connaît pas la langue, est sous le coup d’une procédure criminelle où s’il peut représenter une menace pour la sécurité nationale, l’État peut émettre un avis négatif. En clair, des indemnisations seront payées uniquement aux effacés qui prouveront avoir subi un dommage spécifique directement causé par la décision illégale de l’État. De plus, la citoyenneté slovène ne sera octroyée que dans le cas où l’État ne fera pas usage de son pouvoir discrétionnaire pour rejeter la demande. Ceci dit, la confusion entourant le référendum et les officiers de la JNA qui ont participé à l’agression contre la Slovénie soulève une autre question. Plus d’une douzaine d’années s’étant écoulées depuis le conflit, il est étrange de voir la menace des officiers de la JNA ressurgir. La semaine dernière, nous publiions des informations selon lesquelles quelques officiers de la JNA, ayant pris part en juin 1991 à des actions sur le terrain contre l’intégrité de la Slovénie, avaient été recrutés par la nouvelle Armée slovène alors que le Ministre de la Défense était nul autre que Janez Jansa - l’initiateur du référendum sur les effacés... La contradiction est plutôt étonnante. Du point de vue de la sécurité nationale, il s’agit de deux choses incomparables. Le statut de résident permanent d’une personne dans la Slovénie de 2004 constitue une menace négligeable à la sécurité nationale. Par contre, si un officier ayant participé en 1991 aux opérations sur le terrain contre la Slovénie avait occupé, grâce à la signature du Ministre de la Défense, le poste d’adjoint au chef d’état-major des forces blindées, les conséquences hypothétiques sur la sécurité nationale auraient été beaucoup plus grandes. La situation à la fin de 1991 était très différente de celle d’aujourd’hui. Par exemple, Vukovar a été détruite en décembre 1991. La guerre en Bosnie n’avait pas encore éclaté. Sait-on bien à qui l’on a affaire à Ljubljana, dans un Ministère de la Défense qui a recruté plusieurs anciens officiers de la JNA ? Probablement pas. Car on a bel et bien placé un officier ayant joué indubitablement un rôle important dans l’agression contre la Slovénie au sein de l’état-major naissant de l’armée slovène pour lui confier la direction des forces blindées... Que les services de sécurité n’aient pas jugé opportun de passer au crible les personnes employées dans l’Armée slovène depuis sa création en 1991, en particulier les tankistes, est bizarre et laisse pour le moins songeur. Les initiateurs du référendum parlent seulement de « 450 officiers ». C’est inexact. Une partie des officiers fut effectivement effacée. Mais d’autres furent recrutés par le ministère de la Défense. Et leur contrat a été signé par l’initiateur du référendum... (Correction : Stéphane Surprenant) |
![]() La Slovénie s’ouvre aux
investissements étrangers Publié dans la presse : 8 mars 2004 Il y a quelques années, la Slovénie figurait parmi les pays les plus fermés aux investissements étrangers. Mais les choses prennent un tour de plus en plus différent. Par Miha Stamcar et Vanja Pirc L’Autriche est le pays qui investit le plus en Slovénie - et de loin. Du moins officiellement. D’après les données de la Banque de Slovénie, nos voisins du nord ont investi plus de 1 milliard d’euros en 2002, soit le tiers de tous les capitaux étrangers entrés au pays. Et les autres ? Les investissements non autrichiens atteignent de toute évidence des niveaux nettement moins élevés. Manque de transparenceNéanmoins, tout n’est pas si simple. S’il y a chez nous beaucoup d’informations disponibles portant sur les investissements venus de l’extérieur, très peu sont vraiment fiables. Et comment savoir lesquelles le sont quand la plupart des données en circulation omettent des détails essentiels, comme la source ou encore des chiffres précis ? Et que d’autres données se contredisent carrément ? Par exemple, malgré le fait que la Banque de Slovénie considère que les investissements autrichiens représentent le tiers de tous les investissements étrangers en Slovénie, nous pouvons trouver d’autres informations selon lesquelles près de la moitié de ces investissements serait autrichiens... Que des informations douteuses suscitent la confusion, l’exemple récent de la Bosnie-Herzégovine en témoigne. Au mois de février, l’ambassadeur autrichien en BH, Gerhard Jandl, déclarait que l’Autriche était devenue, à hauteur de 500 M€, le plus grand investisseur étranger en BH, dépassant la Slovénie. Quelques jours plus tard, la Chambre du Commerce extérieur de Bosnie offrait des informations complètement différentes : la Croatie s’y classait première, devant l’Autriche et la Slovénie... Les informations de la Banque de Slovénie sur les investissements autrichiens en Slovénie sont peut-être les seules valables. Quant aux données plus détaillées décrivant les entrées de capitaux autrichiens, elles constituent chez nous un secret bien gardé. Quelles entreprises autrichiennes investissent-elles en Slovénie ? Dans quelles entreprises slovènes injectent-elles de l’argent ? Et surtout, de combien s’agit-il exactement ? Malheureusement, nous ne pouvons que spéculer. Ni la Chambre de Commerce de Slovénie, ni l’Agence de Slovénie pour la Promotion économique et les Investissements étrangers ne peuvent identifier les plus grands investisseurs autrichiens... Des Autrichiens possèdent plus de 700 entreprises en Slovénie, dont 10 % de filiales et de représentants divers. Curieusement, on inclut parmi les entreprises autrichiennes n’importe quelle entreprise non originaire de ce pays : par exemple, la firme allemande Henkel, parce qu’elle a utilisé sa division Henkel Austria pour pénétrer notre marché. Le vice-président de la Chambre de Commerce slovène pour la Coopération économique internationale, Cveto Stanti, explique pourquoi l’Autriche est le premier investisseur étranger en Slovénie : « Le plus important me semble le fait que leurs gens d’affaires aient su cerner leurs intérêts sur le marché slovène immédiatement après l’indépendance - tandis que les autres pays nous voyaient encore comme une partie des Balkans, instables, où les risques étaient élevés. » L’occasion autrichienneLa présence accrue de capitaux étrangers soulève jusqu’à maintenant deux sortes de critiques. La première concerne les privatisations, la deuxième le fait que les investissements étrangers ciblent très souvent le secteur tertiaire, le commerce, le système bancaire et les télécommunications. Le recteur de l’Université de Ljubljana, le Dr. Joe Mencinger, estime que la Slovénie a été relativement préservée des capitaux venus de l’extérieur - ce qui explique le mécontentement des investisseurs étrangers face au processus de privatisation slovène. « C’est le signe que la privatisation s’est plutôt bien déroulée ! » affirme Mencinger, qui ajoute que la transition offre à l’Autriche de belles opportunités d’affaires : « Cela vaut non seulement pour la Slovénie, mais pour tous les pays de l’Est. Les Autrichiens l’ont compris rapidement grâce aux liens passés et à leur proximité géographique. Eux-mêmes admettent en profiter largement. Des études démontrent que le rendement sur le capital dans les pays de l’Est est le triple de celui qui prévaut ailleurs. C’est lié à la privatisation : les étrangers ont acquis des entreprises à bon marché. » Les Autrichiens savent que le marché slovène est limité vu le nombre d’habitants. Mais une grande population ne signifie pas nécessairement un grand marché : les gens peuvent être pauvres. « La Slovénie était trop petite pour les grandes multinationales, mais aussi son niveau de vie est trop élevé et sa main d’oeuvre trop chère » soutient Mencinger. Le Chef du Comité parlementaire pour la politique étrangère et observateur au Parlement européen, Jelko Kacin, note les politiques protectionnistes périodiques de nos voisins. « Les capitaux autrichiens sont traditionnellement présents en Slovénie pour des raisons historiques très simples. Premièrement, la Slovénie a fait partie de l’Empire austro-hongrois, où elle était soumise à Vienne mais pas à Budapest. Deuxièmement, les Autrichiens savent que la Slovénie comptait, à l’époque de l’ancienne Yougoslavie, pour un quart du PIB et plus du tiers des exportations. » Le conseiller commercial autrichien en Slovénie Georg Krauchenberg ajoute d’autres motivations à la présence d’Autrichiens en Slovénie : « La proximité géographique du marché slovène est primordiale pour les entreprises autrichiennes. Pour nos petites et moyennes entreprises, la Slovénie constitue sans aucun doute un marché important. Votre main d’oeuvre est qualifiée, de bonne qualité et digne de confiance. Je suis persuadé qu’avec l’entrée prochaine de la Slovénie au sein de l’UE, beaucoup d’entreprises autrichiennes tenteront de se tailler une place sur ce nouveau marché. Dans un futur plus lointain, nous espérons que des régions voisines vont coopérer plus étroitement et que, par exemple, les Steiermark autrichien et slovène puissent se présenter en tant que région économique unique » dit-il d’un ton optimiste. (Correction : Stéphane Surprenant) |
![]() Quelles perspectives pour
l’agriculture slovène après l’intégration européenne ? Publié dans la presse : 13 février 2004 Le ministre de l’agriculture, Franc But, prêche l’optimisme, en soulignant que les marchés du sud, notamment ceux de l’ancienne Yougoslavie, seront toujours ouverts aux producteurs slovènes. C’est oublier que ces marchés seront aussi ouverts pour les 25 membres de l’Union européenne... Et la Slovénie tarde toujours à harmoniser sa législation vétérinaire. Par Marjeta Sostaric Le ministre de l’Agriculture slovène essaie de défendre en public un optimisme sans faille, en assurant qu’il n’existe aucune raison de panique. Mais Franc But cache mal son angoisse quand il sauve au dernier moment ce qu’il est possible de sauver avant que la Slovénie ne devienne membre de plein droit de l’Union européenne. Même s’il est impossible de nier que beaucoup de travail a été accompli dans les domaines de compétence du ministère de l’Agriculture, de l’alimentation et des forêts, Bruxelles lance pourtant des avertissements sérieux. La menace d’interdiction de vente des produits alimentaires hors des frontières de la Slovénie, même faisant partie composante de la carte de la grande Europe, est désagréable non seulement pour le ministre, désireux d’entrer au Parlement européen, mais pour tout le pays. Dans l’incertitude à cause de l’isolement du marché, de bons producteurs des produits alimentaires, adaptés depuis longtemps au marché européen, devraient, passé le 1er mai, payer le prix de l’incompétence des bureaucrates de l’État à propos des réglements exigées par la législation europénne, de l’incapacité du ministre et de ses secrétaires d’État à donner des lignes directrices et à accélerer la mise en conformité de la théorie et de la pratique. Mais le ministre qui a au moins compris qu’il avait peu de temps pour tenir les promesses faites aux eurocrates de Bruxelles, à savoir que la Slovénie rattrapperait en un mois et demi ses retards sur l’adoption de la législation vétérinaire, est très optimiste. Ainsi, il s’attend à ce que l’Union européenne nous accorde les droits privilégiés relatifs à la vente des produits alimentaires sur les marchés du Sud. Ces marchés représentent le voie du salut pour les produits alimentaires slovènes, si le pays était assujetti à une limitation de ses ventes sur le marché communautaire. Accès privilégié aux marchés ex-yougoslavesComment pourrait-on autrement comprendre les pronostics de Franc But, qui affirme que les conditions des échanges avec ces régions, surtout avec la Macédoine et la Croatie, sont déjà réglées et qu’après l’expiration des accords bilatéraux avec ces États, rien ne changera pour les exporteurs slovènes. Ce qui est valable aujourd’hui devrait l’être selon les accords conclus entre l’UE et les États mentionnés. Selon l’opinion du ministre, cela sera plus difficile dans le cas des autres pays, car l’Union ne prévoit pas d’accords pour des motifs politiques. La théorie vendue par Franc But est pleine de trous. Il parle des quotas sur lesquels comptent les producteurs slovènes après le 1er mai 2004 et il va insister même après l’introduction de ces quotas, sur la prise en compte des accords bilatéraux avec les pays de l’ex-Yugoslavie dans les quotas européens. Il « oublie » cependant que les producteurs des 25 États membres seront inclus dans ces accords, aux conditions douanières les plus favorables. Les marchés du Sud sont intéressants pour tous les autres États candidats ou déjà membres de l’Union européenne. Il serait donc ridicule de s’imaginer que la Slovénie va jouir d’un statut spécial et d’un traitement particulier dans la politique commerciale commune de l’Union. Pour être un lobbyiste convaincant, le ministre devrait inviter à des déjeuners et des dîners officiels des personnalités qui comptent en Europe, pas seulement le Commissaire pour l’Agriculture et la Pêche, l’autrichien Franz Fischler. Malgré sa réputation, le domaine des échanges avec les pays tiers ne fait pas parti de son mandat. Le côté slovène lors de ses dernières tentatives de pression n’a pas encore trouvé l’adresse la plus appropriée pour défendre les intérêts slovènes avec le Commissaire responsable du commerce, Pascal Lamy. On ne sait pas si les débats avec ce commissaire apportent quelque chose, mais les prévisions voire les promesses de Franc But sur des compensations à l’exportation par l’ouverture aux marchés des pays tiers après l’entrée dans l’Union ne tiennent guère la route. Il reste muet ou oublie la règle selon laquelle l’UE aide avec ces compensations ceux qui sont moins chers pour elle et qui exportent avec des subventions plus basses. Le pouvoir concurrentiel (quant au prix et au professionnalisme), des entreprises slovènes en comparaison avec les grands dans l’UE, est probablement clair même au ministre. Il garde le silence sur le montant des compensations européennes qui, pour la plupart des produits, est plus bas que celui payé par le ministère du Budget aux producteurs slovènes, ce qui contribue à maintenir leur caractère faiblement concurrentiel et à freiner leur nécessaire restructuration. |
![]() Slovénie : d’abord l’Europe,
ensuite l’euro Publié dans la presse : 24 janvier 2004 La Slovénie pourrait adopter l’euro vers 2005, peu de temps après les trois pays baltes. Mais le processus d’adoption de la monnaie unique, défini par Bruxelles, est parsemé d’écueils pour les pays candidats, qui abandonnent le contrôle du taux de change de leur devise au risque de pâtir de grandes manoeuvres spéculatives sur leur monnaie nationale. Par Mija Repovz Il y a quelques années, l’ensemble des pays candidats à l’Union européenne entendaient adopter l’euro au moment de leur intégration. Aujourd’hui, trois mois avant l’élargissement officiel de l’Union, seules la Slovénie et l’Estonie ont officiellement communiqué à l’Union leur intention d’adopter rapidement la devise européenne, alors que la Lituanie, la Lettonie, Malte et Chypre l’ont fait de façon officieuse. Les autres pays entreprendraient cette démarche entre 2008 et 2010, voire plus tard. « Auparavant, quand le processus d’intégration à l’Union européenne était encore lointain, les pays candidats ne savaient pas encore comment cette démarche allait se dérouler réellement, et les instances européennes n’avaient pas de règles clairement définies. Ainsi, tous estimaient que l’adoption de l’euro faisait partie du processus d’entrée à l’Union européenne, affirme Vladimir Lavrac, chercheur à l’Institut d’analyses économiques et jusqu’à tout récemment membre du Conseil d’administration de la Banque centrale [slovène]. Dans la deuxième phase, l’UE a fixé plus clairement les critères d’adoption de l’euro : les pays candidats se sont alors rendus compte que ce processus est de longue durée. Il faut compter trois étapes : tout d’abord l’adhésion à l’Union, ensuite l’entrée dans le ERM 2 (Exchange Rate Mechanism), « salle d’attente » pour la zone euro, et enfin - si le pays réussit tous les examens - l’adoption de l’euro. Aujourd’hui, l’Union européenne a commencé à émettre des signaux négatifs à l’égard des pays candidats, et suggère aux nouveaux membres de retarder leur intégration à l’Union monétaire du fait de leur degré de développement relativement inférieur. Prenons en compte le problème de la différence dans le développement. Selon les prévisions de l’hebdomadaire Economist, les pays susceptibles de joindre l’Union avant 2007, donc Bulgarie et Roumanie incluses, vont rattraper les Etats membres riches dans seulement 50 ans. La Slovénie pourrait, selon les calculs, rattraper les Quinze dans 31 ans. Damjan Kozamerik, chercheur au Centre de recherche et d’analyse de la Banque de Slovénie, estime que le retard de la Slovénie sur les pays développés pourrait diminuer plus rapidement en cas de développement suivant le modèle irlandais - avec l’aide d’investissements importants. Mais peu importe : la Slovénie est aux prises avec un dilemme cornélien : soit elle accélère le processus de développement économique pour rejoindre le plus rapidement possible les autres Etats-membres, au risque de ne pas satisfaire tous les critères de Maastricht nécessaire à l’adoption de la devise européenne ; soit, à l’inverse, elle adopte des politiques économiques lui permettant de rejoindre au plus vite la zone euro, mais devra alors se passer de certaines réformes qui lui permettraient de stimuler l’économie nationale plus rapidement. L’histoire récente des nouveaux pays membres le confirme aussi. On peut financer le progrès rapide par une épargne nationale élevée, à l’aide de moyens financiers issus de l’étranger, ou par une combinaison des deux. La première alternative est difficile et politiquement impopulaire. L’accélération du progrès à l’aide du financement de l’étranger est, à l’inverse, plus « confortable », mais également risquée : la dépendance excessive aux économies étrangères a causé aux pays susceptibles d’amorcer les procédures pour l’adhésion à la zone euro des difficultés économiques certaines. Le groupe des grands pays candidats -République tchèque, Pologne, Hongrie - a soudainement pris conscience de l’impossibilité de satisfaire au critère fiscal, l’une des conditions pour l’adoption de l’euro. Et tous trois connaissent également des déficits budgétaires excessifs. La situation des petits pays - les trois pays baltes, la Slovénie et, bien sûr, Malte et Chypre - est nettement différente. Selon les pronostics du gouvernement et de la Banque centrale, la Slovénie devrait entrer dans l’ERM 2 à la fin de cette année, et elle adopterait l’euro en 2005. Elle fait office d’exemple pour les autres pays candidats : encore récemment, la Slovénie souffrait d’une inflation élevée et d’un taux de change fluctuant contrôlé. Vladimir Lavrac estime qu’à cause, justement, de l’inflation élevée, la Slovénie paraissait plus éloignée de l’euro que n’importe quel pays candidat. Mais seulement en apparence. En fait, suivant les autres critères, la Slovénie est un bon candidat - le déficit budgétaire est nettement inférieur au plafond défini par le Traité de Maastricht, et la balance des paiements est positive. La politique menée en commun par le gouvernement et la Banque centrale a aussi ramené l’inflation sous les 5,1 % à la fin de 2003, comme prévu. Contrairement aux pays baltes qui devraient entrer dans la salle d’attente de l’euro le 1er mai 2004, la Slovénie a pris un peu plus de temps. L’UE estime que cette procédure d’adoption de l’euro à travers le mécanisme ERM 2 est sûre et efficace. Cependant, les économistes mettent en garde : les pays en salle d’attente sont exposés à de nombreux risques : « Comment faut-il se comporter dans les cas de grands flux de capital spéculatif, qui oriente le taux de change à la hausse ou à la baisse, tandis que le pays n’a pas assez de réserves ou manque d’instruments pour surveiller et maîtriser ses chocs ? », demande Vladimir Lavrac. Bref, le mécanisme ERM 2 n’est pas souhaitable pour les nouveaux membres, puisqu’il exige l’introduction d’un taux de change fixe, mais sans arsenal pour le défendre. « Il faut voir les avantages et les inconvénients. Les avantages sont d’ordre macroéconomique et microéconomique : dépenses plus faibles et plus grande intégration dans l’UE. La faiblesse consiste dans le fait le pays perd son indépendance monétaire et le contrôle du cours de sa devise. Malheureusement, on ne peut pas chiffrer les avantages et les inconvénients », regrette Lavrac... |
![]() Intégration européenne : la
Slovénie et ses voisins Publié dans la presse : 3 février 2004 Jusqu’à présent, la diplomatie slovène n’a guère prêté d’attention à ses voisins balkaniques. Avec l’intégration européenne, de nouvelles responsabilités régionales attendent le pays, alors que la Serbie et la Croatie semblent revenir en arrière. Par Davor Gjenero Le statut de membre de l’Union européenne implique de nouvelles obligations et de nouveaux critères pour les responsables de la politique étrangère de la Slovénie. Jusqu’à récemment, les relations entre la Croatie et la Slovénie étaient « exclusivement bilatérales », la Slovénie n’était pas concernée par les processus qui se déroulaient au sud de ses frontières. Quand la vague de la démocratisation a submergé les « Balkans occidentaux », en 2000, et que les régimes nationalistes se sont écroulés en Croatie, en Bosnie-Herzégovine et en Serbie, la Slovénie n’avait aucun mérite dans ces événements. Les litiges bilatéraux entre la Slovénie et la Croatie tudjmannienne ne furent pas importants pour les relations « globales » dans la région. Retour en arrièreLa région est aujourd’hui sujette à une forte vague de retour en arrière. En Bosnie-Herzégovine, les partis nationalistes sont de nouveau au pouvoir, les résultats des réformes de la coalition démocratique presque invisibles. En Serbie, les radicaux constituent la fraction politique la plus puissante, et l’ancien « bloc démocratique » risque de s’allier avec le parti de Milosevic pour constituer le pouvoir exécutif. En Croatie, l’Union préélectorale des nationalistes du HDZ de Tudjman et du Parti néo-fasciste croate du droit (HDZ) a obtenu la majorité en Croatie, même si les pressions internationales ont dissuadé le dirigeant des « tudjmanistes », Ivo Sanader, de constituer un gouvernement avec les néo-fascistes. Cependant, aucun parti démocratique siégeant au Parlement ne participe au gouvernement minoritaire du HDZ. Ce gouvernement minoritaire s’efforce de donner l’impression à l’étranger que sa politique est en continuité avec celle du gouvernement précédent de la gauche libérale. Ivo Sanader et ses nationalistes sont ainsi traités dans l’arène international comme Vojislav Kostunica en Serbie - c’est-à-dire comme une option politique avec laquelle on peut nouer un dialogue, mais avec des réserves et de la méfiance. Pourtant, la Croatie représente la dernière zone de stabilité relative. Par rapport au reste des Balkans occidentaux, on la présente comme une « success story ». La démilitarisation de la société après l’écroulement de la dictature de Tudjman est ainsi, malgré tout, plus profonde que les changements intervenus en Serbie après la chute de Milosevic. Les réformes économiques, ces quatre dernières années, ont limité la domination politique sur l’économie. Après des années d’isolement économique, la Croatie est plus intégrée à l’Europe que les autres pays des Balkans occidentaux. Pendant la campagne électorale aucun parti politique n’a préconisé l’euroscepticisme et ne s’est opposé à l’idée de l’entrée de la Croatie dans l’Union européenne. Malgré le fait que le HDZ a refusé pendant son règne toutes les possibilités d’intégration et a, dans l’opposition, multiplié les obtacles contre les premiers pas du dialogue institutionnel avec l’UE (surtout lors de la ratification de l’Accord de stabilisation et d’adhésion en mai 2002), il s’est désormais adapté aux nouvelles circonstances et souhaite se présenter comme un parti « pro-européen ». Les nouvelles catastrophiques qui arrivent de Belgrade soufflent comme le vent dans le dos du gouvernement Sanader sur l’échiquier international. Malgré la méfiance, la porte lui reste toujours ouverte, parce que l’isolement, dans une situation où les néo-fascistes jouissent du soutien de plus de 10% du corps électoral, serait un pari dangereux pour la politique globale du « nationaliste modéré ». Tandis que le gouvernement d’Ivo Sanader est présenté à l’étranger comme « conservateur mais pas aussi nationaliste » que celui de feu Tudjman, l’euroscepticisme augmente visiblement dans le pays, surtout à cause du changement de la rhétorique (mais pas de la relation réelle) envers la communauté minoritaire serbe. Il y a deux mois, seulement 7% des électeurs se déclaraient sceptiques envers l’intégration européenne, mais d’après les sondages d’opinion publique réalisés en janvier, 20% des sondés trouvent désormais que l’entrée de la Croatie dans l’UE serait nuisible pour le pays. Compte tenu du fait que le sentiment pro-européen est en Croatie une notion "mythique", une idéologie dépourvue de substance, et que l’Europe est perçue seulement comme le symbole d’un niveau de vie élevé, il est clair que la hausse des prix parallèle à la normalisation du système économique et politique croate selon les critères de l’Union va se traduire par une résistance accrue envers l’européisation. Ivo Sanader est-il vraiment attaché à l’objectif européen ?Selon toute vraisemblance, les analystes européens voient clairement les implications de la « stratégie européenne » d’Ivo Sanader. Le but du gouvernement est un avis positif de la Commission européenne sur la candidature de la Croatie. Ensuite, le gouvernement va « geler » les ambitions européennes et pendant la période où l’Union sera occupée par l’intégration des dix nouveaux membres, le HDZ établira un régime en accord avec ses valeurs. En cas de perte de l’appui des minorités, le gouvernement va probablement se maintenir grâce au soutien de ses alliés naturels, les néo-fascistes. Et comme le scénario de Sanader n’est « inconcevable » que pour les analystes croates et les dirigeants de l’opposition, mais pas pour la Commission européenne, la porte restera ouverte. Même les propos du nouveau ministre des Affaires étrangères Zuzul, qui affirme que la Croatie mènera une politique étrangère semblable à celle de la Pologne, n’ont pas été dénoncés, alors que le commissaire Verheugen avertit que la Pologne risque de glisser dans l’isolement à l’intérieur de l’Union. Il est paradoxal que la perte de toutes les ambitions européennes croates n’entraîne pas en ce moment la chute des options politiques nationalistes dans ce pays. Au contraire, cela les renforce. Malgré tout, l’Union ne peut pas admettre que la Croatie prenne la route de la Serbie au niveau de la rhétorique politique explicite, et elle prête à faire des « concessions » à la Croatie, et elle le fera tant que le discours politique restera « pro-européen ». L’administration précédente a « cohabité » avec une administration publique et un appareil répressif, dont les employés avaient été recrutés pendant le régime de Tudjman. Le gouvernement précédent était incapable de s’acquitter de la « lustration » des valeurs nationalistes, dont cet appareil était imprégné et le soustraire au patronage des dirigeants nationalistes. Contrairement à son prédécesseur, Ivo Sanader a facilement établi son contrôle absolu sur cet appareil. Il est intéressant de noter que la Procureure générale du TPI de La Haye Carla del Ponte, a récemment déclaré qu’elle était en possession à l’automne dernier d’informations prouvant que le criminel de guerre fugitif Ante Gotovina se cachait en Croatie. Maintenant, elle ne dispose plus d’aucune information sur celui-ci. Nous savons par les médias que les nouvelles du fugitif provenaient de fuites des services de renseignements en Croatie, après le changement de pouvoir, le temps de ces « fuites » de documents confidentiels, qui faisaient partie du folklore politique sous l’administration Racan, est révolu. Il est ainsi intéressant que l’hebdomadaire Globus ait publié quelques documents émanant du ministère slovène des Affaires étrangères sur le changement de la politique slovène à l’égard de la Croatie, ces documents ayant probablement été acquis auprès des services de renseignement croates. En fait, le ministre des Affaires étrangères Zuzul et le Premier ministre Sanader ont donné exprès une gifle au ministre slovène des Affaires étrangères Dimitrij Rupel. Fin de la « Quadrilatérale » ?Lors de la dernière réunion de la Quadrilatérale [1], ils ont discrédité la signification du plaidoyer slovène en faveur de l’intégration croate aux organes de l’UE, en essayant de mettre le Premier ministre slovène Rop dans une position de faiblesse avant la nouvelle série de négociations. Malgré la provocation qui devait mener à un échec de la rencontre des Premiers ministres, celle-ci s’est terminée d’une telle manière que la Croatie pouvait parler d’un succès. La déclaration commune soutenant la Croatie et sa candidature européenne est un signal adressé à l’opinion croate et une tentative d’empêcher le « scénario serbe ». Il est clair que la Présidence hongroise de la Quadrilatérale se soldera par la mort de cette organisation, qui fut en fait créée pour que l’Italie aide la Slovénie et la Hongrie à entrer dans l’Union. Grâce aux progrès du processus d’adhésion, la Hongrie a perdu tout intérêt pour cette structure, que la Croatie a rejoint « avec retard ». Avec la Croatie, régler le contentieux du Golfe de PiranBruxelles a clairement signalé à la Croatie que la renonciation à la zone de pêche unilatéralement déclarée et le réglement des relations avec la Slovénie constituaient les conditions pour son intégration à l’Union. Ces deux conditions ne sont pas moins importantes que la coopération avec les autres pays de la région et le retour des réfugiés serbes. Il est évident que l’Italie n’a pas l’intention de mener une politique « non subtile » à l’égard de la Croatie comme elle l’a fait avec la Slovénie quand celle-ci s’est vue octroyer le statut de pays candidat à l’UE. Au lieu de la bande maritime unilatéralement déclarée, la Croatie doit consentir à la solution trilatérale du régime des eaux internationales. Finalement, elle n’a pas l’argent ni les forces nécessaires pour la surveillance de la zone de pêche ni pour assumer la responsabilité de la protection environnementale de sa partie des eaux internationales. Le problème des relations slovéno-croates est très semblable. Contrairement à la période de la politique slovène bilatérale, la Slovénie ne peut plus insister sur des solutions « simplistes », à savoir que Zagreb ratifie l’Accord de délimitation, et que le problème de la Ljubljanska banka soit résolu dans le cadre des négociations relatives à la succession. Naturellement, c’est la direction de la « solution finale », mais à cause des obligations européennes liées à la lutte contre le renforcement du nationalisme en Croatie, la politique slovène est tenue d’amorcer un processus de négociation « perspicace ». L’accord de la Croatie sur le réglement multilatéral du régime de l’Adriatique et la ratification de l’Accord de succession, obtenu pendant les négociations de Vienne, sous les auspices de l’OSCE, représentent de premiers pas contre le « simplisme » et l’esquisse d’une « solution finale ». ------------------------------
1 - structure de dialogue qui réunit l’Italie,
la Slovénie, la Hongrie et la Croatie
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![]() Slovénie : dialogue social à
l’heure européenne Publié dans la presse : 23 janvier 2004 Les partenaires sociaux se préparent aux négociations d’harmonisation des salaires et du revenu minimal pour les deux ans à venir. Les attentes des syndicats et des employeurs sont bien différentes. Dialogue entre Dusan Semolic, dirigeant de l’Union des syndicats libres de Slovénie, et Miro Sotlar, représentant de la Chambre de commerce slovène Propos recueillis par Maja Grgic et Katarina Fidermuc Miro Sotlar : L’augmentation des salaires dans les deux ans à venir devrait être celle prévue par les accords sociaux. Du fait de l’influence exercée par l’Union européenne sur notre marché, les trois acteurs que sont l’État, les employeurs et les salariés, devraient avoir leur mot à dire sur la croissance, qu’il s’agisse de l’appréciation de l’euro par rapport au tolar slovène, du mouvement de l’inflation européenne dans les pays bientôt membres de l’Union, ou de la croissance des prix de détail, à l’exception du tabac et de l’alcool. Que chacun de ces acteurs ait une influence d’un tiers. Le gouvernement est censé coopérer lors du débat relatif au revenu minimal, cette loi est de sa responsabilité. Selon les données publiques, 18 000 salariés touchent chaque mois le revenu minimal. Comme la Slovénie compte environ 800 000 salariés, le pourcentage des salariés au revenu minimal n’est pas très élevé. L’économie ne peut pas supporter de grandes pressions en faveur de l’augmentation du salaire minimal ou des catégories salariales les plus basses, où on trouve les branches les plus problématiques, telles que le secteur forestier, le textile ou la peausserie. Selon une étude effectuée par la Faculté d’économie, près de 57 000 personnes sont menacées de perdre leur emploi dans ces branches. L’harmonisation par rapport aux salaires européensDusan Semolic : Jusqu’à maintenant, nous avons réussi à conserver en Slovénie la valeur réelle et proportionnelle des salaires. Nous commettrions un erreur en quittant ce modèle. Les syndicats proposent une approche différente quant à l’harmonisation des salaires en fonction des coûts de la vie croissants. Je parle du modèle utilisé en Autriche et en Irlande. Ainsi nous proposons que tous les employés touchent le même montant nominal en compensation de l’augmentation du coût de la vie - l’huile, le sucre, la crèche etc. De toute façon, la hausse des prix frappe surtout la population aux revenus les plus bas. Par conséquent, nous proposons - comme en son temps les Autrichiens et les Irlandais - pas pour toujours, mais au maximum pour les deux ans à venir, que le montant unitaire de la compensation de la hausse de prix soit le même pour toutes les catégories salariales. Ce n’est pas impossible. Miro Sotlar : Je pense que l’orientation des accords sociaux est clairement indiquée. La Chambre de commerce soutient les principes de la réforme fiscale. La proposition de loi relative aux impôts sur le revenu prévoit que les travailleurs des catégories salariales les plus basses seront exonérés. Ce problème sera donc atténué par la nouvelle législation fiscale. Dusan Semolic : Sur ce point, les syndicats et la Chambre de commerce ne partagent pas les mêmes vues, car évidemment ils ne s’écoutent pas. Nous ne proposons pas que les salaires augmentent exclusivement avec les compensations unitaires à cause de la hausse du coût de vie. Nous admettons que les catégories supérieures obtiennent plus à cause du rendement et de la responsabilité. Derrière votre réticence, nous ressentons la crainte que la hausse des salaires des cadres de gestion puisse être fondée sur d’autres règles. Maintenant, les salaires élevés profitent le plus de la hausse : une augmentation de 300% est bien différente si on touche 70 000 tollars ou 1 million ! Miro Sotlar : Je souligne que le rapport entre les salaires les plus élevés et les salaires inférieurs est beaucoup plus grand en Autriche ou en Irlande qu’en Slovénie. L’Office européen des statistiques a executé en 2000 un sondage sur les 20% de salaires les plus élevés et les 20% les plus bas. Il a constaté que le rapport est de 1 pour 3,2. Seuls les pays les plus développés ont atteint ce rapport. Le Portugal, un pays comparable à la Slovénie, a un rapport de 1 pour 7,2. L’inégalité sociale n’a rien changé en Slovénie depuis dix ans. Delo : Que penser du problème de la compétitivité de l’économie slovène ? Miro Sotlar : Notre service de sondage fait chaque trimestre un sondage des 22 facteurs de la compétitivité. En comparaison avec nos concurrents de l’Union européenne, nous observons un problème de la productivité du travail. Nous parvenons en Slovénie à 45 pourcents de la productivité moyenne de l’UE, exprimée en euros. Par rapport à l’UE, l’administration, la réglementation, l’infrastructure et la politique industrielle représentent de grandes contraintes. En comparaison avec les autres pays candidats, nous sommes pire en prestations, en dépenses par unité de production, en dépenses additionnelles et en disponibilité de la main d’oeuvre. Les cadres techniques formés font défaut. Une lourde fiscalitéDelo : L’adhésion à l’Union européenne nous oblige à nous adapter à son prix courant dans quelques domaines importants, nous ne pouvons donc pas nous permettre d’aspirer à atteindre le salaire européen moyen ? Miro Sotlar : L’Europe non plus ne peut pas se le permettre, de grandes différences subsistent entre les pays. Dusan Semolic : Si nous acceptons en Slovénie le fait d’approcher les standards de l’Union européenne dans le domaine de la productivité, du rendement de travail, de la législation, donc si nous acceptons le niveau des salaires européens pour les directeurs, il est normal et nécessaire de s’attendre à ce que les travaillers aient le droit de recevoir quelque chose de l’Europe. Le débat sur le rapport entre nos salaires et les salaires européens me paraît normal et légitime. Miro Sotlar : L’association des gérants a présenté une étude en 2003 sur les salaires des directeurs en Slovénie. Ils ont constaté que dans les cinquante entreprises les plus grandes, les directeurs touchent en moyenne 12 300 euros par mois. En Slovénie il y a 60 000 entreprises ,et il n’est pas vrai que les directeurs soient excessivement payés. En République tchèque ou en Slovaquie, ils sont deux fois mieux payés. C’est vrai que le directeur slovène d’entreprise touche en net seulement 44,5% de son salaire brut. Nous appartenons au groupe des pays aux impôts sur le revenu très élevés, comme les Pays-Bas, la Suède, l’Allemagne et la Finlande. En Slovaquie, le directeur perçoit deux fois plus en net, il lui reste 63% de son salaire. Delo : À propos du droit de grève, est-ce que les travailleurs slovènes ne font pas grève au moment où l’entreprise fait déjà face à la faillite, au lieu, par exemple, de faire la grève pour s’emparer de nouvelles parts de marché ? Dusan Semolic : Je devrais beaucoup réfléchir pour trouver ces exemples. Nous avons eu en Slovénie deux grèves générales dans la dernière décennie. La première quand l’État avait prévu le gel des salaires, la deuxième fois quand la Chambre de commerce a résilié la convention collective générale, il y a plus de dix ans. Je ne veux pas discuter du futur. Sans aucun doute, les grèves, surtout les grèves générales, sont un moyen légitime de dernier recours des syndicats pour la défense des droits des travailleurs. En Slovénie, les grèves sont l’expression du désespoir extrême. |
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![]() Slovénie : portrait de douze
« effacés » Publié dans la presse : 22 décembre 2003 18 305 personnes ont été « effacées » des listes des résidents permanents en Slovénie, en février 1992. Le quotidien Mladina publie l’histoire de douze cas, douze « effacés » qui ont perdu tous leurs droits, du jour au lendemain. Par Jure Trampus (Notes de Igor Mekina) Histoire de la famille Pejic, qui vit en Slovénie depuis plus de 30 ans.Slavko Pejic et son épouse Milka vivent en Slovénie depuis le début des années 70. Même s’ils possèdent une maison ici, ils ont été radiés du fichier des résidents permanents. Apres la déclaration d’indépendance de la Slovénie, Slavko a perdu son travail et Milka a du déposer une demande pour un visa de travail. Pour les soins liés à l’accouchement de leur petite-fille Kristina, née en 1999, la direction de la maternité leur a demandé de payer 3500 marks allemands (environ 1700 euros). Deux de leurs trois enfants ont obtenu la citoyenneté slovène uniquement après qu’ils aient vu dans un reportage télévisé qu’ils avaient le droit de l’obtenir puisque leurs propres enfants étaient nés en Slovénie et après que les Pejic aient déposé plainte contre l’Etat. Mais, la plus jeune, Alexandra, est toujours une étrangère, même si son père et sa mère ont maintenant la citoyenneté slovène. Histoire de Kemal Sadik, contraint à l’illégalité.Kemal Sadik est arrivé en Slovénie en 1979, il y a établi une entreprise, et a aussi travaillé comme chauffeur de taxi. A l’automne 1991, sur les recommandations d’un docteur slovène, il a emmené la famille de son fils dans une clinique neurologique en Allemagne, à Welbert. Entre temps, son fils aîné a réussi à déposer à temps sa demande de citoyenneté, mais le reste de la famille n’a pas pu, puisque la préfecture a refusé d’accepter la demande déposée par le fils au nom de toute la famille. Suite à la radiation, les autorités ont également radié l’entreprise familiale des fichiers slovènes, la famille a perdu tous ces droits à l’assurance médicale et sociale, et le fils n’a pas été accepté à l’école primaire. Sadik a essayé d’obtenir des papiers en Macédoine, mais à plusieurs reprises, les policiers ne l’ont pas laissé revenir en Slovénie, et il a donc du traverser plusieurs fois la frontière illégalement. En 1996, le tribunal de Sezana (Slovénie) l’a condamné à une peine de prison pour avoir franchi la frontière illégalement, et l’Etat a ensuite utilisé cela contre lui comme preuve qu’il contrevenait aux lois slovènes. En 2000, ils ont ainsi refusé sa demande pour un permis de résidence permanente, en estimant qu’en résidant dans sa maison, il pouvait, à l’avenir menacer « l’ordre public et la paix », voire même « la sécurité du pays ». Histoire d’Aleksandar Todorovic, président de l’Association des Effacés.Aleksandar Todorovic est archéologue et il a participé plusieurs fois à des fouilles en Slovénie. C’est ainsi qu’il a rencontré sa femme actuelle à Ptuj. Il a trouvé un travail en Slovénie, a appris la langue et a travaillé comme chef de section dans une petite entreprise à Kidricevo. Il n’a pas demandé la citoyenneté slovène, car il avait decidé de rester étranger. En raison de sa radiation, les autorités lui ont retiré tous ses papiers personnels et il a perdu son droit à l’emploi. En mars 1993, alors que les autorités slovènes avaient laissé un espace vide à la place du nom du père sur le certificat de naissance de sa fille, seules les autorités serbes ont certifié sa paternité. N’ayant pas de statut, il n’a pas pu se rendre aux obsèques de sa mère, car il n’aurait pas été autorisé à revenir ensuite en Slovénie Jusqu’en 1996, année où, avec l’aide d’une avocate, il a reçu le statut d’étranger ayant une résidence permanente, il a vécu sans assurance médicale ni sociale. Histoire de Mirjana Ucakar, Slovène radiée, née en SlovénieMirjana Ucakar est née à Ptuj (Slovénie) d’un père croate et d’une mère originaire de la région slovène de Primosrka. Dans l’ancienne Yougoslavie, elle a reçu automatiquement la citoyenneté de la République croate, où était né son père. Même si elle était née slovène, elle a perdu, suite à la radiation, tous ses droits sociaux et peu après son travail. Au milieu de la guerre, elle a du arranger les papiers pour obtenir la nationalité croate, même si avant cette époque, elle n’avait été que trois fois dans sa vie en Croatie. Elle a reçu son permis de travail il y a seulement deux ans, et elle souhaite obtenir la citoyenneté slovène, mais à une condition : « dans mon dossier de demande, j’ai écrit que je ne passerai pas les tests de langue slovène. J’ai suivi toute ma scolarité en slovène, j’ai aussi passé tous mes examens de slovène à l’école, et je les ai réussis, et puisque je suis slovène (de naissance), cette exigence concernant les tests de connaissance du slovène me semble extrêmement humiliante ! ». Histoire de Madame Kovac, que l’Etat a expulsé de force et séparé de ses enfants et qui a du « répéter » son mariage avec son propre mari slovène.Madame Kovac est arrivée en Slovénie en 1974 et s’y est mariée. Quand les autorités l’ont effacé du fichier des résidents permanents et qu’elle a ainsi perdu tous ses droits, elle s’est rendue en Bosnie, sur les conseils du maire de Kocevje, afin de demander un permis de résidence sur la base de son passeport bosniaque. Mais en raison de problèmes administratifs, elle n’a pu revenir en Slovénie que 14 jours après. À la maison l’attendaient deux enfants mineurs. Les autorités de Kocevje lui ont caché qu’elle aurait pu obtenir un visa plus long en demandant un regroupement familial. En 1994, ses mêmes autorités ont exigé de son mari une déclaration pour confirmer qu’il souhaitait vraiment avoir sa femme pour épouse ! Histoire de Nenada Kondica, qui a été effacée du registre des résidents permanents avec toute sa famille.La famille de Nenada Kondica, qui compte cinq membres, a émigré de Sanski Most (Bosnie) en Slovénie en 1981. Comme les parents ont demandé la citoyenneté trop tard (Nenada était encore une mineure en 1991), ils ont tous été illégalement radiés du fichier des résidents permanents. Ils ont perdu tous leurs droits sociaux et leur assurance médicale, les parents ont perdu leur travail, ils ont commencé à se disputer et ils ont finalement divorcé. La plus jeune, Dragana, a eu le plus de problèmes : à la fin de ses années de lycée, l’Etat a exigé qu’elle se sépare de sa famille et lui a donné 14 jours pour quitter le sol slovène. Dragana, qui avait un certificat de naissance slovène, a du se rendre en Bosnie, au milieu de la guerre, puisque les autorités slovènes exigeaient un extrait de casier judiciaire bosniaque, même si elle n’avait vécu la bas qu’un seul mois au total. Malgré tout, elle n’a pas obtenu le permis de résidence temporaire et elle a vécu quelques années illégalement en Slovénie. Même si Nenada était parmi les meilleurs élèves de sa classe, elle n’a jamais reçu de bourses d’études. En effet, elle ne pouvait pas en faire la demande, puisqu’elle n’était pas une résidente permanente en Slovénie Histoire de Momir Kandic, officier de l’ancienne armée yougoslave (JLA), qui a été expulsé et effacé pour non-respect des lois slovènesMomir Kandic travaillait comme instructeur pour les pilotes de l’armée yougoslave. En septembre 1991, l’Etat slovène lui a donné la citoyenneté, mais en décembre, le Ministre de l’Intérieur lui l’a retirée, puisque Kandic était un membre actif de l’armée yougoslave. En février 1992, les autorités l’ont effacé du fichier des résidents permanents, bien que sa femme et deux enfants mineurs habitaient à Brezice. Bien qu’il ait ensuite quitté l’armée yougoslave, les autorités ont voulu l’expulser de Slovénie pendant 4 ans, Kandic ayant supposément participé à l’agression contre la Slovénie, même s’il était en fait chez lui pendant les 10 jours de guerre. Apres les décisions de 3 tribunaux et une déclaration signée par laquelle il abandonnait tous ses droits de recours judiciaire contre la police de Brezice, il a obtenu le permis de résidence permanente, mais il n’a obtenu la citoyenneté slovène que sur la base de ses liens matrimoniaux avec une Slovène Histoire de Janko Sribar, Slovène, que l’Etat a essayé de transformer en Croate.Janko Sribar est né en 1943 à Dragosevci pri Metliki, il a passé toute sa jeunesse en Slovénie, et il a ensuite travaillé 20 ans pour Mercedes en Allemagne. En 1978, il a acheté un appartement à Izola, et en 1989, il y a enregistre sa résidence permanente. Avant l’indépendance de la Slovénie, il avait la citoyenneté yougoslave et, même si comme ses parents, il était Slovène, puisque né en Slovénie, il a, par précaution, déposé dans les temps sa demande de citoyenneté slovène. Mais comme sa demande a été enregistrée en retard à la préfecture, les autorités slovènes lui ont attribué la citoyenneté croate, sans aucune preuve et sur la base de suppositions. Janko Sribar n’a pas été informé de cela, et quand, en avril 1994, les policiers l’ont arrêté à la frontière, ils lui ont pris tous ses papiers d’identité. Puisqu’il avait été effacé du registre des résidents permanents, il ne pouvait plus retirer de son compte en banque la pension de retraite versée par l’assurance allemande. Cette dernière lui a donc envoyé une lettre dans laquelle elle exigeait que, sur le document grâce auquel chaque année il confirmait qu’il était vivant, il indique aussi sa citoyenneté et les informations relatives à ses papiers d’identité, sans quoi l’assurance arrêterait de lui verser sa pension de retraite. Janko Sribar a du peu à peu vendre ses biens. Entre temps, sa sœur est morte à l’étranger, mais il n’a pas pu se rendre aux obsèques. Il a vécu seul, quasiment sans amis. « Dans l’appartement, j’avais très froid l’hiver, car je n’avais pas de chauffage. J’avais faim et soif. Seule la Croix Rouge me donnait de temps en temps un peu de nourriture » se souvient Janko Sribar en pensant à ses jours sombres. Apres 10 ans de plaintes et de procédures judiciaires, l’Etat a reconnu l’illégalité de l’annulation de son permis de résidence permanente. Il a aussi reçu la citoyenneté slovène. Histoire de Sasa Milenkovic, qui n’a pas pu continuer l’école du fait de sa radiation.Sasa Milenkovic, qui est né en 1972 à Prokuplje, est arrivé en Slovénie à l’âge de 5 ans. En 1991, il a terminé la dernière année de lycée et a décidé de rendre visite à son cousin en Serbie. De manière inattendue, il a été pris au milieu des combats des unités croates et serbes. A cause du blocus routier, il n’a pu revenir en Slovénie qu’en février 1992, il a raté la date pour déposer sa demande de citoyenneté et il a donc été effacé. Il a essayé de s’inscrire à la Faculté de Sport sur la base de ses vieux papiers d’identité, mais il n’a pas été accepté puisqu’il n’avait pas de certificat de citoyenneté. A Mackova (NDLR : adresse des autorités préfectorales de Ljubljana), les autorités ont perforé ses documents, et il a donc vécu « par intervalles » en Slovénie avec des permis de travail et de résidence temporaire. Apres 10 ans d’une vie souvent au bord de la misère, les autorités lui ont rendu son statut de résident permanent. Les souvenirs de ses 10 dernières années de vie dans la Slovénie indépendante resteront pour toujours sombres. « Mais qui va donc me rendre ces dix années de vie ? J’essaie d’oublier ce que j’ai souffert et les lieux ou j’ai souffert ». Histoire de la famille Marceta que la radiation a jeté au bas de l’échelle sociale.La famille Marceta est arrivée en Slovénie il y a plus de 30 ans. Suivant la volonté du père, qui a ensuite émigré en Bosnie en 1993, la famille n’a pas demandé la citoyenneté. A cause de la radiation, la mère a perdu son travail et les allocations familiales, mais comme elle avait perdu son statut de résidente permanente, elle n’a pas non plus pu s’inscrire comme chômeuse. La mère est restée seule et sans revenu pour nourrir ses deux enfants mineurs. Quand elle est tombée malade, ses enfants n’ont pas pu lui payer le traitement à l’hôpital. « Il y a eu des moments ou nous n’avions rien pour manger, sans parler des factures à payer ! Souvent aussi, les policiers venaient et exigeaient de voir nos documents » se souvient Slobodan Marceta. La situation de la famille s’est arrangée seulement en 1999, quand Slobodan a reçu la citoyenneté, et quand, la même année, sa mère et son frère ont enfin récupéré le permis de résidence permanente en Slovénie, qui avait été illégalement retiré à la famille. « Nous vivions comme ces pauvres Kurdes qui sont capturés à la frontière. Enfin, eux reçoivent de la nourriture et le droit d’asile, nous, nous n’avions rien du tout. ». Histoire de Irfan Besirevic, ancien serveur, qui a dormi 6 ans dans la rue.La famille d’Irfan a immigré en Slovénie dans les années 60, quand Irfan avait 3 ans. Au moment de l’indépendance, il travaillait comme serveur à l’hôtel Palace de Portoroz, mais il n’a pas pu demander la citoyenneté puisque à ce moment précis, il était hospitalisé à la suite d’un terrible accident de circulation. En Février, les autorités l’ont radié et ont exigé de lui qu’il rapporte une confirmation officielle de Bosnie-Herzégovine, un pays où il n’avait jamais vécu. Apres sa radiation, les problèmes ont commencé, il a perdu son travail et ses assurances médicales et sociales. « J’ai dormi pendant 6 ans dans des parcs, des caves et des voitures abandonnées. Je n’avais même pas d’argent pour acheter du pain. Heureusement, des gens ayant bon cœur m’ont aidé ». Quand les policiers l’ont arrêté en mai dernier pour la première fois, ils l’ont envoyé au Centre pour les étrangers et ils ont voulu l’expulser de Slovénie, « Je me bats seulement pour que je puisse à nouveau vivre comme avant. Pour que je puisse me promener dans les rues en paix et sans voir peur qu’un policier me croise, me poursuive et m’envoie à l’étranger. Je n’accuse pas l’Etat. Mais j’accuse les politiciens qui ont rendu possible la radiation. » Histoire de la famille Baralic, que les autorités slovènes n’ont pas autorisé à revenir dans leur propre maison.Mirjana Ostojic, habitante de Brezice, est née en 1953 a Zagreb uniquement parce qu’a cette époque la maternité de Brezice était en pleine rénovation. En 1976, elle s’est mariée également à Brezice avec le sous-lieutenant Ivan Baralic qui était pilote dans l’armée et qui était basé à l’aéroport de Cerklje. Le 25 juin 1991, Ivan Baralic est revenu après deux ans de formation à Belgrade. A la maison, sa femme et ses deux filles l’attendaient. A la frontière, la police slovène l’arrêta et l’enferma comme prisonnier de guerre. Ivan retourna ensuite à Belgrade, mais quand sa femme et ses deux filles lui rendirent visite, la police slovène ne les laissa pas revenir en Slovénie. En février 1992, ils ont tous été radiés. Ivan est parti à la retraite en 1996, mais la famille a du rester à Belgrade a cause de la radiation illégale. Bien qu’ils aient une maison à Brezice, ils n’ont pas été autorisés à y retourner. Mirjana est devenue épileptique en 1990, mais à la suite de la radiation, la procédure de demande de pension d’invalidité a été arrêtée. « J’ai vécu en Slovénie 36 ans, j’ai travaillé là-bas, et j’y suis devenue invalide. A cause de notre radiation, tous mes droits légaux m’ont été retirés et aujourd’hui quelqu’un d’autre reçoit l’argent de ma retraite » dit Mirjana Baralic-Ostojic. « Il aurait mieux valu que nous nous mettions d’accord avec l’Etat, mais je suis prête à aller jusqu’au bout. Et si moi je n’y arrive pas, mes enfants continueront et gagneront le procès contre l’Etat ». Suad Besirevic, entraîneur du club de football OlimpijaLe footballeur, qui a joué pour quasiment pour toutes les sélections nationales slovènes, n’est pas intéressé par la politique. Au moment ou il aurait pu demander la citoyenneté slovène, il était joueur professionnel et jouait à Chypre. Dans les années 90, il a joué 6 mois « comme étranger de Trnovo » (NDLR : un quartier de Ljubljana) au club Publikum (club de foot de Celje). Quand son passeport yougoslave a expiré, il est devenu un apatride, un homme sans patrie. Il ne pouvait pas obtenir la citoyenneté slovène, et il a reçu un passeport bosniaque seulement pour 3 jours, afin qu’il puisse arranger ses papiers. Pour survivre, il a du vendre ses biens, et il n’a obtenu la citoyenneté slovène que très récemment. |
![]() Slovènes en Autriche, « étrangers » en Slovénie : mêmes violations du droit ? TRADUIT PAR ELENA MALINOVSKA VISNAR Publié dans la presse : 27 décembre 2003 La Ligue autrichienne pour les droits de l’Homme a constaté dans son rapport annuel que l’État de droit avait perdu une « part essentielle de sa substance », à cause du non respect des dispositions concernant la minorité slovène. Cependant, en Slovénie, le statut des personnes effacées des registres de la population slovène en 1992 se pose en des termes similaires... Par Mojca Drcar Murko Le 13 décembre 2001, la Cour constitutionnelle, l’instance judiciaire suprême de la République autrichienne, a rendu un arrêt selon lequel les dispositions de la législation restrictive relative au statut juridique de la minorité slovène se trouvaient en violation de la Constitution. Était également concerné le dispositif de la loi de 1976, selon lequel le placement de panneaux bilingues sur un territoire à la population mixte est nécessaire, si la minorité représente 25% de la population de la zone concernée. Dans un délai d’un an, ordonné par la Cour, le législateur devait corriger les lois et respecter le fait qu’une minorité de 10% suffit pour le placement de panneaux locaux bilingues. La Cour constitutionnelle menace-t-elle l’unité nationale autrichienne ?« Nous n’allons pas exécuter l’arrêt », déclara quelques heures plus tard le dirigeant de la Carinthie, l’une des dix provinces de la fédération autrichienne. Au contraire, nous devrions « couper les ailes » à la Cour constitutionnelle, ajouta-t-il. Les injures furent courantes et les non initiés pouvaient avoir l’impression que la Cour constitutionnelle avait véritablement mis en danger la patrie. Les partisans de l’unité nationale se sont retranchés, le préfet d’une région bilingue a juré de préférer mourir plutôt que d’accepter un seul panneau bilingue. Plutôt mort que bilingue. Peut-être était-il satisfaisant que l’on connaisse enfin nos ennemis. À quoi les Slovènes ont-ils le droit en vertu de la Constitution ? Les adversaires de la signalisation bilingue ont introduit au niveau fédéral le risque de miner l’autorité des organes de l’État de droit. « Naturellement, il faut exécuter l’arrêt », affirma le chancelier fédéral, en s’opposant au dirigeant de Carinthie et en convoquant une commission. Cette dernière, depuis plusieurs mois, a fait plier les malheureux Slovènes en leur faisant quelques « offres », seulement des miettes de ce que leur avait reconnu la Cour constitutionnelle. Le résultat a été connu le 9 décembre 2003 : la Ligue autrichienne pour les droits de l’Homme a constaté dans son rapport annuel que l’État de droit avait perdu une « part essentielle de sa substance », à cause de la non exécution de l’arrêt de la Cour constitutionnelle relatif aux Slovènes . La constatation n’a pas provoqué de réactions. Les droits de l’homme et l’État de droit sont pourtant une substance éphemère ! Il est plus facile de vivre avec ce type de reproches que de courir le risque d’une révolte de la « population », qui serait d’avis d’ignorer l’interprétation de la Constitution proposée par la Cour. Il faudrait donc mutiler les droits garantis par la Constitution, parce que la « population » considère les Slovènes comme des ingrats, des mauvais patriotes et des bouches inutiles. Le statut des « étrangers » en SlovénieL’ironie de l’histoire veut que, de la même manière, la « population », en Slovénie cette fois - suivant les conseils de ses représentants politiques - menace d’empêcher un certain groupe de personnes de pouvoir réaliser leurs droits sociaux, qui devraient pourtant être assurés par les pouvoirs publics et de manière rétroactive, selon l’arrêt de la Cour constitutionnelle de la République slovène. La comparaison d’une affaire où les Slovènes souffrent à cause du non respect du principe de l’État de droit avec cette affaire où d’autres personnes souffrent à cause d’une logique similaire est préoccupante. Peu nombreux sont les professionnels qui affirment d’un point de vue juridique que les personnes effacées en 1992 du registre de la population n’ont théoriquement pas le droit à la résidence en Slovénie si elles y avaient longtemps résidé avant le démantèlement de l’ancienne Yougoslavie. L’argument selon lequel les effacés eux-mêmes seraient coupables car ils n’ont pas revendiqué la citoyenneté slovène est le plus fourbe. Le fait qu’ils n’aient pas déposé leur demande dans les délais prescrits représenterait la preuve de leur manque de loyauté citoyenne, et cela annulerait leurs revendications à la reconnaissance de la résidence permanente. Contrairement avec l’affaire des Slovènes en Autriche, il est plus difficile de modeler nationalement l’affaire des étrangers en Slovénie. En Autriche, il s’agit d’un groupe relié par une appartenance culturelle commune. En Slovénie, au contraire, il s’agit un groupe considérablement diversifié où se trouvent, à côté des ressortissants des autres nations de l’ancienne Yougoslavie, des Slovènes de souche et des personnes à moitié slovènes, qui vivaient hors de la Slovénie au moment de la décision. Pour le stigmatiser facilement comme un groupe représentant une menace pour l’État slovène, la discussion politique publique essaie de le définir comme regroupant des non patriotes, des intrus et des inutiles. La revendication de soumettre l’arrêt de la Cour constitutionnelle à l’approbation populaire par voie de référendum ne marque même pas l’érosion de l’autorité de la loi, mais seulement sa sanction pragmatique. L’État de droit est stable si l’unité est solide. Le précédent mène à une nouvelle exception et la sensation paralysante que les valeurs déterminées auparavant inscrites ne peuvent pas être remises en question même si une telle décision ne nous plaît pas. L’autorité de la Cour constitutionnelle constitue l’une de ces valeurs. Les tentatives d’atténuation de l’arrêt de la Cour constitutionnelle aux attributs non juridiques, émotionnels et politiques dévoilent encore un autre côté. Les visages des individus disparaissent dans la foule, il n’est plus question de leurs histoires, de leurs vies humaines, il ne reste qu’un problème, un adversaire qu’il faut vaincre. Il n’est plus important que ce groupe soit depuis longtemps vaincu et que la « victoire » ne serait pas importante pour le renforcement des liens humains entre les Slovènes. Les valeurs humaines, chrétiennes ou ancestrales, comme la générosité, le sentiment social, la loyauté à l’ordre juridique etc., auraient dû provoquer une autre réaction de la majorité de l’opinion slovène. Les recherches sur le cerveau humain constatent que le problème réside dans le fait que nous ne voyons pas nous-mêmes, mais nous voyons seulement nos ombres. La question concernant les « effacés » n’est qu’en partie juridique, dans un second temps, elle touche à la civilisation elle-même. Comme l’on doit se sentir bien quand on a traité les êtres humains comme des êtres humains ! |
![]() Délocalisations à l’Est : La main d’œuvre slovène est trop chère TRADUIT PAR ELENA MALINOVSKA VISNAR Publié dans la presse : 27 décembre 2003 L’expansion des entreprises vers les pays à la main d’œuvre bon marché n’est pas problématique du point de vue de l’économie nationale tant qu’elle ne provoque pas une réduction des postes de travail en Slovénie. Au contraire, elle amplifie la réussite potentielle des entreprises slovènes dans le contexte global. Par Maja Grgic et Katarina Fidermuc Ces entreprises suivent la mondialisation de leurs acheteurs vers les marchés les plus attractifs. Autrement, elles seraient hors-jeu. Cependant, la délocalisation de la production vers des pays avec une main d’œuvre bon marché est préoccupant pour l’économie nationale, car cela signifie la fermeture des activités et la réduction des postes de travail en Slovénie. La délocalisation de la production résulte de la comparaison des salaires slovènes avec les salaires des pays ayant une main d’œuvre moins chère, qui ne sont pas nécessairement très éloignés, de manière éviter des dépenses de logistique trop élevées. Le salaire minimal en Roumanie est de six à sept fois plus faible qu’en Slovénie, et même neuf fois en Bulgarie. Dans les secteurs de travail intensif, les calculs sont vite faits. « Politiquement, on peut peut-être retenir les entreprises qui délocalisent leur production de la Slovénie, stratégiquement, ce n’est sûrement pas possible de faire », affirme avec conviction Samo Hribar Milic, le secrétaire général de l’Association des employeurs slovènes. « Nous ne pouvons pas oublier la libéralisation supplémentaire du marché mondial. À l’Est et en Asie, il y a des marchés énormes. Sans doute, un nombre toujours croissant d’entreprises essayera de maîtriser ces marchés en délocalisant sa production ». L’exemple d’Alpina, qui a décidé de mettre fin à ses activités à Col et à Gorenja Vas et de déménager en Roumanie et en Chine, a été vivement critiqué. Martin Kopac, membre du Conseil d’administration d’Alpina, explique les raisons clés : une main d’œuvre moins chère, et le fait que toutes les entreprises concurrentielles sont déjà présentes dans ces pays. Alpina doit donc aussi déménager. Il constate qu’avec la délocalisation projetée, Alpina épargnera plus de 250 millions de tolars par an. L’entreprise Labod de Novo Mesto a aussi délégué la plupart de ses affaires à des sous-traitants de Hongrie, Pologne et Roumanie. Les entreprises slovènes optent pour des pays à la main d’œuvre moins chère de différentes manières. Quelques entreprises construisent des usines, les autres participent au capital, quelques-unes louent des unités de production, les autres commandent simplement les tâches auprès de sous-traitants. Les entreprises délocalisent souvent leur production dans les pays les plus proches, tandis que dans les pays lointains comme la Chine, elles se décident plutôt pour des partenariats. Est-ce que l’on peut endiguer ce processus ? Est-ce que la Slovénie peut, à l’aide de mesures déterminées, baisser le prix de la main d’œuvre et retenir ainsi une partie des affaires en Slovénie ? Les académiciens et les économistes constatent unanimement que c’est impossible, car la main d’œuvre slovène nette est trop chère. C’est une tendance qu’on peut adoucir, mais pas inverser. Les dépenses des ménages dictent le salaire net, et ce dernier est trop élevé. Selon l’opinion de Samo Hribar Milic, il s’avère impossible de diminuer le prix de la main d’œuvre, même si certaines analyses internationales comparatives montrent qu’elle est trop chère dans notre pays. Ainsi, comme il est impossible de réduire ce coût, la production va se retirer de la Slovénie. On le constate déjà, même si ce n’est heureusement pas encore au point de fermer les usines du jour au lendemain. L’État devra épargner davantage. Diminuer les impôts et les contributions sociales. Le problème des fonds de retraite et de santé est avant tout celui de la gestion. L’État devrait s’efforcer d’adopter une approche plus graduelle dans ces processus. Les délocalisations mettent surtout au chômage les personnels ayant une formation élémentaire, difficilement recyclables. Les nouveaux postes de travail exigent souvent une formation plus élevée et d’autres connaissances. La politique de l’État devrait être active, adéquate et transparente. Lek et Krka, deux entreprises pharmaceutiques slovènes, sont particulièrement bien ancrées en Russie et en Pologne, par la vente de leurs produits, avant même que la délocalisation de la production vers l’Est ne devienne une règle du capital européen. Les deux entreprises se sont rendu compte que pour les entreprises pharmaceutiques plus que pour les autres, il était important d’obtenir le statut d’entreprise nationale, qui leur ouvre mieux la porte du marché des médicaments qu’aux étrangers. On ne peut donc pas dire que ces entreprises slovènes se sont dirigées vers l’Est du fait de la main d’œuvre bon marché, d’autant plus que ces deux sociétés conservent toujours 6500 employés en Slovénie. |
JUTARNJI LIST Manuels scolaires : les élèves slovènes, croates et serbes ne lisent pas la même Histoire... TRADUIT PAR URSULA BURGER OESCH Publié dans la presse : 27 septembre 2003 Le Centre pour la démocratisation et la réconciliation en Europe de Sud-Est a mené une enquête comparative sur les manuels scolaires de Slovénie, de Serbie-Monténégro et de Croatie, notamment sur les différentes interprétations historiques des événements du dernier siècle. Rien n’a réellement changé depuis quelques années, selon les résultats de cette étude. Par Orlanda Obad « La Yougoslavie était un pays que le peuple a construit avec zèle et enthousiasme. Même si la Slovénie, étant la république la plus développée, a dû investir plus d’argent dans le budget fédéral et malgré le fait que les lois ont été construites sur mesure pour les Serbes, Croates et Bosniaques, plus nombreux, la Yougoslavie était une fédération dans laquelle les Slovènes ont pu jouir d’une autonomie quant à l’éducation et la culture. » « Il s’agissait avant tout d’un régime totalitaire et non-démocratique, dans lequel l’Église catholique a été pourchassée, et qui donnait la préférence aux Serbes. Les Croates, comme les Slovènes, ont connus un développement plus rapide que celui des autres, et ont été obligés de porter le poids du développement des régions les plus pauvres du pays. » « Les Serbes sont les seuls à avoir œuvré à la sauvegarde de l’ancien système de la Yougoslavie socialiste, tandis que tous les autres étaient des séparatistes. La chute de la Yougoslavie était déjà prévisible dans les années ’60, au moment où le chef de la police serbe, Aleksandar Rankovic, a été exclu du Parti. » Si vous avez l’impression d’avoir déjà entendu quelques-unes de ces affirmations, sachez qu’il ne s’agit pas des résultats d’une étude de l’opinion publique dans les pays de l’ex-Yougoslavie, mais d’extraits d’une étude du « Projet commun historique » du Centre pour la démocratisation et la réconciliation en Europe de Sud-Est (CDRSEE), dont le siège se trouve à Salonique, sur les manuels d’histoire publiés l’année passée dans les anciennes républiques yougoslaves. L’un des objectifs du projet, auquel participent les professeurs et les instituteurs d’une dizaine de pays de la région, est de faire l’état des lieux des « politiques éducatives dans le domaine de l’histoire ». « Notre but n’était pas de créer un consensus sur ce qui s’est passé. Nous avons voulu, avant tout, aligner les différents points de vus historiques sur certains événements dans cette région » dit Snjezana Koren, professeur d’histoire, participant au projet et ayant rédigé des manuels d’histoire parus chez « Profil » pour les 7ème et 8ème années de l’école primaire. Qu’est-ce qui s’est passé ? Les manuels étudiés ont été utilisés dans les écoles il y maintenant trois ans, mais l’angle d’approche des manuels employés aujourd’hui en Slovénie, Croatie et Serbie-Monténégro n’a pas beaucoup changé : ethnocentrisme et victimisation sont clairement identifiables dans l’ensemble des livres scolaires. Dans les pays où une maison d’édition d’État a toujours le monopole dans la publication des manuels scolaires, comme c’est le cas en Serbie-Monténégro, les divers courants historiographiques sont pauvrement représentés. « Dans le manuel le plus récent au lycée – qui a été introduit dans les classes il y a un an à peine, donc après l’arrivée au pouvoir du gouvernement actuel – on a fait une révision incroyable de divers aspects de la Deuxième guerre mondiale. Les "Tchetniks" sont par exemple montrés presque comme une organisation humanitaire qui s’est battu pour la survie du peuple… Quant à Drazo Mihajlovic, on affirme qu’il a fréquenté de grandes écoles militaires et qu’il appréciait la littérature française. En même temps, le manuel pour la huitième année du primaire parle de Milosevic seulement à compter de 2000, lorsqu’il a perdu le pouvoir. Ce qui s’est passé avant, un écolier ne pourra jamais le savoir en lisant ce manuel », affirme Dubravka Stojanovic, professeur à la Chaire d’histoire de la Faculté des Lettres à Belgrade. En Serbie, les publications scientifiques sont généralement imprimées à moins de mille exemplaires, explique Stojanovic, tandis que les manuels sont vendus parfois jusqu’à 20 000 exemplaires. En Serbie, actuellement, les cours d‘histoire traitent à 70% de l’histoire nationale contre 30% pour l’histoire internationale, et l’année prochaine, un nouveau plan et programme des cours vont être introduits dans les dernières classes de l’école primaire. Un seul sujet, plusieurs points de vue La situation change plus rapidement dans les pays dans lesquels on retrouve sur le marché plusieurs manuels. « En Croatie, de moins en moins d’écoliers apprennent en général l’histoire dans de vieux manuels qui soutenaient l’atmosphère de guerre » dit Magdalena Najbar-Agicic, rédacteur en chef dans la maison d’édition Profil. C’est le cas par exemple du manuel d’histoire pour la huitième année du primaire, écrit par Ivo Peric, qui a souvent été exclu pour son discours exclusif et nationaliste. En parallèle avec cinq autres manuels, selon les informations parues sur la page Web du ministère de l’Éducation et du sport, le manuel de Peric est cette année utilisé par moins de 10 % d’écoliers. « Le choix de manuels d’histoire démontre qu’en Croatie coexistent des théories différentes, même opposées, sur les événements historiques. D’après les manuels qu’ils choisissent, on peut affirmer que la plupart des professeurs d’histoire de Croatie font partie d’un courant politique modéré. Moins nombreux cependant sont ceux qui sont voués aux nouvelles approches dans les cours ; ceux qui sont nationalistes par eux-mêmes et qui vont toujours choisir des manuels de ce genre sont encore plus marginaux », affirme M.Najbar-Agicic. L’un des principaux problèmes, explique-t-elle, est le vieux plan et les programmes de cours qui n’ont pas sensiblement changé depuis le milieu des années ’90. Ce plan oblige par exemple le professeur enseignant la leçon sur le NDH (L’État indépendant croate), de parler également de l’action culturelle de ce gouvernement. Dans ces cas-là, tout dépend de la débrouillardise des auteurs des manuels : on peut y parler d’une riche activité éditoriale, mais aussi du harcèlement à l’encontre des intellectuels opposés au régime du NDH... Actuellement, personne ne sait quand ce plan va changer, explique M.Najbar-Agicic. Quoique le plan de cours oblige que le rapport entre l’histoire nationale et mondiale dans les manuels croates soit de 60% contre 40%, nos interlocuteurs affirment que le rapport est plutôt de 50% chacun. De l’autre côté, en Slovénie, les nouveaux manuels sont écrits selon un plan et programme de cours qui a été changé au milieu des années ’90, et actuellement nous trouvons sur le marché trois manuels d’histoire parallèles pour l’école primaire / secondaire et pour le lycée. Le rapport entre l’histoire nationale et mondiale est de 40% contre 60%. L’histoire et la vérité « Depuis que les nouveaux manuels sont apparus en 1998, les auteurs essaient de trouver les meilleures illustrations et sources possibles, de l’autre côté, les textes sont également beaucoup plus neutres et sont moins nuancés par l’idéologie communiste. Nous sommes assez contents avec les résultats atteints, nous pouvons dire que nos manuels sont relativement objectifs », selon l’institutrice Jelka Razpotnik, membre de l’Association des professeurs d’histoire de Slovénie. Dans la suite du « Projet historique commun », un groupe d’instituteurs et de professeurs d’histoire devrait créer une suite de manuels communs et alternatifs sur quatre thèmes historiques : L’Empire Ottoman, la création des États-nations, les guerres balkaniques et la Deuxième guerre mondiale. 2000 exemplaires seront distribués gratuitement dans les trois pays l’an prochain, avec l’objectif ambitieux d’exposer un maximum de professeurs et d’écoliers à des points de vue différents sur des événements historiques différents. « Le but d’un cours d’histoire ne devrait pas être la découverte d’une vérité absolue. Il serait beaucoup plus utile d’apprendre aux élèves à développer une pensée critique, à ne pas croire à tout ce qu’ils voient ou lisent et à utiliser différentes sources d’informations », conclut Snjezana Koren.
Que disent les manuels en Slovénie, en Croatie et en Serbie-Monténégro ?Sur l’antifascisme Slovénie
Croatie
Serbie-Monténégro
Sur les « tchetniks » Slovénie
Croatie
Serbie-Monténégro
Sur les « Ustachis » Slovénie
Croatie
Serbie-Monténégro
Sur le NDH (État Indépendant Croate) Slovénie
Croatie
Serbie-Monténégro
Sur la Yougoslavie socialiste Slovénie
Croatie
Serbie-Monténégro
Sur les raisons de la chute de la Yougoslavie Slovénie
Croatie
Serbie-Monténégro
Sur les guerres yougoslaves Slovénie
Croatie
Serbie-Monténégro
(Mise en forme : Étienne Dubé) |
![]() Slovénie : une euro-région au profit de Trieste ? TRADUIT PAR ELENA MALINOVSKA VISNAR Publié dans la presse : 28 septembre 2003 Un projet d’euro-région a été lancé par l’ancien maire de Trieste et actuel gouverneur du Frioul-Julienne, Riccardo Illy ; l’ensemble « adriatico-alpin » comprendrait la région italienne de Frioul-Vénétie-Julienne, la Carinthie autrichienne, une partie de la Slovénie et l’Istrie croate. Mais au profit de qui ? Pour le journaliste de Delo, il ne fait aucun doute que ce projet sert les intérêts des grandes entreprises du nord-est de l’Italie dans leurs projets de développement à l’est de leur frontière... Par Boris Jez Comment les pêcheurs de Piran, d’Umag et de la Chioggia italienne pourraient-ils parvenir à se comprendre dans quelques années ? La question paraît triviale, mais elle est au cœur même d’un processus diplomatique amorcé par Bruxelles. Ces pêcheurs - qui se sont disputés, pris aux cheveux et parfois battus pendant des siècles - pourraient vivre à l’avenir dans une « eurorégion » commune, susceptible d’avoir plus de force de gravitation que les États-nations eux-mêmes. Y croyez-vous ? Francis Fukuyama restera dans l’histoire pour y avoir prédit la fin de celle-ci. Mais l’histoire recommence, non seulement en Afghanistan, en Irak ou en Corée, mais également en Europe. « Même » sur le vieux continent, il y a de nouveaux États, la configuration politique est très dynamique, et Bruxelles et Strasbourg mettent en branle un avenir continental - sans parfois demander conseil à quiconque. Ainsi, nous, les sujets, sommes obligés de vivre avec une nouvelle configuration politique - comme si nous n’avions pas suffisamment de problèmes avec les communes, les régions, les frontières, … À peine avons-nous pu reprendre notre souffle depuis l’indépendance que nous sommes plongés jusqu’aux oreilles dans les questions territoriales, du Golfe de Piran jusqu’à la dernière tentative de l’usurpation de la partie internationale de l’Adriatique [1]. Les Croates se sont d’ailleurs fait taper sur les doigts récemment, mais il ne faut pas crier victoire trop rapidement : l’histoire n’est pas encore terminée. Et cette histoire comprend désormais la région italienne de Frioul-Vénétie-Julienne, la Carinthie autrichienne, une partie de la Slovénie et l’Istrie et Rijeka, incluant Gorski Kotar. L’initiateur est notre bon ami l’ancien maire de Trieste et actuel gouverneur du Frioul-Julienne, Riccardo Illy. Et je pense qu’il faut faire confiance à ses bonnes intentions : coopération entre les ports, corridors de circulation, infrastructure énergétique commune, etc. Il a vraisemblablement parlé de ce projet lorsqu’il était de passage à Ljubljana récemment. Tout comme il doit le faire dans quelques jours, à Venise et à Vienne, et probablement à Zagreb avec Stipe Mesic. Devrions-nous de prime abord nous opposer à un pareil projet ? A première vue, non. La Slovénie milite pour la création des « ponts » (entre les nations et les pays), donc pour des frontières ouvertes et une coopération croissante. Pourtant, une petite dose de scepticisme ne nuit pas : pourquoi inclure ces régions dans un conglomérat « alpino-adriatique », présenté comme étant une « euro-région » ? Et pourquoi pas les autres ? Les réseaux de transport sont d’une grande signification dans cette région, mais… Pour qui ? Tout d’abord, évidemment, pour Trieste et le Frioul-Julienne, qui se voient déjà comme étant l’épicentre de cet euro-territoire post-féodal. Et que veut dire « une partie de la Slovénie », dans le vocabulaire d’Illy ? Cela s’étend jusqu’à la frontière de Rappal, donc jusqu’à Postojna… Ainsi, l’on pourrait de nouveau boucler l’hinterland de Trieste, et assurer le contrôle du transport jusqu’à Rijeka et surtout en direction du « Corridor 5 », où les intérêts italiens sont criants. Nous ne pouvons pas ne pas y penser, parce que cette « Realpolitik » n’est pas seulement appuyée historiquement, elle est également évidente dans les initiatives diplomatiques actuelles. Les politiciens slovènes devraient comprendre que cette ambiance puérile dans laquelle l’Europe baignait après la chute du Mur de Berlin n’existe plus. Une nouvelle dynamique ébranle l’Europe, et ne se reflète pas seulement dans les offensives françaises pour assujettir juridiquement et constitutionnellement les petits États (comme dans la constitution de Valéry Giscard d’Estaing) : il semble qu’une vague de fond fouette l’Europe. La Croatie, par exemple, tente de peser de tout son poids et use de tous les moyens pour faire figure de « puissance régionale » : le différend sur les eaux territoriales internationales dans l’Adriatique ne sont pas l’œuvre de quelque manœuvre pré-électorale, il s’agit bel et bien d’une orientation stratégique à long terme, et au détriment de la Slovénie. Alors, quelle euro-région ? C’est n’importe quoi ! Comment les pêcheurs de Chiogge, d’Umag et du Piran se comprendront si le premier ne veut pas entendre de langues étrangères dans son village, si le Croate ne veut pas entendre un mot de slovène… ? Le « multiculturalisme » existe essentiellement chez ceux qui pensent d’abord à créer une grande « région d’Istrie » - ils sont bien entendu à Trieste… qui ne se trouve même pas en Istrie ! Et maintenant Illy modernise le concept pour y intégrer Haider et les Vénitiens. Ces euro-régions sont des puzzles qui se construisent avec le capital, alors que les gens pensent bien sûr autrement. Malheureusement, ils ne disent rien… Comme par hasard, le Guardian de Londres fut le premier à parler de cette combinaison du « hinterland » du Nord de l’Adriatique, en y identifiant la marque d’une « connexion » austro-vénitienne. En somme, les Anglais ne donneraient pas leur bénédiction à ce projet à cause de Haider, mais aussi et surtout à cause de leurs intérêts traditionnels dans cette partie de l’Europe. On ne peut pas créer les euro-régions aussi simplement, ad hoc, comme l’estiment quelques maires et hommes politiques influents : si les régions sont importantes pour l’Europe du futur, il faut tout d’abord se plonger dans un débat sérieux, avant que d’y laisser entrer les instances du grand capital. Les euro-régions esquissées à Bruxelles, sont-elles une réincarnation de la géographie féodale ? Quelles seront leurs relations avec les États-nations ? La politique slovène semble désorientée, même s’il existe presque un consensus national en faveur de la non-division du territoire national en régions. Il est facile de partager l’Allemagne en euro-régions : il est clair à l’avance que le pays restera uni. Mais pour la Slovénie minuscule, ceci pourrait être fatal. A ce propos : quand Illy apprendra-t-il le slovène, et quand changera-t-il d’opinion à propos de « l’absence » de bilinguisme à Trieste ? On ne peut pas réduire ces contradictions au plus petit dénominateur commun. La Slovénie est tout simplement prise dans une nouvelle tempête, celle du « regroupement » en Europe, où elle ne se sent pas pour le mieux, parce que les initiatives sont prises par les autres, par la Croatie, par le Frioul, etc. Ljubljana n’a pas réussi pour le moment à se présenter et à s’établir comme le centre potentiel d’une région plus large, même si elle le mériterait par son statut ainsi que par sa position géographique. Les autres veulent nous prendre par morceaux, de la mer jusqu’à la frontière de Rappal. La Slovénie agace ses voisins par sa situation géographique, parce qu’elle fait obstacle aux multiples communications du Nord vers le Sud et de l’Ouest à l’Est. Le recueil intitulé « Le morcellement de la Slovénie », édité en 2001 à Velenje, a attiré l’attention sur ces problèmes. Le Dr. France Bucar y dit : « Si nous considérons la situation en Europe centrale (où une partie des petits pays affrontent de grands voisins qui, par le passé et même aujourd’hui, revendiquent des parts de ces petits États comme étant partie prenante de leur propre territoire national), la formation des régions mixtes serait un feu vert à l’annexion répétée de ces pays aux puissances impériales d’autrefois. De telles régions serviraient aux anciennes puissances impériales de formule très élégante pour s’approprier des territoires… » En somme, la Slovénie s’est retrouvée dans un environnement exceptionnellement dynamique, et elle fait trop peu pour être un acteur actif de cet environnement : notre politique étrangère est trop peu animée, et il semble qu’après l’entrée à l’OTAN et à l’UE, elle oublie sa « petitesse » régionale, qui pourrait s’accentuer dans le futur de manière significative. De toute façon, il est évident que la Slovénie ne peut pas naviguer entre l’Europe et les États-Unis, comme le fait Berlusconi : elle doit d’abord trouver son rôle parmi ses voisines pour enfin faire sa place. (Mise en forme : Étienne Dubé) |
![]() L’économie slovène roule au ralenti TRADUIT PAR ELENA MALINOVSKA VISNAR Publié dans la presse : 26 septembre 2003 Est-ce que la Slovénie est menacée par la récession ? Selon les premiers calculs de l’Office statistique la croissance économique a augmenté, au deuxième trimestre de l’année, de 2.1%, soit 0.2% de moins qu’au premier trimestre, déjà plus faible que le précédent et le plus faible depuis trois ans. Jamais la Slovénie n’a connu une croissance aussi maigre. Par Mija Repovz Les premiers pronostics officiels des stratèges de la politique économique furent considérablement plus optimistes. L’Office gouvernemental responsable des analyses macroéconomiques et du développement prévoyait à l’automne 2002 une croissance de 3,5 % du PIB, mais a revu ses estimations à la baisse au printemps à 3,1 %. Aujourd’hui, son directeur concède qu’à la fin de l’année, elle sera encore plus faible. L’appétit des ministres lors de la préparation du budget s’est laissé guider par les premiers pronostics du gouvernement : il a fallu ensuite modérer les ardeurs dépensières des membres du cabinet, à la lumière des nouveaux résultats économiques. La Banque de la Slovénie s’était d’abord associée à l’optimisme de l’Office statistique, mais a revu au printemps ses orientations. Comment les prévisions ont-elles influencé la politique monétaire ? La réponse, inconnue, se trouve dans les bureaux de l’autorité financière. La chute de la demande à l’exportation constitue la cause principale de l’affaiblissement actuel de la croissance économique. Les économistes affirment aujourd’hui qu’il ne s’agit pas d’une surprise. La Slovénie, petite économie ouverte à l’extérieur, crée les deux tiers de sa production brute pour l’exportation, la consommation domestique jouant un rôle bien moindre. La période pour les exportateurs est difficile, et les entreprises à grand potentiel marchent aussi d’un pas mal assuré. Que se passe-t-il ? Premièrement, l’Union européenne, partenaire capital de l’économie slovène, a vécu cette année un approfondissement des tendances récessionnistes. Parmi les pays les plus touchés, les Pays-Bas, la France et la Suisse, un peu moins l’Allemagne et l’Italie voisine. Les deux dernières appartiennent parmi les marchés d’export les plus importants des entreprises slovènes. Deuxièmement, la percée des entreprises slovènes dans les marchés des États successeurs de l’ancienne Yougoslavie pour contrecarrer l’économie européenne stagnante est de plus en plus incertain du fait d’un pouvoir d’achat diminuant. La même chose se produit du côté des anciennes républiques soviétiques, exception faite de la Russie, où l’activité économique est stimulée par les prix élevés du pétrole. Les entreprises slovènes qui se sont ancrées assez tôt sur ce marché, traditionnellement risqué mais présentement très actif, met un baume au cœur de certains entrepreneurs slovènes impliqués dans ce secteur économique. Récemment, le « Center for Economic Policy Research », un think tank de Londres, a organisé une rencontre avec d’éminents économistes de l’Union européenne pour définir exactement la récession. Les économistes invités ont abandonné la définition répandue jusqu’à récemment selon laquelle la récession a lieu si la croissance du PIB est négative durant deux trimestres consécutifs. La nouvelle interprétation londonienne définit la récession comme l’affaiblissement sensible du niveau de l’activité économique dans toute l’eurozone, se manifestant par une décroissance économique durant deux trimestres consécutifs ou plus, accompagnée de la chute du taux d’emploi et de l’affaiblissement des autres indicateurs dans la plupart des États de l’eurozone. Pour l’heure, ils ont conclu que seulement la croissance est menacée, pas l’emploi, et nous ne pouvons donc pas parler de la récession dans l’eurozone, mais de « pause prolongée » de la croissance. (…) Malgré la croissance sensiblement au ralenti, la Slovénie, selon toutes les définitions, est loin de la récession. Comme par le passé, elle conserve pour le moment une croissance économique souvent plus élevée que celle de l’Union européenne. Mais la comparaison avec les autres nouveaux États membres comme la Hongrie, la Pologne ou la République tchèque est moins favorable à première vue : ces derniers ont une croissance économique plus élevée, mais au détriment de déficits budgétaires et d’une dette préoccupants. Leurs habitants sont endettés : les Polonais sont de plus en plus à court d’argent. L’économie slovène, à l’exception de l’an dernier, alors que le déficit budgétaire atteignait dangereusement les 3,1 % du PIB, essaye d’éviter ce danger – pour le moment avec succès. Les entreprises slovènes ont fait preuve jusqu’à maintenant d’une vitalité surprenante et persévérante. La récession probable dans l’eurozone ou la pause prolongée de croissance est due à des motifs structurels considérablement plus risqués. Si la récession économique se maintient, les choses risquent de se gâter : l’éminent institut allemand, IFO, signale un regain d’optimisme chez les décideurs, encouragés par les effets du gouvernement Schröder quant aux taxes et aux réformes dans le domaine social, et grâce à une croissance plus forte en Amérique. Cependant, il y a toujours un décalage de quelques mois entre l’optimisme annoncé et ses effets dans la réalité économique. Avant que les changements dus à la croissance européenne soient ressentis par les entreprises slovènes, beaucoup d’eau s’écoulera sous les ponts de la Save et de la Drave. Le gouvernement du Premier ministre Rop a heureusement réagi assez rapidement à l’affaiblissement de l’état économique de l’UE, dans les limites du possible. Si le ministre des Finances, D. Mramor, ne garde pas aussi rigoureusement les prix des dérivées pétroliers en diminuant les accises, la croissance économique s’affaiblirait encore plus sensiblement que maintenant. Le ralentissement de la consommation, contesté par une partie de la communauté économique, a peut-être assuré que les entreprises subissent avec moins de douleurs la stagnation possible de l’activité économique dans l’Union européenne – ou dans l’ensemble du continent – l’année prochaine. Les premiers pas nécessaires pour permettre à l’économie slovène d’intégrer les programmes économiques les plus exigeants ont été faits. Il faut maintenant réinvestir pour encourager l’économie, mais aussi pour maintenir le niveau du système d’éducation et les domaines trop longtemps négligés à cause des branches économiques au faible développement. La chute de la croissance économique est rarement une bonne nouvelle. Dans notre cas cependant, ce l’est : elle donne l’espoir que la période insupportable d’inflation et de politique d’échange – les points phares de la politique économique slovène – soit terminée, une manœuvre imposée avec succès par les économistes de la jeune génération. (Mise en forme : Étienne Dubé) |
![]() Slovénie : la fin du service militaire obligatoire TRADUIT PAR ELENA MALINOVSKA VISNAR Publié dans la presse : 23 septembre 2003 La Slovénie abandonne son service militaire obligatoire, qui avait initialement été mis en place par l’administration austro-hongroise, au dix-neuvième siècle. Mladina se penche sur l’histoire de cette institution militaire et analyse les conséquences de cette professionnalisation de l’armée sur la société slovène. Par Ali H. Zerdin Anton Rop s’est placé derrière le microphone pour annoncer, pour la première fois de son mandat de Premier ministre, « un événement historique » : la Slovénie supprime son service militaire obligatoire. Terminée, l’époque où les jeunes appréhendaient la fin de leurs études avec angoisse, attendant leur lettre de convocation. Exit, les inquiétudes sur le lieu du service militaire, à l’autre bout du pays ou dans la rue voisine… Inutiles, les motifs philosophiques, religieux, politiques ou ethniques pour faire valoir son droit au service civil. Seuls les professionnels entreront dans l’armée, ceux qui choisissent le statut de soldat comme profession. L’époque du système de recrutement, entamé sous la monarchie austro-hongroise, est finie. Le Premier ministre avait raison : la suppression de l’obligation militaire est un événement historique… mais les conséquences sont imprévisibles. Les appelésL’empereur Joseph II a importé le système de recrutement austro-hongroise dans cette région. La bureaucratie d’État a entamé au milieu du 18e siècle le recensement de la population masculine et des bêtes de trait pour des besoins militaires. La loi de l’obligation militaire fut adoptée en Autriche-Hongrie en 1858, les pays furent divisés en territoires de recrutement. Les obligés furent d’abord tirés au sort. Le royaume des Serbes, Croates et Slovènes a connu l’obligation militaire générale, où le service militaire durait 18 mois (ou deux ans dans la marine et l’aviation). La Yougoslavie titiste a connu d’abord l’obligation militaire de deux ans (trois ans pour les tankistes, et quatre ans pour les marins). Après 1955, l’obligation militaire fut raccourcie, et le service militaire de 12 mois introduit en 1985. C’est l’idéologie du comité populaire général qui était en vigueur dans notre pays [jusqu’à l’indépendance de la Slovénie]. Les comités populaires n’avaient pas pour but d’instaurer un service militaire à proprement parler, mais plutôt de transformer les hommes de 18 à 50, voire 60 ans, en miliciens qui réagiraient à toute agression en cas d’attaque. Tito, l’un des fondateurs de l’idée de la résistance populaire générale, affirmait que le pays, qui comptait 22 millions d’habitants, serait capable d’appeler rapidement sous les drapeaux un million de soldats : l’idéologie de la résistance populaire générale supposait que tous les Yougoslaves devaient être des soldats en puissance. La militarisation du pays est devenue encore plus évidente après l’attaque de l’Union soviétique contre la Tchécoslovaquie : tous les membres du comité général devaient être prêts à la résistance. Les entraînements militaires ont envahi les écoles secondaires et les universités, et le maniement d’une mitraillette cohabitait dans les programmes avec l’enseignement des mathématiques. La profonde militarisation de la communauté donnait à l’armée une position politique, sociale et économique particulière. [Lors des semaines précédant l’indépendance], par exemple, tous les Slovènes savaient comment monter des barricades antichar [contre les forces de l’Armée fédérale]. Mais plus généralement dans l’ex-Yougoslavie, la « socialisation » de la défense nationale a engendré des travers dramatiques : en se privant de son monopole de la violence légitime, l’État a fait en sorte que chacun ait les aptitudes nécessaires pour fonder une organisation paramilitaire, une caractéristique qui n’est certainement pas étrangère au nettoyage ethnique et aux exactions commises en ex-Yougoslavie. Le service obligatoire, en militarisant la société, a produit engendré d’autres effets pervers : l’armée fut l’instrument le plus efficace de lavage de cerveau pour la moitié [masculine] de la population. L’armée ne fait pas que transformer le corps en une machine disciplinée : elle manipule également l’esprit. Une dette envers l’État ?Après 1991, la politique slovène de défense n’était pas claire. Lors de l’attaque des forces fédérales (JLA), la défense territoriale a appelé 20 000 réservistes et fonctionna assez efficacement. Le système de défense a fait ses preuves dans les circonstances particulièrement pénibles de 1991. Mais après cette date, la Slovénie devait modifier sa stratégie : comment la sécurité est-elle menacée, et comment y répondre. Cette remise en question s’inscrivait de plus dans la logique de l’intégration à des structures de défense internationales. Le ministère de la Défense a longtemps évité d’admettre que le service militaire était désormais beaucoup plus « lâche ». Les jeunes qui devaient accomplir leur service cette année entrait en 1991 à l’école élémentaire… L’impression que la jeunesse du début des années ‘90 était plus patriote que celle d’aujourd’hui est fausse. Depuis les années ‘80, ce sont les valeurs postmodernes qui dominent parmi la jeunesse slovène. L’idée voulant que chaque citoyen ait une dette envers l’État n’a plus la cote. Après la guerre de 1991, le nouvel État a promis aux conscrits un changement radical, en diminuant de moitié la durée du service obligatoire. Mais la jeunesse d’aujourd’hui n’a plus de raisons véritables de vouloir intégrer l’armée. Les valeurs postmodernes qui étaient l’apanage des milieux urbains dans les années 80 sont aujourd’hui répandues dans tout le pays. C’est pourquoi il paraît plus normal aujourd’hui de « payer sa dette » à l’Etat par un service civil, dans les hôpitaux ou les maisons de retraites, par exemple. Et en fin de compte, quelle dette envers l’État ? Si celui-ci ne peut pas assurer, par exemple, une éducation véritablement gratuite, l’idée même de la dette envers l’État ne fait plus de sens. Les professionnels arriventL’armée devra participer aux opérations de maintien de la paix, et c’est une tâche destinée aux professionnels. La presse mondiale affirme à tort que des unités de l’armée slovène sont en Irak, même s’il est vrai que certains signes laissent supposer que des soldats slovènes participent d’une façon ou d’une autre à certaines activités dans ce pays. Mais du fait des nouvelles obligations internationales de la Slovénie, la professionnalisation partielle de l’armée est l’approche la plus raisonnable. La professionnalisation complète de l’armée entraîne une augmentation des dépenses destinées à la défense, et a des conséquences sociologiques. Avec la professionnalisation de l’armée, la Slovénie engendrera une nouvelle classe sociale. Les projections estiment qu’en 2010, l’armée emploiera approximativement 8 000 personnes, alors qu’actuellement, 1 630 officiers, 1 800 sous-officiers et environ 1 600 soldats servent dans l’Armée slovène. Ainsi, ils embaucheront dans les années à venir plus de 500 personnes par an. Le nombre de soldats professionnels sera semblable à celui des policiers : tous services confondus, 9 900 personnes travaillent au sein de la police nationale. L’État devra donc assurer aux soldats professionnels des bénéfices équivalents à ceux des policiers. Avec la professionnalisation de l’armée slovène, nous obtiendrons une couche sociale relativement homogène et nombreuse ; mais la naissance de cette couche est ambiguë. D’une part, la suppression du système de recrutement apporte des effets positifs. La société sera moins militarisée : il ne faudra plus apprendre à manier une mitraillette pour passer le baccalauréat. De l’autre côté, la création d’une nouvelle couche sociale pose de nombreuses questions : où en est-on avec la dépolitisation de l’armée ? Est-ce qu’il est clair qu’elle ne peut plus se mêler des affaires civiles ? Est-ce qu’elle sait à qui elle est subordonnée ? Est-ce que les relations entre l’autorité civile et l’armée sont clairement définies ? L’histoire de l’après-guerre montre que les relations entre l’autorité civile et militaire ne furent pas suffisamment fixées ; et aujourd’hui, ce n’est pas plus clair. Quand l’autorité civile se mêle des affaires de police, une plainte survient. Les problèmes entre l’autorité civile et de police se répètent malgré la longue tradition de relations entre elles. Comment ceci se déroulera-t-il avec l’armée ? Comment réagira l’armée devant des ordres émanant des pouvoirs civils ? Reprochera-t-elle aux politiques de se mêler d’affaires d’experts ? (Mise en forme : Étienne Dubé) |
![]() Slovénie : comment se porte l’école ? TRADUIT PAR ELENA MALINOVSKA VISNAR Publié dans la presse : 11 septembre 2003 Comment l’école éduque-t-elle les jeunes Slovènes ? Pour le journaliste de Delo, les initiatives des enseignants sont trop souvent ignorées des experts de l’Éducation nationale, qui leur préfèrent des commissions multilatérales pluriministérielles... Par Andreja Zilbret Est-ce que l’école éduque bien les enfants slovènes ? Ce dilemme ressurgit au début de chaque année scolaire. Une réponse prématurée à cette question particulièrement complexe peut facilement induire en erreur. L’éducation ne peut pas s’évaluer comme le savoir, mais peut cependant servir des intérêts particuliers, des objectifs idéologiques, politiques ou religieux. La position des autorités suprêmes, les plus concernées par cette problématique, est claire depuis plusieurs années. L’archevêque Dr France Rode, représentant de la plus grande et la plus puissante institution en Slovénie – l’Église catholique romaine –, affirme que notre école éduque mal parce que le catéchisme ne fait pas partie du programme des écoles. Le ministre de l’Éducation, des Sciences et du Sport, Slavko Gaber, s’y oppose quant à lui avec ferveur, estimant que le rôle éducatif principal revient à la famille, même si l’école y détient un rôle particulier par la socialisation, en tentant d’imputer aux jeunes des valeurs communes, nous rendant possible de vivre ensemble. L’école abandonne les valeurs individuelles et personnelles à la famille, à défaut de quoi l’école serait en ce domaine totalitaire. Le ministre admet que le catéchisme inculque des éléments éducatifs à l’enfant, mais préfère le voir enseigné dans les foyers. Les Slovènes sont partagés quant à la capacité éducative de l’école. En prenant en compte toutes les questions disciplinaires et les diverses formes de violence dans les institutions scolaires, nous pourrions affirmer que l’école ne remplit pas avec suffisamment de succès son rôle éducatif, et que les directeurs d’écoles, les instituteurs, les psychologues, les conseillers pédagogiques et autres ne sont pas à la hauteur. L’excuse voulant que ce qui passe à l’école reflète ce qui survient dans la société ne doit pas être avance : si l’école ferme les yeux sur la violence, issue bien souvent des cercles familiaux, elle doit admettre qu’elle agit de manière anti-éducative. Elle donne aux élèves le message que la violence fait partie de la vie. Le rôle éducatif de l’école commence justement au moment où elle parvient à empêcher la violence, ou qu’elle s’aperçoit suffisamment tôt de problèmes au sein d’une famille et s’implique dans la résolution de ces problèmes. Elle permet ainsi aux élèves – et parfois à leurs parents – de constater qu’une autre vie est possible, en somme : d’inculquer des valeurs positives. L’école dispose d’un pouvoir énorme, mais peut-être est-elle inconsciente qu’à travers les enfants et les parents, elle influence l’ensemble de la société. L’affirmation voulant que notre école éduque, ou élève mal les enfants, oublie que des directeurs et des instituteurs mènent dans les écoles divers projets intéressants, et éveillent ainsi les élèves à des valeurs comme la santé, de bonnes relations inter-humaines, le respect de la différence, la protection de l’environnement et de la nature, la paix, la tolérance, la coopération, etc. Les écoles de santé, les écoles écologiques, les écoles Unesco, le Programme du développement positif d’auto-évaluation des enfants et des jeunes, les projets différents contre la violence, sont couronnés d’excellents résultats et font l’objet d’éloge, parfois dans le monde entier. Leurs efforts sont trop souvent ignorés, et l’État leur attribue un support trop modeste et trop peu d’aide financière. Alors qu’il existe suffisamment de projet et de réalisations de qualité dans les écoles, le ministère de l’Éducation se gargarise plutôt de la création de commissions multilatérales, consacrées par exemple à la santé ou à la problématique de la violence. Pourquoi ne voyons-nous pas plutôt d’encouragements et de promotions qui mettraient en valeur ces projets, qui sans nul doute démontreraient que notre école a fait un grand pas dans l’adaptation des jeunes aux valeurs de la société ? La réponse à cette question est peut-être la suivante : les projets intéressants et d’une grande diversité sont trop souvent le fruit du personnel – enseignant et non-enseignant – enthousiastes mais confiné à l’anonymat. Sans doute les différents ministères, et particulièrement celui de l’Éducation, devraient encourager la coopération entre les experts et les enseignants, abandonnés à eux-mêmes. Sans stratégie claire et détaillée, les efforts individuels ne restent qu’une goutte d’eau. (Mise en forme : Étienne Dubé) |
![]() La Slovénie, les USA et la Cour pénale internationale TRADUIT PAR ELENA MALINOVSKA VISNAR Publié dans la presse : 18 juin 2003 Jusqu'à présent, l'attitude des autorités slovènes à l'égard de la politique américaine est demeurée floue. Toutefois, il y a deux semaines, notre Premier ministre, Rop, s'est alignée sur la position de l'Union européenne et de la Croatie : la Slovénie ne signera pas l'accord de non-extradition des citoyens américains devant la Cour pénale internationale. Par Sasa Vidmajer La Slovénie a exprimé son refus des exigences américaines le lendemain de la Croatie. Sa décision n'est en rien motivée par des relations de bon voisinage. Jusqu'alors, Ljubljana s'est toujours ralliée au point de vue américain. Cependant, l'accord proposé par Washington mettrait en péril le gouvernement slovène. Il est dommage que les autorités locales n'aient pas clairement exprimé leur point de vue au groupe interdépartemental américain quand celui-ci était à Ljubljana, il y a deux semaines de cela. La Slovénie appartient à la liste des pays qui ont récemment signé un accord multilatéral concernant la Cour pénale internationale. Notre pays connaît donc les fonctionnements de cette institution, et la déclaration de notre Premier ministre est un pavé dans la mare. Les représentants slovènes devant la délégation américaine, conduite par Patricia McNerney, sont demeurés cois. Les journalistes, en l'absence de réelles informations, se sont livrés à des déductions qui ont eu le mérite d'irriter les émissaires de Washington. La délégation américaine a été accueillie par le ministre des Affaires étrangères, Dimitrij Rupel. Les conversations ont porté sur le rôle des fonctionnaires dans le pays. Malgré cela, la Slovénie est demeurée muette. Elle a essayé, comme la plupart des pays de l'ancien bloc de l'Est, de gagner du temps. Son angoisse est devenue plus importante encore à cause de la position floue de l'Union européenne. Cette dernière n'avait émis aucun avis précis quant à la Cour pénale internationale, si ce n'est qu'elle avait conseillé à ses membres d'éviter de passer des accords bilatéraux avec les États-Unis. La pression américaine sur les Balkans occidentaux a conduit l'Union européenne à durcir ses positions : en mai, au nom de la commission européenne et de la présidence grecque, les candidats et les États membres ont été invités, par écrit, à ne pas contracter des accords qui pourraient nuire au bon fonctionnement de l'Union. Nombre de petits pays ont ployé sous la pression de Washington, ce qui met à jour leur grande vulnérabilité. Trente-neuf d'entre eux ont cédé, le dernier en date étant le Togo. Lors de la conférence de presse de Ljubljana, McNerney pensait qu'ils devraient être cinquante dans ce cas, et cela dans un laps de temps assez court. Néanmoins, la liste des pays, petits ou pauvres, d'Asie, d'Afrique ou d'Amérique latine assujettis à l'Oncle Sam est plus importante qu'il n'y paraît. Ces pays ont préféré entretenir de bonnes relations avec les États-Unis plutôt que de faire respecter les principes des droits de l'Homme comme l'égalité de tous devant de la loi. Cette décision, très choquante, a été celle de nombreux pays des Balkans comme l'Albanie, la Bosnie-Herzégovine, la Roumanie. En résumé, les pays qui connaissent une situation économique difficile ne souhaitent pas s'opposer à Washington. Ils n'ont d'ailleurs guère le choix. C'est la raison pour laquelle notre pays a mûrement réfléchi à son attitude. Avec la déclaration de Vilnius, il avait affirmé des relations avec l'ancien bloc de l'Est, mais dans le même temps, il ne parvenait pas à se dégager de l'influence de Bruce Jackson, ce véritable commerçant ! Avec l'accord concernant la Cour pénale internationale, la Slovénie a mis en jeu ses propres intérêts. Quelles sanctions doit-on redouter de la part des États-Unis ? Ils ont menacé de retirer les quatre millions de dollars d'aide militaire annuelle. C'est trop peu pour qu'un tel avertissement soit pris au sérieux. Les deux pays ont de plus tout intérêt à collaborer dans ce domaine. Les relations américano-slovènes risquent, sur un court terme, de se refroidir. Toutefois, personne ne pense que Washington apprécie outre mesure les pays serviles qui ploient sous la pression… (mise en forme : Stéphan Pellet) |
![]() UE : la vulnérabilité de l'économie
slovène Publié dans la presse : 7 juin 2003 Si la Slovénie paraît être le prochain État-membre de l'UE susceptible d'entrer dans la zone euro, la vulnérabilité du pays face à l'intégration économique européenne n'en est pas moins grande. L’économiste Janez Prasnikar développe dans les pages de Delo les grandes lignes d'un rapport présenté par l’Institut économique de la Faculté de droit de l'Université de Ljubljana. Propos recueillis par Mija Repovz L’économiste Janez Prasnikar, avec une équipe de dix collègues rigoureux et Veljko Bole de l’Institut économique de la Faculté de droit, ont analysé sans complaisance la vulnérabilité des entreprises slovènes : elle est très grande. Beaucoup d’entreprises sont à bout de souffle. Elles en sont arrivées là à cause des politiques précédentes du gouvernement, des ministres increvables aux comptes de dépenses excessifs et aux revendications inappropriées des chefs syndicaux du secteur public. Et l’Europe s’enfonce dans la récession. Mais Prasnikar refuse de ne voir que des modèles économétriques, des équations et inéquations : il s’intéresse aussi aux personnes. Cela pour des motifs sérieux : si le gouvernement et les syndicats demeurent inefficaces, le nombre de gens dans la rue pourrait doubler. (MR) Jusqu’à maintenant, on a plus ou moins évité de parler des victimes éventuelles de l’adhésion à l’UE dans les différentes politiques économiques. Il y a deux semaines, votre analyse - susceptible de montrer que des chocs extérieurs vont influencer l’activité commerciale et l’emploi en Slovénie – s’est terminée. Pourquoi l’avez-vous menée ? (JP) La plupart des économistes et des entrepreneurs souhaitent que l’entrée à l’UE soit la plus transparente possible et qu’elle entraîne un minimum de chocs. Il est possible que de tous les nouveaux pays adhérents, la Slovénie soit la première à faire partie de l’Union monétaire européenne. Quelques signes de la bureaucratie de l’Union laissent croire qu’on nous donne la priorité. L’argument principal contre l’entrée rapide dans l’Union monétaire est une inflation élevée. Elle pose des problèmes et il faut la réduire. (MR) Est-ce une bonne chose pour la Slovénie d’entrer la zone euro ? Ne s’agit-il pas plutôt d’une question d’image et de prestige ? (JP) Ce serait bon pour la stabilité de l’économie et pour la population d’entrer le plus tôt possible dans la zone euro et de faire des efforts pour y parvenir dans les délai prévus. Naturellement, il faut prendre garde à ne pas causer trop de « dommages collatéraux ». Comme la situation économique slovène actuelle n’est pas si mauvaise - comme prévu il y a quelques mois - et que l’inflation a sensiblement diminué, une entrée rapide dans l’Union monétaire européenne est faisable. (MR) D’après votre analyse, quelles en seront les conséquences les plus néfastes ? (JP) Du côté de la demande, une diminution de la croissance économique dans les pays qui importent le plus nos produits serait désastreuse. Ce serait pire si la chute de la croissance arrive vite. À l’exception de l’époque de l’indépendance, la Slovénie n’a pas vécu de chute remarquable de la demande sur les marchés étrangers. Mais maintenant, il y a des indices de crise sur les marchés de l’Union européenne. Du côté de l’offre, comme le montre notre analyse de la période précédente, les effets les plus à redouter sont ceux des politiques gouvernementales. (MR) Selon vos calculs, combien d’emplois sont-ils menacés ? (JP) En ce moment, selon les calculs de mon collègue Bole, 4,6 % des 490 000 emplois reliés à l’exportation et 3,6 % des 104 000 reliés au marché intérieur. Si la situation reste la même et ne dégénère pas, 23 000 emplois seront menacés au total. Si le taux de croissance des principaux marchés européens chutent et si le gouvernement adopte encore des mesures nuisibles, comme par le passé, le nombre de postes menacés pourrait doubler. (MR) Les entreprises ne peuvent-elles pas se retirer si dans l’UE les choses tournent mal pour elles ? (JP) Depuis quelques années, nous observons les marchés d’exportation. En comparaison avec les grands concurrents internationaux, nos entreprises sont bien petites. Kolektor, Avtoelektrika, Cimos ou Prevent ont, comme les fournisseurs de l’industrie automobile, acquis leurs positions sur le marché grâce à des contrats pluriannuels, lesquels exigent des investissements particuliers. D’autres entreprises ont engagé beaucoup d’argent dans les réseaux de distribution et les marques de commerce. Car les entreprises ont, lors de la phase de la pénétration, des dépenses élevées. Quand le taux de croissance dans l’UE - surtout en Allemagne - diminue, les entreprises slovènes subissent une pression à la baisse sur les prix. En raison de leurs dépenses initiales, elles persistent sur ces marchés bien que les profits diminuent. Les entreprises les plus fortes sont capables de résister, même dans une période critique. Certaines ne le supportent pas et, dans le pire des cas, font faillite. (MR) Quel est l’état des entreprises en général ? (JP) Quelques analyses empiriques montrent que sur le marché de l’exportation, il existe un groupe de tête qui influence positivement la dynamique de toute l’économie. Le groupe suivant sont des successeurs qui imitent les entreprises les plus prospères. Enfin, il y a les entreprises qui, bien que privatisées, s’adaptent plus lentement. (MR) Est-ce que ces entreprises sont capables d’intégrer l’économie de l’UE ? (JP) Une grande partie des entreprises orientées vers l’exportation se sont déjà intégrées. Nous ne pouvons pas nous attendre à ce qu’elles percent fortement sur un marché touché par la récession. La plupart luttent pour aujourd’hui pour protéger leur position. Dans le secteur orienté vers le marché national, nous pouvons prévoir, du moins dans la première phase, une résistance à l’adhésion dans les domaines concurrentiels. (MR) Faut-il les privatiser ? (JP) La Banque mondiale préconise une privatisation assez rapide des entreprises reliées aux infrastructures. Cependant, même des gens près de cette institution constatent dans une étude récente que, pour les petits pays, les monopoles et la libéralisation présentent des différences très significatives. La qualité des services à la population, par exemple les lignes téléphoniques, est de beaucoup meilleure dans les marchés monopolistiques que dans les pays ayant subi une libéralisation rapide et des privatisations. Il faut donc s’occuper des entreprises dans ces secteurs avec prudence. Mais le statu quo chez nous n’est pas profitable. (MR) On entend souvent : « pas de pénétration, pas d’entreprises dans le domaine de la haute technologie ». Pourquoi une Nokia, par exemple, ne surgit-elle pas en Slovénie ? (JP) En Slovénie, il y a quelques entreprises de renommée mondiale. Je suis très fier de Gorenje. Cette société internationale représente 3 % du marché européen. Les producteurs européens d’équipement des ménages détiennent de 20 à 30 % des surplus des capacités de production. Cela signifie une bataille pour chaque client et Gorenje y est très efficace. Elle a établi un réseau de vente remarquable, dont n’importe quel concurrent voudrait bien s’emparer. Nous avons Kolektor, Krka, Lek et les autres... toutes des entreprises dont il ne faut pas avoir honte. Mais elles ne sont pas Nokia. Nokia est née dans un environnement culturel et politico-économique spécifique. La Slovénie est considérablement plus petite que la Finlande et elle n’a pas vécu une crise aussi grave que l’économie finlandaise. (MR) Revenons au début : ne proposez-vous pas pour le passage à l’euro ce que certains appellent ironiquement « l’approche graduelle », et à laquelle il faudrait peut-être renoncer ? (JP) Lors des débats sur l’inflation, on disait que l’État portait la moitié de la responsabilité et que la Banque de Slovénie en portait l’autre moitié. Après, on a suggéré que l’État vise obligatoirement l’année 2003, avec une inflation de 6,8 % dans le mois qui a suivi l’ajustement des calculs de l’inflation sur ceux de l’Union européenne… L’inflation ayant chuté dans la première moitié de l’année de 5 %, les prévisions de l’inflation sont revues à la baisse. C’est le résultat de la politique du gouvernement et des autorités financières cette année. Le ministère des Finances prépare encore d’autres mesures pour revoir à la baisse les prévisions de l’inflation. Le gouvernement et la Banque centrale ont la possibilité de réduire l’inflation à un niveau profitable à toute l’économie et satisfaisant pour les évaluateurs qui décideront de l’entrée de la Slovénie dans l’Union monétaire européenne. Le processus de chute perpétuelle de l’inflation - qui ne touche pas les entreprises orientées vers l’exportation qui est la partie la plus vitale de notre économie - est amorcé. Il faut continuer. Ainsi, les taux d’intérêt vont commencer à diminuer. L’économie n’est pas un stade de football, où les spectateurs influencent l’issue du match. C’est une lutte d’arguments. (Mise en forme : Stéphane Surprenant) |
![]() Minorités en Slovénie : tous « positivement discriminés » ? TRADUIT PAR ELENA MALINOVSKA VISNAR Publié dans la presse : 14 avril 2003 La Cour constitutionnelle a levé tout doute : les dix-huit milles personnes « effacées » des registres en 1992 auront la possibilité d'acquérir la citoyenneté slovène. Les tribunaux rendront probablement ce type de sentence, et les individus rayés des listes feront l'objet d'une indemnisation. Par Boris Jez L'État va de nouveau réparer les injustices. Cela ne paraît pas lui poser de problèmes, il semblerait même qu'il s'en soit fait une spécialité : il indemnise tout le monde, depuis l'éclatement de l'ancienne Yougoslavie jusqu'à aujourd'hui ! Toutefois, il y a un domaine où il ne s'aventure pas : celui des injustices sociales… Les indemnités versées s'inscrivent dans le recouvrement d'une dette exigée par Milan Aksentijevic, président de la société ayant en charge la défense des intérêts des personnes rayées des registres slovènes. Après avoir combattu l'appareil d'État et la justice de Ljubljana, les membres de cette association cherchent à s'installer douillettement en Slovénie. Il n'y a pas plus de deux millions de citoyens en Slovénie. Cependant, il semblerait qu'il y ait en permanence des problèmes. Lors de l'indépendance, 180 000 « Sudistes » avaient obtenu la citoyenneté slovène. Aujourd'hui, l'État se propose de réparer les dommages causés aux laissés pour compte. Le ministère de l'Intérieur ferait mieux d'examiner chaque cas afin d'éviter toute mauvaise surprise. Résolvons ce problème une bonne fois pour toute ! Dieu merci ! Nous deviendrons ainsi une société multiculturelle. Toutefois, nous dirigeons-nous vraiment vers une communauté nationale pluriethnique, où les différentes langues, religions et cultures, feront l'objet d'une coexistence pacifique ? Cela pourrait être le cas dans les rues de Ljubljana, si une majorité de la population n'était pas opposée à la construction d'une mosquée. L'archevêque France Rode a participé à la consécration de la synagogue. Pour la construction d'un lieu de culte musulman, il a laissé aux autorités le soin de décider. Néanmoins, rappelons que la Slovénie ne s'est guère montrée maladroite dans la gestion des questions ethniques et confessionnelles. Le régime précédent se targuait même d'avoir à ce propos la politique la plus avancée en Europe. Des minorités italienne et hongroise ont été déclarées « autochtones » par la Constitution. Elles ont pu ainsi jouir de droits exceptionnels en vertu de la notion, quelque peu vertigineuse, de « discrimination positive ». Ce concept excluait de fait les autres groupes ethniques, et jusqu'à récemment, il a fonctionné avec succès. Les Serbes et les Croates, du fait de l'indépendance de notre pays, étaient devenus des minorités. Ils n'ont pas été reconnus comme « autochtones », même si, en Slovénie, les Croates sont dix-huit fois plus nombreux que les Italiens… La notion même « d'autochtone » montre ici des signes de relâchement : des « Sudistes » vivent en Slovénie depuis parfois cinq générations, sans parler des villages serbes de Bela Krajina ! Que dire des Rroms ? Certains sont reconnus comme autochtones alors que d'autres, arrivés plus récemment, n'ont pas acquis ce statut. Comment l'administration va-t-elle procéder ? Y aura-t-il deux poids deux mesures ? Les hauts fonctionnaires sentent qu'il faut faire un geste à l'égard des Rroms. Le Parlement européen de Strasbourg est en train d'examiner leurs conditions de vie. Janez Obreza, chargé de la question des minorités, a déclaré à notre journal que la Slovénie n'avait pas à rougir de sa politique. Toutefois, l'Histoire nous apprend que nous n'avons pas toujours été en symbiose avec les minorités croates et italiennes… À Beltince, les autorités ont déclaré ne pas connaître de Rroms, ces derniers étant tous regardés comme slovènes. À Grosuplje, 180 Rroms seulement ont été recensés. Ils ne représenteraient qu'un demi pour cent des personnes ayant le droit de vote, et ils ont sollicité l'intervention de la Cour constitutionnelle. La coopération interethnique dans les conseils municipaux est bienvenue. Cependant, nous assistons à la mise en place d'une hiérarchie : les Italiens et les Hongrois sont représentés jusqu'au Parlement, et les Rroms sont présents dans de nombreux conseils municipaux. Qu'en est-il des autres minorités ? Que dire des Slovènes installés en Autriche ? Ils cuisinent le minestrone comme les Tyroliens du Sud. Néanmoins, alors que cette communauté germanophone a presque crée en Italie un État dans l'État, ce n'est que récemment que nos compatriotes installés en Autriche ont obtenu de Vienne quelques privilèges - dans le cadre d'un accord passé entre les gouvernements slovène et autrichien. La minorité slovène semble être condamnée par la loi autrichienne à un génocide silencieux… À l'image des Rroms à Grosuplje, les Serbes pourraient revendiquer une représentation municipale à Fuzine. Les Croates et les Musulmans pourraient faire de même à Jesenice. À quoi cela conduirait-il : à un recensement continuel des communautés, à leur atomisation, à des conflits, à des non-sens juridiques ? Nous nous indignons quand les Italiens et les Autrichiens recomptent les Slovènes vivant sur leur territoire… Le député hongrois ou italien qui siège au Parlement slovène peut décider de bloquer le vote d'une loi en posant son veto. Les conseillers municipaux de Jesenice ou de Velenje pourraient exiger un pouvoir similaire. Selon toute évidence, l'État slovène ne sait comment faire. Il demeure prisonnier des solutions constitutionnelles de l'ère socialiste, et ne peut supprimer les droits attribués aux communautés italiennes et hongroises. À l'époque titiste, personne ne réfléchissait réellement au caractère multiethnique de la Slovénie. Le médiateur Matjaz Hanzek se rend compte que la notion « d'autochtonie » est surtout le fait d'une construction politique. La Constitution ne devrait plus insister sur cette notion, afin de ne pas entraver le dessein et l'avenir de la classe politique slovène. Toutefois, si aucune communauté ne se voit retirer ses privilèges, il faut les étendre aux autres groupes ethniques. Cela implique une réforme constitutionnelle et la représentation de chacune des ethnies - rrom, monténégrine, musulmane, serbe, et croate. Dans ce cadre, pourquoi les Chinois n'auraient-il pas le droit également d'avoir un député ! Il semblerait que nous nous orientions vers une solution contraire, c'est-à-dire le recensement continuel des minorités. Ainsi le mufti Djogic (au cœur de la polémique sur la construction de la mosquée) a compté plus de 50 000 musulmans, si ce n'est plus. En 1991, les chiffres en mentionnaient la moitié. La Slovénie doit faire en sorte que les langues, les cultures, et les religions, présentent sur son territoire, soient respectées. Il n'est pas question de créer des ghettos. La Slovénie dispose de suffisamment de ressources pour répondre à la question autrement que par la « discrimination positive ». (mise en forme : Stéphan Pellet) |
![]() La langue slovène est-elle en voie d'extinction ? TRADUIT PAR ELENA MALINOVSKA VISNAR Publié dans la presse : 1er avril 2003 La langue slovène est-elle menacée du fait du petit nombre de locuteurs ? Le docteur Marko Stabej, professeur au Département d'études slaves à la Faculté de Lettres de Ljubljana, s'en prend avec vigueur aux idées reçues. Propos recueillis par Nika Vistoropski (NV) Il existe dans le monde environ 5000 langues dont 90 % ne sont parlées que par moins de 2 millions de personnes. D'où vient l'angoisse slovène de voir disparaître notre langue un jour ? (MS) Le nombre de locuteurs n'est pas un facteur si décisif. Il y a beaucoup d'indicateurs de la vivacité d'une langue et il est difficile d'en prévoir le futur. D'un point de vue historique, la grande diversité des exemples rend la comparaison malaisée. Les facteurs économiques, sociaux et politiques se répercutent aussi dans la langue. Ceci dit, à long terme, les langues naissent et meurent. (NV) Est-ce que le nombre de locuteurs était plus important dans le passé qu'il ne l'est aujourd'hui ? (MS) Oui, tout simplement parce que les pressions exercées sur les nations étaient jadis plus fortes. Le problème des Slovènes - et ce depuis les débuts du mouvement national - était leur faible nombre, considéré comme insuffisant par certains pour créer un pays. En même temps, nous avons développé une conscience collective en traversant des moments difficiles et en nous déchirant. L'importance relative de la taille du pays est mieux comprise, bien nous ressentions encore aujourd'hui une certaine inquiétude. Mais je pense qu'à l'échelle des structures européennes, entre un pays de deux millions d'habitants et un de vingt millions, il y a peu de différence. Bien entendu, on ne doit pas se surprendre que l'offre culturelle soit moindre en Slovénie que dans une nation de 50 millions de personnes... (NV) S'il faut protéger la langue, il faut aussi admettre que l'influence étrangère est inévitable. Est-ce que la « xénophobie » dans la langue slovène est nécessaire ou pas ? (MS) La phobie est inutile. La crainte de l'étranger est une opinion héritée, un réflexe qui témoigne d'un souci (réel ou imaginaire) sinon d'un amour de la langue, parfois d'une décision individuelle de s'identifier à la langue - ce qui permet parfois d'occuper une position privilégiée dans la société. (…) Je me souviens d'un groupe d'Italiens auxquels je devais enseigner très vite le slovène. Au début de la conférence, je leur ai dit qu'ils connaissaient déjà 6000 mots. Comment ? Revolucija-rivoluzione, resolucija-risoluzione… Les Slovènes ont longtemps cherché leur identité et ainsi certains emprunts furent d'un goût douteux... dont des expressions allemandes, et ensuite, à cause de l'idéologie, des expressions serbo-croates. Nous avons intégré beaucoup de mots tchèques comme substituts aux mots allemands. Ce processus n'a jamais cessé, variant selon les époques. (NV) Nous connaissons aussi une certaine intolérance linguistique… (MS) Ce réflexe négatif est habituellement le résultat d'une sensibilité exceptionnelle exacerbée par l'emploi d'un mot étranger. Les Slovènes sont assez passionnés par les questions linguistiques. (…) (NV) Faut-il s'inquiéter de l'emploi dans la conversation de tous les jours d'expressions telles que full, cool, the best ? (MS) Il est intéressant de constater que ces expressions pénètrent de plus en plus parmi les gens plus âgés. Cependant, ce n'est rien de très sérieux. La conversation des jeunes se transforme sans cesse et emprunte des expressions de partout. (…) Mais cela devient plus délicat quand des expressions en anglais viennent à l'esprit des Slovènes avant les expressions slovènes existantes. Dire qu'on a un « check up » au lieu de dire qu'on a un examen médical, par exemple. Cette façon de s'exprimer est un peu dictée par la mode, il s'agit d'une sorte du jargon. Les gens sont en contact quotidien avec des expressions de ce type. (NV) Dans la vie de tous les jours, nous utilisons de plus en plus l'anglais. Le travail exige souvent une version anglaise, car à l'échelle internationale on ne peut pas se servir beaucoup du slovène. Est-ce que ce bilinguisme croissant réveille l'intérêt pour la langue maternelle ? (MS) Je pense aussi que les Slovènes auront de plus en plus besoin des langues étrangères. Cela veut-il dire d'abandonner la nôtre ? Je crois que non. Je suis plutôt d'avis que celui qui parle bien une langue étrangère n'en est que plus conscient du fait que dans sa langue maternelle, il peut s'exprimer plus facilement et avec plus de richesse. L'anglais accapare une part croissante de nos communications de tous les jours. Pour l'empêcher, il faudrait changer certaines choses, s'isoler complètement et - comme jadis - donner les pleins pouvoirs aux traducteurs et aux interprètes. Nous avons déjà vécu pareille manipulation. En ce sens, la démocratisation apporte plusieurs changements linguistiques, mais cela ne signifie pas pour autant la perte de notre langue. (NV) J'ai lu quelque part qu'une nation qui ne veille pas à la qualité de sa langue chez elle doit s'attendre à ce que les étrangers ne la respectent pas. Si nous négligeons notre propre culture, nous sommes donc responsables de ce que des étrangers situent la Slovénie dans l'ancienne Union soviétique ou en Slovaquie ? C'est un peu ridicule. (MS) Il ne s'agit pas de cela. Nous sommes vraiment peu nombreux. Il est aussi triste qu'une majorité de gens peu cultivés ne font pas la différence entre le pays et la langue. Même en Europe, les perceptions sont loin de la vérité. Il n'existe pas de pays entièrement homogène du point de vue linguistique. Je connais des anecdotes d'étrangers pensant que le slovène n'est devenu une langue officielle qu'avec l'indépendance... Il y a des analogies avec le serbe, le croate et le bosniaque. (…) (NV) Dans les dernières années, plusieurs Slovènes sont partis pour l'étranger. Est-ce vrai que la langue d'origine est en général remplacée par la langue locale en trois générations ? (MS) Les communautés linguistiques slovènes vivent dans des conditions différentes, peu comparables entre elles. Les Slovènes à l'étranger, dont les minorités linguistiques autochtones des pays voisins, ont encore aujourd'hui des difficultés, mais les choses sont rendues maintenant plus faciles - du moins sur le papier - par l'intégration européenne. Toutefois, certaines situations politiques locales sont plus critiques en dépit de la bienveillance générale. Prenons seulement la Carinthie. Auparavant, la minorité slovène était soumise aussi à une pression venue de notre côté, question de propagande idéologique en faveur du socialisme autogéré à la yougoslave. Il était difficile pour beaucoup de s'identifier à ce yougoslavisme : en s'identifiant aux Slovènes, on s'identifiait au yougoslavisme. Maintenant, il est plus facile de s'identifier à la Slovénie. Je pense que ces minorités recevront dans l'avenir une reconnaissance au moins formelle grâce à l'intégration à l'UE. Pour m'être intéressé à la question, je crois que votre thèse des trois générations n'est pas valable. Par exemple, le polonais se conserve souvent jusqu'à la sixième ou septième génération. Comment il se conserve, c'est autre chose. Il est isolé, souvent parlé seulement dans la famille. Les Slovènes en Argentine ont conservé leur langue. (…) Ceux qui sont revenus d'Argentine en raison de la situation qui prévaut là-bas voient que les Slovènes sont tolérants. Une dame m'a dit qu'elle a été complimentée pour la qualité de son slovène. « Pourquoi, demanda-t-elle ? Nous sommes Slovènes ! » En Slovénie, nous les prenons pour des étrangers. Ils ont conservé la langue, certes, quant à la culture, c'est une autre question. Mais sans ce lien, cela n'irait probablement pas. Ces propos selon lesquels les Slovènes se préoccupent peu de leur langue chez eux me mettent en colère. (…) Certains recherchent les conflits. Toute inscription en anglais les irrite. Je trouve cette question uniquement cosmétique. (NV) Cependant, on pourrait faire un effort pour traduire les nouveaux livres et rendre ainsi accessible les connaissances étrangères à ceux qui ne parlent que slovène. Mais ces améliorations ne sont pas des plus lucratives... (MS) Certaines non. (…) Il est vrai que le marché arrange plusieurs choses mais il est aussi vrai que les Slovènes n'ont pas de très bonnes relation avec les livres. Il s'agit d'un respect lâche, pas d'un rapport de lecture franc et direct. Nous en sommes encore à payer cher un livre et à l'admirer comme un sanctuaire, une relique du « slovénisme » - dont on ne se sert pas... (…) (Mise en forme : Stéphane Surprenant) |
![]() Les Slovènes sont-ils xénophobes ? TRADUIT PAR ELENA MALINOVSKA VISNAR Publié dans la presse : 7 février 2003 La bonne conscience nationale prétend que les Slovènes auraient toujours été des « victimes de l'histoire ». Pourtant, la xénophobie existe bien dans le pays, tout autant que dans la plupart des pays déjà membres de l'Union européenne. Par Darko Strajn Si l'islam passe en général, à tort ou à raison, pour une religion conservatrice, il était amusant d'entendre le mufti Djogic reprocher à l'Eglise catholique slovène son "conservatisme extrême". Ainsi, il a noté un aspect important de la xénophobie slovène que l'on pourrait analyser à l'aide des concepts de la psychanalyse, en se rendant compte que la xénophobie renferme une image "cachée" de la jouissance supérieure de l'autre, puisque l'autre est "différent". En même temps, on ne doit surtout pas négliger les bases institutionnelles de la xénophobie. Si de hauts représentants de l'Eglise catholique, des journaux comme les Slovenske novice, et surtout des partis politiques, comme quelques conseillers municipaux du parti Nouvelle Slovénie et du Parti social-démocrate se prononcent sans réserves pour la pratique de l'intolérance, nous ne devons pas être surpris de cette influence effrayante. Le fait que plus de la moitié des Slovènes interrogés veuillent empêcher la communauté musulmane de construire une mosquée est en tout cas très alarmant. En même temps, il faut prévoir un débat public ouvert, et qui devra durer un certain temps. En ce sens, le Conseil municipal de Ljubljana n'avait peut-être pas tort, en refusant de s'occuper du projet de construction du centre musulman culturel lorsque le plan en a été adopté, immédiatement avant les élections locales. Pour le moment, la discussion du projet ne reste qu'un problème technique. La période précédant la construction va montrer, dans un débat public et ouvert, nous l'espérons, que le degré de xénophobie en Slovénie n'est pas encore d'étendue pathologique. Quand le livre de Silve Meznaric, Les Bosniaques, a été publié, en 1986, les débats sur la xénophobie et les phénomènes liés du nationalisme et du chauvinisme acquirent une tout autre étendue que la discussion politique de l'époque. Ainsi, contrairement à ce que prétendait le socialisme, hormis quelques doutes publiquement exprimés, ces phénomènes ne manquaient pas et ne se limitaient pas à la "propagande hostile". Au contraire, il est devenu clair que la population slovène était capable de haïr "les autres, les différents, les divergents". Sous le socialisme comme durant la période post-socialiste une "théorie" complaisante s'appliquait à ces phénomènes : nous, les Slovènes, ne sommes pas nationalistes, puisque nous avons toujours été des victimes de l'histoire, soumis à l'agressivité des autres nations. Mais beaucoup de recherches scientifiques et sociologiques, ainsi que les nombreuses analyses des ONG ont clairement démontré que la théorie évoquée était surtout le fruit du narcissisme national, un élément d'un autoportrait national apitoyé et une construction idéologique qui cache des phénomènes sociaux tout à fait prouvables. Comme l'ont mentionné certains participants à la table ronde sur la xénophobie et le post-socialisme (Mojca Pajnik, Xenophobia and Postsocialism, Mirovni Institut, Ljubljana, 2002), nous trouvons dans la plupart des pays post-socialistes les mêmes arguties qu'en Slovénie : "nous n'avons jamais été des conquérants coloniaux", etc . Nous pouvons détecter une distorsion particulière de la réalité dans la nuance perçue de l'usage de la notion de xénophobie. À la différence des formes actives d'intolérance, la notion de xénophobie comprend selon la définition au moins une excuse partielle sous le prétexte qu'il s'agirait d'une angoisse passive devant l'inconnu, de la peur devant les processus de globalisation etc. Donc, "nous serions des racistes, religieusement intolérants, nationalistes". Le fait est qu'on peut découvrir dans toutes les nations des formes particulières d'intolérance, certaines nations étant plus intolérantes que les autres. Il est certain que ces problèmes n'ont nulle part été résolus, et que l'on ne peut se permettre de négliger ces phénomènes. Ce qui vaut pour tous les pays de l'UE, où les récentes élections ont révélé que l'intolérance et la xénophobie étaient présentes dans tous les pays européens. Je pense, bien évidemment, aux formes politiquement organisées de l'intolérance dans les partis d'extrême droite. Les excès électoraux européens posent des questions sur les solutions juridiques jusqu'à présent en vigueur dans les pays concernés et au niveau de l'UE. La législation assez fragmentée et spécifique dans ces domaines faisait partie du dossier d'adhésion, sans grande marge de manœuvre dans la négociation pour le pays candidats. Mais nous ne pouvons pas négliger le fait que les solutions politiques choisies par tous les pays candidats sont en rapport avec l'ambiance xénophobe qui existe dans l'UE (surtout la clause du délai de la libre circulation des travailleurs provenant des nouveaux Etats membres). Cela montre la faiblesse du concept du multiculturalisme, devenu la première réponse naïve à ces défis de la globalisation qui se manifestent sous la forme des migrations. Une enquête de l'Eurobaromètre publiée à la fin de 2001 dresse une forme très diversifiée de la xénophobie dans les Etats membres de l'UE. Les résultats montrent clairement que, même si la population approuve toute la législation concernant les problèmes de l'intolérance, elle ne renonce pas à des opinions xénophobes et racistes. Le Danemark, un pays perçu comme tolérant, réserve la plus grande surprise du sondage : seulement 17 % des personnes interrogées ont déclaré ne pas être racistes (ce pourcentage est en Espagne de 49 %, en Italie de 35 %). Dans le même temps, 8 % des Danois se sont déclarés hostiles à l'intégration et à l'assimilation des étrangers. La structure de l'intolérance au Danemark montre la présence fréquente d'une hostilité envers les représentants des autres religions, surtout de l'islam. Il faut souligner que ce sondage a été réalisé avant le 11 septembre 2001. En ce qui concerne le phénomène de la xénophobie, la Slovénie est comparable aux pays de l'UE, particulièrement au Danemark. Même si je n'ai pas trouvé de données comparables par leur méthodologie et leur traitement, nous nous rendons également compte que la ressemblance de ces deux pays est évidente. Dans les deux pays, le degré de xénophobie est relativement élevé, mais dans nous ne trouvons pas de manifestations aussi drastiques de la violence contre les "différents" que dans des pays plus grands, comme par exemple l'Allemagne, la France ou le Royaume-Uni, où le degré mesuré de la xénophobie est considérablement plus bas. En fait, la xénophobie s'exprime dans les formes plus cachées de la discrimination, elle ne se révèle ouvertement que face aux problèmes individuels. En Slovénie, l'intolérance la plus perceptible se dirige contre les Rroms, mais l'islamophobie préoccupante montre que le problème de l'intolérance est très sérieux. Les sondages révèlent les symptômes, mais ne dévoilent pas tout le réseau des relations sociales et psychosociales, l'influence des acteurs publics ou des constantes déterminées de la culture politique, qui forment les attitudes des groupes sociaux et des individus dans leur relation envers les "différents". À la lumière de cette constatation, il est clair qu'on ne peut pas accuser les gens de leurs opinions intolérantes et fausses. Ces opinions diminuent en effet avec le degré d'éducation. Une discussion publique pourrait donc modifier les préjugés présents dans la population. |
Le Premier ministre Janez Drnovsek élu président Patrick Rahir Le Premier ministre Janez Drnovsek a remporté largement dimanche le second tour de l'élection présidentielle en Slovénie, une ancienne république de Yougoslavie indépendante depuis 1991 qui s'apprête à rejoindre l'Union européenne et l'OTAN. Après dépouillement de 88% des
bulletins de vote, M. Drnovsek avait recueilli 56,31 des voix, contre
43,69% pour son adversaire, le procureur de la République Barbara
Brezigar, a annoncé la commission électorale. |
![]() Slovénie : entretien avec Ciril Ribicic, dernier président de la Ligue communiste TRADUIT PAR JASNA TATAR Publié dans la presse : 5 décembre 2001 « Lorsqu'il s'exprimait à la télévision, Milosevic regardait droit dans les yeux la caméra. Nous n'étions que des figurants, et ses hommes se chargeraient de nous régler notre compte. Il était comme en transe, mais, lorsqu'on cessait de le filmer, il redevenait un interlocuteur normal. » Propos recueillis par Suzana Milicic « Avant de quitter la salle, nous nous sommes arrêtés un moment Kucan, Sonja Lokar et moi. Nous étions de très mauvaise humeur. Je leur ai chuchoté : faisons comme si nous avions gagné, sourions-leur. Seul Stane Brovec et quelques Slovènes membres de la Ligue communiste yougoslave et de l'armée étaient restés dans la salle. Sonja Lokar a écrasé une larme. » Ce témoignage est extrait du livre de Ciril Ribicic, « Je les ai aimés ». Cet ancien dirigeant des communistes slovènes est aujourd'hui juge et professeur de droit constitutionnel. Il décrit le dernier congrès de la Ligue communiste, la fin de la Yougoslavie. Les larmes de Sonja Lokar ont cristallisé les bons et les mauvais souvenirs relatifs à ce congrès. Ciril Ribicic a déclaré à notre journal : « Dans les pleurs de Sonja Lokar, j'ai vu de la colère et le regret d'avoir enseveli tout l'espoir, le travail et l'énergie que les Slovènes avaient investis dans la fédération yougoslave. La Yougoslavie aurait pu prendre une autre voie. Aujourd'hui, ces larmes ont une signification plus importante encore à cause des horreurs qui ont suivi. » On se rappelle que Ribicic a su juger du moment opportun pour les Slovènes de quitter le congrès de la Ligue communiste. Ils ont pu, sans anicroche, montrer leur mécontentement par rapport à la fédération yougoslave. Dix ans après, Ribicic, ému, se souvient. Ribicic : « – C'est Milosevic qui a insisté pour organiser le XIVème Congrès extraordinaire de la Ligue communiste yougoslave. Après le Kosovo, le Monténégro et la Voivodine, il souhaitait soumettre à sa 'révolution anti-bureaucratique' la Slovénie, la Croatie et la Macédoine. J'étais jeune et naïf. Je croyais que notre idée de construction européenne pourrait obtenir la majorité. La Slovénie pouvait choisir de suivre son propre chemin, mais je m'attendais à son soutien et à obtenir la majorité… Je ne partageais pas le point de vue des indépendantistes. Je pense toujours qu'une Yougoslavie unie aurait pu frapper à la porte de l'Union européenne. Mes collègues qui étaient plus expérimentés pensaient que tout finirait comme à l'époque de Tito : quelques démissions et la Yougoslavie prolongerait son existence de 20 ans. Les plus jeunes étaient persuadés que notre séjour à Belgrade nous ferait perdre des milliers de voix lors des premières élections libres. Il me restait de décider du moment opportun pour quitter le congrès. Il ne fallait pas s'isoler politiquement et apparaître comme les destructeurs de la Yougoslavie. Je suis toujours d'avis que la Yougoslavie a été démolie, non pas par les Slovènes, mais par ceux qui essayaient de maintenir à tous crins le centralisme et l'unité. » Reporter : « – A cette époque, les dirigeants slovènes étaient-ils les opposants de Milosevic ou bien étaient-ils des autonomistes opportunistes. Qui a pensé en Slovénie qu'il était possible de s'opposer à Milosevic ? » Ribicic : « – Nous étions tous persuadés qu'il fallait nous opposer à Milosevic. Fin 1990, plus de 90% des citoyens slovènes pensaient qu'il fallait que la Slovénie obtînt plus d'autonomie. Milosevic y était farouchement opposé. Si la perestroïka yougoslave l'avait emporté au sein de la Ligue communiste, les choses auraient peut-être été différentes. En Slovénie, des individus pensaient qu'il était impossible d'arrêter Milosevic. D'autres voulaient l'indépendance, sans se soucier du nombre de victimes éventuel. Lors de la proclamation de l'indépendance de la Slovénie, en juin 1991, les textes constitutionnels prévoyaient que le pays entretiendrait avec les autres républiques yougoslaves des rapports de type confédéral. L'intervention de l'armée a réduit à néant cette possibilité. En mai 1991, le joueur de tennis serbe, Boba Zivojinovic, a remporté l'open de Slovénie avec le soutien du public local. Les Slovènes auraient sans nul doute accordé leur confiance aux hommes politiques qui se seraient opposés à la révolution anti-bureaucratique. C'est ce qu'ils avaient fait vingt ans auparavant pour Ivan Stambolic, Nikezic, et Latinka Perovic. » Reporter : « – Connaissiez-vous personnellement Milosevic et Mirjana Markovic à cette époque-là ? Il est vrai que Markovic n'étaient pas encore un personnage célèbre de la scène politique. » Ribicic : « – Ce ne serait guère courageux de ma part de m'attaquer aujourd'hui à Milosevic. Cependant, ceux qui seraient le plus apte à parler de lui et de ses erreurs ont disparu. Je ne connais par Mirjana Markovic personnellement. Ses dernières déclarations laissent à penser, qu'à la différence de son mari, elle croit en ce qu'elle dit. Milosevic avait un avantage sur ses adversaires. Il connaissait l'importance des apparitions en public. Lorsqu'il s'exprimait, il regardait droit dans les yeux la caméra. Nous n'étions que des figurants, et ses hommes se chargeraient de nous régler notre compte. Il était comme en transe, mais, lorsqu'on cessait de le filmer, il redevenait un interlocuteur normal. Racan n'a compris l'importance des médias qu'après notre victoire lors du XIVème congrès. Cependant, s'il avait été moins convaincant, la délégation slovène n'aurait pu repartir à Ljubljana en toute tranquillité. L'officier de la JNA de l'époque, Veselin Sljivancanin, responsable selon le TPI de la mort de 200 personnes fusillées à Ovcara, voulait se rendre sur le lieu du congrès. Il souhaitait soutenir Milosevic et faire rentrer dans le rang, à coup de revolver, les responsables slovènes. Un livre a sa gloire est paru en Serbie. Aux représentants de la Croix Rouge qui voulaient entrer dans l'hôpital de Vukovar, il aurait déclaré qu'il était dans son pays, et qu'ici, c'était lui qui donnait les ordres. Il est déplorable de constater qu'une génération entière de Serbes n'est toujours pas capable d'autocritique. Je suis content que Kostunica ait pris ses distances par rapport à cet ouvrage. » Reporter : « – Cette incapacité à faire preuve d'autocritique est-elle un mal spécifiquement serbe ? » Ribicic : « – Non. La Croatie a contribué également à ce que la guerre contre les Bosniaques éclate. Des fautes similaires n'étaient pas possibles en Slovénie car personne ne possédait le contrôle absolu du pouvoir comme en Serbie avec Milosevic, et en Croatie avec, depuis 1992, Tudjman. Si des politiciens comme Kucan et Spomenka Ribar n'avaient pas recherché un consensus sur toutes les questions d'importance, il est sûr que des représentants du DEMOS auraient conduit la Slovénie dans une guerre totale contre la JNA. » Reporter : « –Vous avez écrit le livre 'La genèse d’une erreur'. Il s'agissait d'une étude juridique sur l'activité de la communauté croate de Bosnie. Le titre nous fait part de votre message. Croyez-vous que les Croates aient renoncé à leurs aspirations politiques ? » Ribicic : « – Le sténogramme de la réunion de la direction du HDZ (le parti de Tudjman) laisse à penser que la situation réelle était pire encore. Le HDZ souhaitait la destruction de la Bosnie-Herzégovine afin de rattacher à la Croatie l'Herceg-Bosnie. La réunion s'est tenue fin 1991 à Zagreb, et un extrait du sténogramme de la séance figure dans mon ouvrage : 'Les Américains essaient d'empêcher la création d'un Etat musulman en Europe. La Croatie commettrait une erreur si elle les laissait faire ainsi que la Serbie.' » Il est clair que les dirigeants croates actuels comme Mesic et Racan ont officiellement pris leur distance par rapport à cette volonté hégémonique. Mesic s'est longtemps opposé à la partition de la Bosnie-Herzégovine. Il a du faire face à de nombreuses critiques lorsqu'il a témoigné au TPI à l'époque de Tudjman. Malheureusement, les forces nationalistes serbes et croates n'ont pas disparu. Elles continueront à s'épauler pour obtenir le partage de la Bosnie-Herzégovine entre la Serbie et la Croatie. » Reporter : « –Vous êtes un expert du TPI. Est-ce que l'action de ce tribunal est bien repartie dans tous les Balkans ? » Ribicic : « – Depuis que Milosevic est à La Haye et que les accusations à son endroit ne cessent de croître, on ne peut plus dire que le TPI ne sert qu'à juger les crimes croates. Les principaux responsables comme Susak et Boban étant morts, ils n'ont pu être convoqué. Il est normal que l'on demande au tribunal international la raison pour laquelle il n'a toujours pas invité Karadzic, Mladic et Sljivancanin à comparaître. Le TPI devrait à long terme disparaître. Les procès seront menés par les juridictions nationales. Toutefois, je pense que le tribunal de La Haye a montré qu'il avait la volonté de traiter d'égale manière l'ensemble des crimes commis depuis 1991 dans l'ancienne Yougoslavie. Reporter : « – Le public slovène s'intéresse-t-il aux procès conduits par le TPI ? Comment réagissent-ils aux déclarations de Milosevic ? » Ribicic : « – Les Slovènes suivent avec attention le travail du tribunal de La Haye et notamment les réactions de nos voisins croates. Les jeunes considèrent que Milosevic s'en tire bien, mais ils ne se souviennent pas de Tudjman comme quelqu'un qui voulait être un nouveau Tito. » Reporter : « – Milosevic est-il, pour les Slovènes, l'incarnation de la Serbie ? » Ribicic : « – 'Celui qui a été mordu par un serpent a peur du lézard', dit le proverbe. Beaucoup de Slovènes se méfient de Belgrade. Ils ne partagent pas mon point de vue, et ils pensent que la politique de Milosevic est toujours d'actualité. Certains nouveaux dirigeants serbes comme le Premier ministre et le ministre des affaires étrangères représentent le changement. Cependant, Kostunica est toujours regardé comme le partisan d'une Yougoslavie unifiée. » Reporter : « – Quelle est la forme actuelle du nationalisme slovène ? Y a-t-il eu, ces dix dernières années, quelques changements ? Ribicic : « – Après l'indépendance, les forces nationalistes n'ont pas triomphé. Il suffit de regarder la façon dont la question sur la nationalité slovène a été résolue. Lors du plébiscite, tous les résidents ont eu droit, sans condition, à la nationalité slovène – sauf ceux qui s'étaient opposés à l'indépendance par les armes. La Slovénie a également tenu sa promesse à l'égard les minorités italienne et hongroise. Certes, il y a eu quelques tentatives pour réduire leurs droits, mais les nationalistes n'étaient pas majoritaires en Slovénie. » Reporter : « – On dit souvent que les Slovènes souffrent d'un complexe de supériorité envers les 'gens du Sud' comme les Bosniaques, les Serbes, les Monténégrins et les Macédoniens. Ils n'auraient jamais eu le sentiment d'appartenir à la Yougoslavie… » Ribicic : « – Je ne pense pas que ce soit vrai. Les Slovènes ont tout intérêt à cohabiter avec leurs voisins. Il faut néanmoins que leur liberté de décision, leurs droits culturels et linguistiques soient respectés. Les Slovènes ont toujours communiqué avec 'les gens du Sud' en serbo-croate. Je ne vous parle pas en slovène ou en anglais. Nous faisons peut-être plus preuve d'attention pour les petites républiques de l'ancienne Yougoslavie, comme la Macédoine ou le Monténégro. Pour nous Slovènes, il est inacceptable de sous-estimer les minorités albanaises que ce soit en Serbie ou en Macédoine. Nos rapports envers la Yougoslavie ont changé lorsque nous avons pris conscience que le retard de notre économie, par rapport à celle des pays européens, était dû à des querelles internes. La Serbie rejetait les produits en provenance de Slovénie. Certes, il y a toujours des Slovènes qui refusent toute collaboration avec les pays de l'Est. Ils considèrent qu'ils appartiennent à l'Europe occidentale. Je ne fais pas partie de ces gens-là. Je trouve honteux que Clinton ait dû nous rappeler qu'il fallait que nous coopérions avec le Sud-est de l'Europe. ( Mise en forme : Stéphan Pellet ) |
Slovénie. Reporter 20-06-2001* Auteur : Dragan Belic. Traduction : Jasna Tatar. DIX ANS DE GUERRES : SLOVENIE (JUIN 1991) – MACEDOINE (JUIN 2001). En 1990, la CIA prévoyait la décomposition de la Yougoslavie en moins d'un an et demi. Elle avait parfaitement raison et tous les événements qui ont suivi étaient conformes à ses hypothèses. Cela a été publié à une époque où la communauté internationale insistait sur « le respect de l'intégrité territoriale de l'ancienne Yougoslavie ». Par Dragan Belic. Lorsque la guerre a commencé, personne ne savait qu'elle durerait aussi longtemps. D'après le témoignage d'un soldat, au ton amer et ironique, les événements de juin 1991 en Slovénie avaient des faux airs d'opérette : « Ils voulaient l'indépendance et nous, nous ne souhaitions pas qu'ils l'obtinssent. » Depuis, ces velléités autonomistes ont souvent été à l'origine des nombreux carnages qui se sont succédés dans la région. Cela fait dix ans que tout a commencé et aujourd'hui c'est au tour de la Macédoine de connaître les affres de la guerre. Les événements se sont déplacés le long de ce que les Yougoslaves appelaient jadis « l'autoroute de la Fraternité et de l'Unité. » Partie du Nord-Ouest, la guerre a gagné le Sud, se répandant dans les anciennes républiques yougoslaves, les unes après les autres. 1991 En juin, les assemblées de Slovénie et de Croatie décident de l'indépendance de ces deux unités fédérales. Les instances slovènes commencent à recouvrer les compétences de l'Etat fédéral. Les dirigeants politiques yougoslaves décident alors de faire intervenir l'armée. La guerre entre la défense territoriale slovène et l'armée fédérale est brève et entrecoupée de trêves où les victimes sont plus nombreuses que durant les combats. Epilogue : les Slovènes déclarent dix victimes, et l'armée yougoslave reconnaît avoir perdu 40 soldats et officiers. L'Armée yougoslave se retire de la Slovénie. Les autochtones fêtent la victoire et leur nouveau héros : Janez Jansa. La fièvre autonomiste gagne la Croatie après une série de graves incidents à Plitivice, Borovo, Selo etc. Tudjman forme une garde nationale et Anton Tus quitte l'armée yougoslave pour en devenir le chef. Commencent alors les attaques contre les casernes. L'armée yougoslave se retire vers les régions habitées par les Serbes. « L'automne sanglant » se terminera par la chute de la ville de Vukovar que les Croates appellent depuis « le Stalingrad croate ». Le drame s'achèvera cette année-là par une division de la Croatie en deux parties. Les enclaves serbes porteront le nom de République Srpska Krajina. Arrivent enfin les casques bleus de l'ONU qui seront disposés selon le principe des taches d'encre. Le 25 décembre 1991, le Vatican puis l'Allemagne sont les premiers à reconnaître l'indépendance de la Slovénie et de la Croatie. Les autres pays européens suivent leur exemple alors que les Etats-Unis s'abstiennent. 1992 A peine les passions de la guerre se sont-elles calmées en Croatie, que c'est au tour de la Bosnie de s'embraser. Les Etats-Unis, et toute la communauté internationale, reconnaissent la souveraineté de la Bosnie-Herzégovine. Les chefs des Serbes de Bosnie se déplacent de la ville de Sarajevo à sa banlieue, Pale. Les soldats de l'armée yougoslave meurent dans les rues de Sarajevo. C'est le début d'une sanglante guerre ethnique entre les Serbes, les Musulmans et les Croates. La ville de Sarajevo est assiégée par les Serbes et les foyers de guerre éclatent le long des rivières Drina, Una, Vrbas et Bosna. Avec la guerre en Bosnie, l'ancienne Yougoslavie n'existe plus. La Serbie et le Monténégro forment la République Fédérative de Yougoslavie. L'armée yougoslave se retire pacifiquement de la Macédoine. L'ONU émet des sanctions à l'égard du nouvel Etat yougoslave car celui-ci aide les Serbes en Croatie et en Bosnie. Slobodan Milosevic nomme Milan Panic, homme d’affaires américain, Premier ministre et l'écrivain Dobrica Cosis devient chef de l'Etat. Quelques mois plus tard, il les obligera à quitter leurs fonctions. 1993 L'année 1993 est marquée par de vaines négociations de paix qui, pour l'essentiel, se tiennent à Genève. Différents plans se succèdent. Les négociateurs sont l'Américain Cyrus Vance et le Britannique David Oven – Vence sera ensuite remplacé par le Norvégien Torvald Stoltenberg. Tous les foyers de guerre en Croatie et en Bosnie demeurent « actifs », avec des confrontations sanglantes entre Croates et Musulmans en Bosnie. Les Serbes accordent leur aide aux Croates. 1994 Les premiers conflits entre Slobodan Milosevic et les dirigeants serbes de Bosnie voient le jour. Milosevic introduit le blocus sur la Drina puisque Radovan Karadzic n'a pas accepté le plan « Vance-Oven ». En même temps, couve un nouveau conflit entre Karadzic et Mladic. 1995 C'est une année essentielle pour le dénouement de la crise à l'Ouest de la Drina. Dans les opérations « Eclair » en mai et « Tempête » en août, les forces croates chassent presque toute la population serbe de la Slavonie occidentale et de la Krajina de Knin. Les forces croato-musulmanes ont conquis, en automne, la plus grande partie des anciens territoires serbes en Bosnie occidentale. Vient alors la conférence de Dayton, une base militaire américaine où Slobodan Milosevic, Franjo Tudjman et Alija Izetbegovic signent un nouvel accord sous le regard des Américains. La guerre cesse… 1996 C'est la première année de paix dans l'ancienne Yougoslavie après cinq ans de guerre. Les sanctions à l'encontre de la RFY sont abolies. Elle peut désormais participer aux compétitions sportives internationales et accueillir les avions des compagnies étrangères. Les liens avec le reste du monde et l'environnement immédiat sont renoués. Le journal « New York Times » qui avait décrit Milosevic comme « Le boucher des Balkans » considère désormais le dirigeant serbe comme un « facteur irremplaçable de paix dans les Balkans ». 1997 La première partie de l'année, les différents protagonistes demeurent fidèles aux engagements de Dayton. Pour la seconde moitié, l'Armée de la libération du Kosovo, l'UÇK, s’impose sur la scène politique. Ibrahim Rugova et d'autres hommes politiques albanais du Kosovo considèrent que l'UÇK est « une création de la police serbe ». Les représentants de l'UÇK font alors leur première apparition publique le 29 novembre 1997, en habits militaires. C'est le début des affrontements au Kosovo. Les premières victimes ne sont pas seulement des policiers et des soldats. Il s'agit de civils et notamment d'enfants. 1998 L'UÇK renforce ses activités terroristes en visant tout ce qui représente « le pouvoir serbe ». L'armée et la police répondent et la communauté internationale s'oppose à une utilisation exagérée de la force. Au mois d'octobre, après une des nombreuses visites de Richard Holbrooke à Milosevic, la communauté internationale adresse sa première menace directe : le bombardement aérien ! L'intervention militaire internationale devient une épée de Damoclès. 1999 Au mois de mars, après l'échec des négociations à Rambouillet, l'intervention de l'OTAN devient une réalité. Les forces aériennes de l'OTAN bombardent la Yougoslavie pendant 78 jours. Au Kosovo, on assiste à une guerre véritable entre l'UÇK et l'armée et la police serbe. L'OTAN envisage même une opération au sol mais cette solution n'est pas mise en œuvre grâce à l'instigation de Tchernomirdyn-Ahtisaari et à la signature d'un accord à Kumanovo – Macédoine. L'armée et la police serbes se retirent du Kosovo pour laisser place aux troupes de l'OTAN. 2000 Encore une année de guerres. Une « petite guerre » est menée au Sud de la Serbie où des extrémistes albanais essaient de « libérer » une région qu'ils appellent « Kosovo de l'Est ». Leur action est empêchée, non seulement par des moyens militaires, mais surtout par une activité diplomatique intense de la part du nouveau pouvoir serbe. 2001 La Macédoine était la dernière des anciennes républiques yougoslaves (hormis le Monténégro) qui jusqu'à présent n'avait pas connu d'affrontements sur son territoire. C'est désormais chose faite. Après le retour au calme dans le Sud de la Serbie, les extrémistes albanais ont transporté le conflit en Macédoine. Le pays a longtemps fait preuve de beaucoup de patience en recherchant une solution pacifique. La main maléfique du dieu de la guerre, Mars, a touché, ce printemps, la dernière oasis de paix des Balkans. Bilan d'une décennie sanglante. Jusqu'à présent, cinq Etats ont été crées sur le territoire de l'ancienne Yougoslavie : La Slovénie : Il s'agit d'un Etat mono ethnique qui, en dépit de sa grande stabilité économique, éprouve des difficultés à se rapprocher de l'Union européenne. Il faut dire que des lois restrictives ne permettent pas aux étrangers de posséder de l'immobilier dans le pays. A noter que les anciens communistes sont toujours au pouvoir. La Croatie : C'est aujourd'hui un Etat mono ethnique qui compte moins d'habitants qu'il n'en avait en 1991. Après les années Tudjman, le pays est en proie à des affaires de corruption. Les libéraux (les nationalistes) et les sociaux-démocrates se partagent le pouvoir. La Bosnie : Depuis les accords de Dayton, cet Etat est composé de deux entités. Le pays est sous tutelle internationale. Son autonomie économique serait difficile sans une aide importante de l'étranger. La Macédoine : Le nom de cet Etat n'est toujours pas reconnu par la communauté internationale. Il s'appelle officiellement FYROM, ancienne république yougoslave de Macédoine. Son destin et sa survie semblent être l'objet d'un grave enjeu politique. La Yougoslavie : Une fédération trop fragile que le Monténégro veut quitter. Une partie de son territoire (le Kosovo) est un protectorat international. Le pays est appauvri économiquement. Il souffre de trop nombreuses affaires et d'un isolement prolongé d'avec le reste du monde. Les dirigeants actuels n'ont pas participé à l'ancien gouvernement marxiste. Cependant, au niveau fédéral, ils coopèrent avec les anciennes communistes. Il n'est pas exclu que de nouveaux Etats apparaissent sur le territoire de l'ancienne Yougoslavie ! Dragan Belic. (Mise en forme : Stéphan Pellet) © Tous droits réservés 2001 Le Courrier des Balkans -La presse indépendante des Balkans en français- (Le Courrier des Balkans n'est pas responsable des opinions formulées par les auteurs des textes traduits) |